Carole Melchior a répondu à la commande du CNA en proposant une série de photographies prises à la frontière belgo-luxembourgeoise. (Photo: Carole Melchior)

Carole Melchior a répondu à la commande du CNA en proposant une série de photographies prises à la frontière belgo-luxembourgeoise. (Photo: Carole Melchior)

Six photographes ont été missionnés par le Centre national de l’audiovisuel pour témoigner de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les environnements sociaux, ainsi que les paysages urbains et naturels du Luxembourg. Des chroniques en images, aussi sensibles que révélatrices de ce moment inédit, dont celle de Carole Melchior.

Pour documenter cette période inédite et témoigner de l’impact de la pandémie de Covid-19, six photographes ont répondu à l’appel du Centre national de l’audiovisuel (CNA) qui leur a laissé carte blanche pour porter leur regard sur les environnements sociaux ainsi que les paysages urbains et naturels du Luxembourg. Mais comment témoigner de ces pertes de libertés, des bouleversements de nos habitudes, de la réappropriation de nos espaces privés et publics et de l’adaptation de nos modes de vie?

Chacun a trouvé une réponse propre en parcourant le territoire qui lui était assigné. Patrick Galbats, confiné à Bruxelles, propose un journal intime, Romain Girtgen photographie Dudelange et le Sud, Véronique Kolber les villes et villages du Nord, Andrés Lejona la Moselle, Carole Melchior le paysage autour de la frontière belgo-luxembourgeoise et Marc Schroeder intervient à Luxembourg-ville. Autant de regards qui donnent à voir différemment un quotidien en temps de crise sanitaire.

Ces séries photographiques ont été diffusées par le CNA sur ses réseaux sociaux à partir du 12 avril. Paperjam.lu les diffuse à travers une série de six articles.

L’instantané mobile (1) , par Carole Melchior

Carole Melchior: «Début avril, je me mets en route, je longe des paysages, je traverse des villages. Je photographie au rythme de ce déplacement, je saisis des bribes, des fragments, je prélève intuitivement. La couleur s’impose. Je roule, je marche, je m’arrête, j’observe.

Après 19 jours de confinement seule chez moi, ce voyage au bord de la frontière semble une expédition. L’impression de sortir d’un vaisseau, ma maison, pour m’aventurer au-dehors. Car il m’avait semblé sentir la Terre tourner dans cette forme d’immobilité, dans ce territoire physique et psychique modifié. Attentive aux variations de lumière, de température, immergée dans la partition des oiseaux, chaque jour devenait une expérience un peu nouvelle, ma perception du temps se modifiait. Tout m’avait semblé intense ces dernières semaines de mars. De la peur, de la tristesse, de la colère, mais de la joie aussi, et le sentiment d’un printemps.

Mue par ce ressenti, j’aborde cette mission photographique, tentant de découvrir ce que la pandémie transforme dans les lieux que je traverse. Au fond, c’est subtil, je crois. Je capte alors au fil du chemin, comme les éléments d’une enquête, un relevé numérique, un flux visuel à travers lequel je laisse une histoire se tisser, comme un instant ordinaire.»

(1) J’emprunte ces mots «L’instantané mobile» à Jean-Christophe Bailly, dans son livre «Le Dépaysement».