L e terme «col blanc» désigne  les travailleurs de bureau, en particulier les cadres  et les dirigeants.  (Photo: Shutterstock)

L e terme «col blanc» désigne  les travailleurs de bureau, en particulier les cadres  et les dirigeants.  (Photo: Shutterstock)

Stanislas Dutreil, managing director de Badenoch+Clark Luxembourg, cabinet au sein du groupe Adecco spécialisé dans le recrutement de cadres et de dirigeants, a accepté de nous éclairer sur les tendances du marché de l’emploi des «cols blancs».

Pour rappel, les «cols blancs» représentent 2/3 de l’emploi salarié au Luxembourg, selon les derniers chiffres du Statec. Généralement, les «cols blancs» désignent les travailleurs de bureau, en particulier les cadres. Le Statec va même un peu plus loin en différenciant les «cols blancs» qualifiés – les directeurs et cadres de direction, professions intellectuelles et scientifiques – et les «cols blancs» peu qualifiés, comme les employés administratifs et le personnel des services directs aux particuliers, commerçants et vendeurs. 

A contrario, les «cols bleus» vont désigner des travailleurs exécutant des tâches manuelles, par opposition aux «cols blancs».

«Le Luxembourg a été un peu préservé par rapport à ses voisins. Ce qui s’explique par trois raisons. La première est sa place financière avec ses fonds d’investissement, ses institutions financières qui n’ont pas mal géré les flux financiers. La deuxième raison est à mettre au crédit du gouvernement, qui a tout de même pris de bonnes décisions pour bien gérer l’économie du pays, même si les restaurateurs et les professionnels de l’horeca n’auront pas le même avis. Enfin, troisième raison, on est quand même sur un marché où l’on dépend moins de l’industrie par rapport à des pays comme la France, où l’industrie et la manufacture pèsent lourd d’un point de vue économique. Ce qui n’est pas le cas au Luxembourg», explique .

Au Luxembourg, les cols blancs dominent la plupart des secteurs. (Illustration: Statec)

Au Luxembourg, les cols blancs dominent la plupart des secteurs. (Illustration: Statec)

Pour comprendre le marché de l’emploi des cadres et des dirigeants, petit retour en début d’année 2020, où tous les indicateurs étaient dans le vert. «On était sur une septième année de croissance consécutive au premier trimestre», assure Stanislas Dutreil. «Puis le Covid-19 est arrivé. Les deuxième et troisième trimestres ont été très compliqués économiquement parlant. Le recrutement également, avec un gel au niveau des entreprises.»

Beaucoup d’entreprises ont réaccéléré en matière de recrutement pour anticiper la reprise de 2021.
Stanislas Dutreil

Stanislas Dutreilmanaging directorBadenoch+Clark Luxembourg

Après ce passage difficile entre mai et novembre de l’année dernière, les entreprises semblent revenir sur le marché de l’emploi avec l’intention de recruter ou de renforcer leurs équipes, même si la crise sanitaire est toujours présente. «On a commencé à sentir une reprise de l’emploi au début du mois de novembre. Beaucoup d’entreprises ont réaccéléré en matière de recrutement pour anticiper la reprise de 2021. Qui arrive un peu après les espérances. Attendue en janvier-février, celle fameuse reprise économique dont on parle et qui devrait avoir un impact sur l’emploi devrait arriver cet été. Depuis novembre, on sent réellement une tendance haussière d’un point de vue volumétrique, notamment sur deux segments, l’IT et le commercial», assure Stanislas Dutreil.

Des entreprises toujours plus exigeantes

Malgré tout, le directeur de Badenoch+Clark Luxembourg reste prudent en soulignant n’être «pas revenu à la normale et au niveau de janvier 2020, avant la crise sanitaire». Les chiffres sont d’ailleurs assez limpides. En 2020, les cabinets de recrutement ont perdu entre 55 et 60% de leur activité. En janvier-février, par rapport à la même période en 2020, «on n’a perdu que 26% de notre activité», tempère Stanislas Dutreil, en se basant sur les dernières données de la Federation for Recruitment, Search and Selection (FR2S).

Si les entreprises semblent être demandeuses en matière de talents, toute la difficulté est de pouvoir les trouver. D’autant plus que «les entreprises sont encore plus exigeantes qu’auparavant. Elles veulent vraiment trouver le mouton à 18 pattes», souligne Stanislas Dutreil.

Les candidats, eux, qui pendant toute l’année 2020 étaient assez frileux quant à l’idée de changer d’employeur dans un contexte de crise, commencent à «avoir la bougeotte» depuis le mois de décembre. Seul problème, faire coïncider la recherche des entreprises avec les candidats.

«Les entreprises doivent être plus flexibles sur leurs demandes. Elles sont encore un peu réticentes à l’idée de faire des compromis sur le cahier des charges du profil qu’elles recherchent, mais on sent qu’elles commencent à être à l’écoute, d’autant plus que les candidats sont également plus regardants sur le confort de travail, sur la possibilité de télétravailler. Ils veulent également une période d’essai plus courte. Les candidats négocient davantage sur l’habillage que sur le salaire», explique Stanislas Dutreil.

Enfin, les entreprises semblent rechercher des profils spécifiques sur une durée également très spécifique. Une tendance qui se retrouve également chez les candidats.

Les Européens de la finance qui sont à Shanghai, Hong Kong, Singapour veulent revenir en Europe.
Stanislas Dutreil

Stanislas Dutreilmanaging directorBadenoch+Clark Luxembourg

Autre tendance, les entreprises considèrent plus facilement les profils pouvant être opérationnels rapidement avec une capacité de management élevé. Les entreprises semblent également privilégier les candidats étant déjà établis dans la région.

«Avant, elles ne regardaient pas la nationalité ou la provenance du candidat. Depuis octobre-novembre, on s’aperçoit qu’il y a encore plus d’exigences sur l’origine des candidats. Les entreprises demandent de trouver des candidats déjà installés dans le coin. Elles ne veulent plus gérer la relocalisation d’une personne ou prendre en charge un déménagement», assure Stanislas Dutreil, avant d’ajouter: «Sur notre segment, le recrutement de cadres et de dirigeants, les entreprises ont peur des départs. Pendant la crise sanitaire, on s’est aperçu que beaucoup de candidats éloignés de leur famille ou de leur pays ont voulu revenir dans leur pays d’origine. Les entreprises sont donc un peu frileuses sur ce point. Quand on a des candidats qui sont d’ailleurs, de plus loin, on sent qu’elles freinent un peu pour nous laisser le temps de trouver des candidats qui sont plus proches», explique encore Stanislas Dutreil, qui pense que cette tendance devrait durer jusqu’à l’été.

Inversement, les Européens expatriés en Asie veulent retourner sur le Vieux Continent. «Nous n’avons jamais eu autant de demandes d’Européens basés en Asie. Les Européens de la finance qui sont à Shanghai, Hong Kong, Singapour veulent revenir en Europe. Et malgré le cadre de vie dans lequel ils sont et les revenus qui sont intéressants, ils veulent revenir. Le problème, c’est qu’ils ont de tels packages en tant qu’expatriés que finalement, il n’y a qu’un endroit où ils peuvent espérer retrouver à peu près le même niveau de vie, c’est Luxembourg ou encore Zurich. Le seul problème, c’est qu’il n’y a pas autant d’offres que de candidats qui veulent revenir», termine Stanislas Dutreil.