Le cumul des précipitations est 67% inférieur à la moyenne ce printemps, selon un pré-bilan de MeteoLux. (Photo: Jean-Christophe Verhaegen/Union européenne 2021/archives)

Le cumul des précipitations est 67% inférieur à la moyenne ce printemps, selon un pré-bilan de MeteoLux. (Photo: Jean-Christophe Verhaegen/Union européenne 2021/archives)

Céréales, foin, légumes… le manque de pluie ce printemps inquiète les agriculteurs luxembourgeois. Une sécheresse qui n’est pas inhabituelle, mais qui arrive bien plus tôt que d’habitude.

«Je n’ai pas de chiffres précis, mais les agriculteurs sont inquiets. Il faut absolument qu’il pleuve dans les prochains jours.» Le directeur de la Chambre d’agriculture luxembourgeoise, Vincent Glaesener, résume une situation de sécheresse exceptionnelle en ce mois de mai 2022. Après un été 2021 à l’inverse «extrêmement humide», ce qui n’est pas bon non plus. «Ce n’est rien qu’on n’ait jamais vécu. Mais on a l’impression que cela revient de plus en plus souvent. La nouveauté cette année, c’est le moment de la sécheresse, qui arrive dès le printemps», complète Guy Steichen, chef du service Conseil à la Chambre d’agriculture. Le cumul des précipitations entre le 1er mars et le 18 mai 2022, qui atteint 59,8 litres par mètre carré, était environ 67% inférieur à la moyenne entre 1991 et 2020, selon un pré-bilan climatologique de MeteoLux.

Et les «gros lessivages» lors d’orages comme ceux que le pays a connus la semaine dernière ne «servent à rien», selon Vincent Glaesener, car ils ne permettent pas à l’eau de pénétrer dans le sol correctement. Ils peuvent au contraire détruire certaines cultures. L’idéal étant une «pluie continue». «Nous sommes à cheval entre le Rhin et la Meuse, ce qui coule va vers la Belgique et l’Allemagne, et nous avons l’interdiction d’irriguer.»

Moins de grains au niveau des céréales

Les conséquences touchent différemment les activités agricoles. Si d’habitude les graines de maïs germent dans la semaine qui suit le moment où elles ont été semées, début mai, cette année, «on a dû attendre presque trois semaines, avec les fortes pluies de la semaine dernière», raconte Guy Steichen. Il est encore «trop tôt» pour évaluer les conséquences de ce retard sur les récoltes. «On a au moins perdu deux semaines, mais, si le temps s’améliore, rien n’est encore perdu.»

Il parle de pertes «inévitables» au niveau des céréales. «Si le blé est en stress hydrique, cela diminue la production de grains», explique Vincent Glaesener.

Un manque de foin pour le bétail

Céréales qui servent aussi bien à produire de la farine qu’à nourrir les animaux d’élevage. Et déjà touchées par une explosion des prix, à cause de la guerre en Ukraine. «Je ne peux pas dire comment les prix vont évoluer, mais, pour le moment, on est presque au double par rapport à l’année dernière», indique Guy Steichen.

Autre limite pour les éleveurs: le manque de foin. Là encore, un problème récurrent, qui semble intensifié. «Normalement, au printemps, on a encore assez d’eau, et la première coupe d’herbe est bonne», détaille le chef du service Conseil à la Chambre d’agriculture. «Cette année, la sécheresse est venue un mois plus tôt, et le rendement est en dessous de la moyenne», dit-il, sans pouvoir le quantifier pour le moment.

Pour les fruits, au moins 5% de pertes

Du côté des légumes, on s’attend déjà à une «récolte plus petite en choux», détaille le maraîcher Jean-Claude Muller. «De même pour le céleri. Il n’a presque pas plu depuis Pâques», regrette-t-il. «En fin de compte, il manquera quand même pour nous une certaine quantité.» Elle dépendra des prochains jours, qu’il espère pluvieux. «Si juin et juillet sont plus humides, on peut s’attendre à seulement 5-10% de pertes. Si le temps reste sec, on pourrait peut-être perdre la totalité», même sur les cultures comme celle des salades, qui peuvent être irriguées, parce qu’on n’aura «pas suffisamment d’eau potable».

Un printemps positif pour les viticulteurs

Seuls les viticulteurs se disent pour le moment «contents» du temps sec, admet Serge Fischer, chargé d’études à l’Institut Viti-Vinicole. «Cela freine le développement des maladies de la vigne», justifie-t-il. Et la chaleur «permet d’atteindre plus facilement la maturation souhaitée». Ce qui n’a pas d’impact sur la quantité, mais sur la qualité du vin. Le seul bémol, «les sols secs jouent sur les jeunes plants, de cette année ou de deux à trois ans. Il faut arroser.» Les grêles ont aussi fait «quelques dégâts, mais limités».

La chaleur a également accéléré la récolte de fruits dans certains pays, notamment de fraises. «C’est une situation spécifique au sud de la France. Au Luxembourg, nous ne sommes pas encore à ce niveau», explique Vincent Glaesener.

Vers une adaptation des variétés?

Si les situations météorologiques extrêmes se répètent dans les années à venir, «il va falloir recourir, au fur et à mesure, à des variétés plus résistantes», projette-t-il. Il cite «des plantes qui poussent en Afrique, comme le sorgho ou des céréales dont on n’a jamais entendu parler en Europe».