Romain TISNE (Crédit: Olivier Toussaint)

Romain TISNE (Crédit: Olivier Toussaint)

L’un des paradoxes du contexte RH européen consiste à rassembler les acteurs autour d’événements sans pour autant garantir la création de synergies au service des entreprises et de leurs besoins. Comment utiliser la force du collectif pour générer des idées et inclure de nouveaux partenaires?

Dans l’économie du savoir, la constitution de communautés représente une voie stratégique pour développer et partager les connaissances. Ni service, ni réseau, la communauté est un regroupement informel d’experts autour de sujets et de problématiques partagés qui échangent des savoirs, créent des pratiques communes et les enrichissent. Si l’organisation d’événements thématiques permet de fédérer certains professionnels, l’approche communautaire dépasse cet aspect. Car, pour fonctionner, contribuer à l’apprentissage collectif et répondre aux besoins des entreprises, une communauté doit avant tout se faire confiance. Alors que les talents se regroupent et s’entraident via – entre autres – les réseaux sociaux, les entreprises se coordonnent à travers des associations professionnelles toujours plus pertinentes sur tous les sujets. Il semble, dès lors, essentiel pour les prestataires de services RH d’appliquer la même logique et de co-construire un écosystème pertinent pour offrir, collectivement et avec des acteurs d’un nouveau genre, de la valeur.

Accepter de savoir aider et de se faire aider

Dans une communauté, et tout particulièrement RH, les individus sont censés s’aider mutuellement. La compétence qui consiste à savoir aider et à se faire aider est souvent plus importante que le fait d’être capable de répondre soi-même à toutes les questions. L’engagement mutuel suppose ainsi un rapport d’entraide nécessaire au partage de connaissances sur la pratique. Une communauté forte encourage des interactions et des relations fondées sur le respect mutuel et la confiance. Elle participe également à la volonté d’échanger les idées, d’exposer les ignorances, de poser des questions difficiles et d’écouter activement pour trouver, ensemble, de nouvelles réponses.

Or, on remarque, sur le terrain, une certaine méfiance à la collaboration entre prestataires de tous horizons pourtant souvent extrêmement complémentaires dans leurs offres, leurs spécialités ou leurs modes d’intervention. Dans une version 3.0 de cet ecosystème, il paraît désormais pertinent de remplacer les contrats exclusifs par la création d’une constellation de professionnels pionnière, ambassadrice et porte-parole. Avec pour objectif unique de trouver une solution pour chaque problème, ces acteurs ont une réelle carte à jouer à se parler, ce qu’ont très bien compris les professionnels du recrutement ou encore les coachs certifiés. Aujourd’hui, ne convient-il pas d’intégrer, au sein d’un ensemble plus large, d’autres acteurs aux métiers connexes?

Un avocat partenaire pour gérer un litige, un leaser pour parler «mobilité», un expert marketing pour travailler sur la «marque employeur», un assureur pour protéger les talents de nos clients, un partenaire IT pour évaluer techniquement des candidats, ou encore un ecosystème associatif étranger pour importer certaines bonnes pratiques d’usage sur d’autres marchés – la «dream team» est plurielle dans sa constitution, singulière dans sa proposition de création de valeur.

Révéler l’intelligence collective

Après tout, quels intérêts les professionnels RH auraient-ils à partager leurs clients, leurs connaissances et leurs difficultés dans un environnement ultra compétitif?

Le premier avantage réside dans la proposition de création de valeur auprès des entreprises. Aujourd’hui, cette dernière gère des enjeux humains complexes qui ont trait à de nombreuses spécialités au sein de la profession RH. Or, une communauté qui fonctionne bien permet justement d’apprécier l’entreprise cliente dans sa globalité, et non en silo de fonctions. Référer sans crainte, faire appel à des confrères et consœurs plus à propos et trouver des solutions qui reflètent le fonctionnement des entreprises et des talents sont autant de points valorisant la profession et cette complémentarité.

Un «armistice» à la guerre des talents pourrait voir le jour si les professionnels, organisés en réseaux, pouvaient identifier des start-ups proposant des solutions alternatives au remplacement systématique par un talent issu de la concurrence... Au lieu de remplacer un expert, on pourrait imaginer un coaching du manager, ou un projet de mobilité interne pour des talents en fin de cycle sur un poste donné, voire une plateforme d’échange de talents aux spécialités différentes entre plusieurs employeurs consentants.... Dans une approche collaborative, l’organisation du partage de certains profils, qui suscite de résonner au-delà de la consommation de CV, permettrait certainement une plus grande fluidité dans le recrutement et contribuerait ainsi à dilater le marché de l’emploi.

Autre argument, interne à la communauté cette fois-ci, quand un expert est face à une problématique, il est rarement un cas isolé. S’y intéresser, c’est prendre une longueur d’avance sur un sujet qui pourrait émerger plus tard. Un membre d’une communauté peut ainsi en aider un autre à trouver une solution à son problème, mais peut aussi interagir avec lui différemment en lui proposant ses services, par exemple.

De manière générale, l’approche communautaire RH offre la possibilité de se positionner sur de nouvelles opportunités de marché, d’anticiper de nouvelles attentes, de traiter les causes et non les conséquences, de rechercher davantage d’efficacité opérationnelle à travers la gestion de projets multidisciplinaires, et de régénérer son modèle en l’ouvrant sur l’extérieur.

Au fond, penser «écosystème» nécessite un changement de culture pour les prestataires que nous sommes. Pourtant, dans une communauté plus que dans tout autre contexte, le client est au cœur de tous les intérêts. Une réelle constellation RH complétée par des professionnels d’autres secteurs ne pourrait-elle pas émerger à l’initiative de l’entreprise cliente qui, comme à la veille d’un grand match, constituerait une équipe pour l’accompagner?

 Support éditorial et SEO par Steve Boukhers, SBK Com’sulting»