L’agriculture est le cœur battant de notre société. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

L’agriculture est le cœur battant de notre société. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

L’agriculture est le cœur battant de notre société. À l’origine de notre alimentation, les agriculteurs participent également à la préservation de notre planète et de ses écosystèmes. Pourtant, ils ne sont encore qu’une petite poignée à œuvrer de manière durable, parfois en travaillant selon les critères de l’agriculture biologique.

Au Luxembourg plus particulièrement, l’agriculture biologique n’occupe actuellement que 5,18% des surfaces agricoles. En 10 ans, ce chiffre n’a pratiquement pas augmenté (il était de 3% en 2010), alors que l’urgence climatique est plus que jamais préoccupante. Il va donc falloir mettre les bouchées doubles pour atteindre l’objectif de 20% fixé par le gouvernement pour 2025 (plan PAN-Bio 2025). Les agriculteurs et producteurs sélectionnés pour ce portfolio sont, chacun à leur manière, exemplaires dans leur secteur. Ce sont les gardiens de notre terre.

1. Les Paniers de Sandrine sont connus de tous les amateurs de bons produits. Depuis 2012, Sandrine Pingeon exploite environ quatre hectares pour sa production maraîchère. Plus de 50 variétés de tomates, des carottes de toutes les couleurs, des choux aux formes diverses, des salades fraîches et croquantes, mais aussi des patates douces, du safran, du shiso, de nombreuses herbes aromatiques ou des fleurs à manger sont cultivés par cette dynamique entrepreneuse et son équipe. «Je ne fais rien de nouveau, à part perpétuer le travail qu’ont toujours fait nos aïeux, en respectant la biodiversité.» En plus du magasin à la ferme, elle distribue sa production sous forme de paniers en abonnement ou dans les meilleurs restaurants du pays. Depuis l’année dernière, elle a ajouté une production de fleurs à couper. «Je ne cherche pas nécessairement à avoir plus grand, mais à avoir une production plus riche, plus diversifiée.»

2. La spécialité de la ferme Baltes, ce sont les ­chè­vres. Et elles y sont élevées de manière exem­plaire puisque la Bio-Haff Baltes a reçu le label allemand Demonstrationsbetrieb Biologischer Landbau («ferme modèle de l’agriculture biologique»). Depuis 2007, le lait des quelque 150 chèvres est transformé dans leur fromagerie en une dizaine de produits allant du fromage frais au fromage à pâte dure. En plus des chèvres, la ferme réalise un élevage de poneys islandais et possède plus de 80 vaches limousines. Tous les animaux sont nourris grâce à des fourrages ou grains produits par la ferme. Aujourd’hui, la relève est assurée par les enfants de Daniel Baltes, dont Kristof, qui ont envie de poursuivre l’exploitation.

3. Terra est une coopérative lancée en 2014 qui dispose d’un terrain de 1,5 hectare. Mais ses quelque 80 types de légumes sont cultivés sur un demi-hectare, le reste étant réservé pour les arbres, dont des fruitiers, et les chemins. «Nous n’avons pas la certification bio, mais nous travaillons exactement de la même manière», explique Pit Reichert, cofondateur de Terra. Les employés appliquent les méthodes de la permaculture, sans labourage, travaillant avec du compost et en cultures associées. «C’est pour cela qu’il y a de la ciboulette sous les arbres fruitiers ou des soucis à côté des salades. Et nous avons aussi des canards qui viennent man­ger les limaces», détaille le chef maraîcher. Fonctionnant sans subside ni prêt bancaire, ils sont financés par les membres de la co­opérative et le fruit de leur vente des plus de 200 paniers distribués par cotisation échelonnée, «car bien manger ne doit pas être un luxe», et dans les points de vente ciblés. Une entreprise qui, aujourd’hui, trouve son équilibre financier, avec un chiffre d’affaires d’environ 250.000€ et qui emploie sept personnes.

4. Letz Grow a commencé sous l’impulsion de Senad Alic. Ce qui a d’abord été, en 2014, un passe-temps dans le jardin familial est devenu, à partir de 2018, une petite unité de production de fruits et légumes, sans avoir recours à aucun produit chimique. Letz Grow, que Danny Hutchines a rejointe en 2019, nourrit ainsi plusieurs familles à travers la distribution de paniers ou dans une boutique, mais aussi à la crèche du village et dans quelques épiceries, bars et restaurants. Une production à petite échelle, locale et durable. Mais leur engagement ne s’arrête pas là, car Letz Grow accorde beaucoup d’importance à la transmission du savoir et apprend par exemple à cultiver son propre potager.

5. La bergerie Weber est une entreprise familiale qui a été reprise par Florian Weber et son épouse Myriam en 2012. «Nous travaillons avec les mou­tons comme nous le faisions déjà il y a 100 ans», explique Myriam Weber. Ils possèdent plus de 700 têtes réparties en plusieurs troupeaux. «Nous rejoignons un biotope à pied avec le troupeau et laissons les moutons en pâturage un ou deux jours. En faisant ceci, nous favorisons la biodiversité, car les moutons activent certains éléments sur place et transportent aussi avec eux, soit dans leur laine, soit à travers leur digestion, des semences.» En effectuant cette transhumance, le berger parvient à relier des biotopes séparés et accroît la biodiversité à l’aide des moutons. «Nous som­mes quasiment les seuls à travailler de cette manière au Luxembourg. Pourtant, ce sont des méthodes efficaces, établies avec des biologistes et des géologues. Cette action a un rôle très important dans la protection de l’environnement.» C’est pour cela qu’ils veillent aussi à sensibiliser le public à leur travail, en les invitant à les suivre au cours de certaines transhumances et en leur expliquant le travail à la bergerie.

6. Marc Emering est à la tête de Dudel-Magie, ferme qu’il a reprise en 1995 et qu’il a transformée en production bio en 2000. Si auparavant l’exploitation concernait les céréales et les vaches laitières, il a réorienté l’activité vers la production de poulets bio. «Nous élevons en moyenne 8.000 poulets, quatre fois par an, explique Marc Emering. Nous disposons de trois étables qui accueillent chacune des bêtes du même âge. Ce système évite la propagation des maladies.» La densité d’occupation est de 9 poulets/m2, soit trois fois moins que dans un élevage industriel. «Après 5 semaines, les poulets peuvent aller à l’extérieur et on voit tout de suite que leur immunité augmente. Ils peuvent ainsi sortir même en hiver.» En complément de cet élevage, Dudel-Magie est aussi devenue une fabrique de pâtes artisanales. Pour les produire, Marc Emering utilise des œufs bio hors calibre (et qui ne peuvent donc pas aller dans le commerce) et de la farine d’épeautre, qu’il cultive également. «Nous vendons environ une tonne de pâtes par semaine, et tout est fait à la main dans nos ateliers.»

7. La maison viticole Schmit-Fohl installée à Ahn a choisi de devenir 100% bio en 2017. Après trois ans de conversion, le millésime 2020 sera le premier à être labellisé avec la feuille verte. Le domaine, dont la création remonte au 18e siècle, est aujourd’hui géré par Armand et Patrizia Schmit, accompagnés de leurs fils Nicolas (depuis 2016) et Mathieu (depuis 2019). À partir de leur domaine de 12 hectares, ils produisent 80.000 bouteilles de vin et crémant par an. «Travailler en bio, cela signifie avoir plus de travail, s’occuper encore plus de nos vignes, prendre un risque sur la production, mais c’est surtout prendre soin du sol et travailler dans le respect de la nature, pour les générations futures», déclare Nicolas Schmit.

8. La ferme Witry est spécialisée depuis 2006 dans la production de lait bio. Le lait tiré des 45 vaches laitières est utilisé sans transformation ou pour faire des yaourts, des fromages… Les vaches sont élevées sans OGM, sans produits chimiques. Pierre et Caroline Witry ont même installé une machine en self-service pour avoir du lait frais 24h/24 et 7j/7. À côté, un ­frigo rend disponible la production de produits transformés et quelques produits de collègues fermiers partageant la même approche agricole. Ils reçoivent aussi régulièrement dans leur ferme des groupes d’enfants pour leur faire découvrir les plaisirs de la nature, du travail à la ferme, de la proximité avec les animaux. Il faut dire que Caroline est institutrice et s’est beaucoup investie dans ce projet de ferme MUHlti-­KUHlti, où l’on trouve aussi des poules et deux ânes. Le travail dans les champs est aussi réalisé, principalement pour nourrir les bêtes.

9. À la ferme pédagogique Kass-Haff, plus de 350 groupes d’enfants viennent tous les ans découvrir les plaisirs de la vie rurale, «car sensibiliser les enfants aux produits de la ­fer­me, c’est investir dans notre futur», assure Tom Kass. Avec sa femme, ils ont choisi de travailler en biodynamique. «En plus de ne pas utiliser d’engrais chimiques ni de pesticides, nous menons des processus complémentaires pour améliorer la terre, comme l’enri­chiss­ement de notre fumier avec des plantes telles que la camomille, les pissenlits ou la valériane.» Ils ont aussi une approche respectueuse de leurs animaux, ne pratiquant aucune mutilation. «Pour nous, une ferme moderne est une ferme qui n’est pas spécialisée dans une espèce, mais qui a un peu de tout, en taille gérable.» C’est pourquoi ils ont 30 vaches laitières accompagnées de leurs veaux, 450 poules, ainsi que quelques chèvres. «Nous ne pouvons pas tout gérer nous-mêmes. Aussi, nous travaillons en collaboration: la fromagerie est gérée par la coopérative BIOG, le magasin est une filiale de Naturata dont 50% du profit revient à la ferme.» La structure même de la ferme est aussi durable: une sàrl dont une partie des parts est ouverte au public. «Ma femme et moi ne sommes que les gérants de cette société, ce qui rend la transmission plus aisée.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 29 avril 2021.

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