Soufiane Saadi, 38 ans, a pris la tête d’atHome dans un contexte particulier en mars dernier, juste avant le confinement. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Soufiane Saadi, 38 ans, a pris la tête d’atHome dans un contexte particulier en mars dernier, juste avant le confinement. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le Covid-19 fait vivre aux CEO un été pas comme les autres. Chaque semaine, nous les interrogeons sur leur stratégie pour la reprise. Le point aujourd’hui avec Soufiane Saadi, à la tête d’atHome. Il mise avant tout sur la digitalisation et la diversification de ses activités.

Soufiane Saadi enchaîne les cafés dans son bureau, au fond de l’open space d’atHome sur la longue route d’Esch à Luxembourg-ville. Autour de lui ou depuis chez eux, la soixantaine de salariés s’active pour reprendre l’activité, ralentie par le Covid-19. Et satisfaire ses 600 clients, des professionnels immobiliers qui paient un abonnement (à partir de 600 euros par mois) pour publier leurs annonces sur le portail atHome.lu.

L’entreprise de 20 ans a su se relever grâce à ses activités diversifiées. Le CEO qui a pris ses rênes en mars dernier nous explique sa stratégie de «reboot».

Votre groupe a diversifié ses activités en 2018 en créant atHomeFinance et en rachetant Luxauto.lu. Une stratégie qui vous a aidé à surmonter la crise du Covid-19?

Soufiane Saadi. – «Totalement. On est beaucoup plus résilient quand on a une diversification des activités.

Le property business, avec notre portail immobilier atHome.lu, représente 70% de l’activité. Le reste se partage entre le courtage immobilier avec atHomeFinance et l’automobile avec Luxauto.lu. L’idée pour nous était de faire grandir notre écosystème en répondant aux besoins les plus importants du consommateur: l’achat d’une voiture, d’une maison, son financement…

Chacun des trois peut être impacté par la crise. Si l’un ralentit, peut-être que l’autre un petit peu moins. Je pense que cela s’applique à n’importe quel business, une diversification permet d’être plus fort.

Comptez-vous poursuivre cette stratégie?

«Absolument. C’est de la diversification au sein d’un écosystème qui se fait à travers de la croissance organique, mais aussi des acquisitions. Nous allons lancer d’autres segments, avec par exemple la possibilité de prendre des assurances via atHomeFinance, des prêts pour l’acquisition d’une voiture, etc. Probablement dans les mois qui viennent.

Quel a été l’impact de la crise sur vos différentes activités?

«Les acteurs du business immobilier ont été impactés parce que les transactions se sont arrêtées, les visites ne pouvaient plus avoir lieu. Nous leur avons donc offert 100% de remise pour publier leurs annonces sur notre site entre mars et avril. Cela nous a coûté entre 15 et 20% de notre chiffre d’affaires. C’est un gros effort, essentiel pour soutenir la reprise.

Pendant la période, nous avons de notre côté connu une baisse du trafic de 40 à 50% et de 60% pour les retours (mails, appels téléphoniques suite à la consultation d’une annonce) pour les agences.

Et aujourd’hui, l’activité a-t-elle repris?

«Nous sommes revenus à un niveau de trafic égal à celui d’avant la crise, et plus élevé de 20% par rapport à l’année dernière. La tendance est similaire sur nos différents portails.

Ainsi, en juin, nous avons enregistré 1,8 million de visites sur atHome.lu, qui ont donné suite à 137.000 contacts, soit une augmentation de 23%.

Sur atHomeFinance, on a financé plus de 100 crédits immobiliers en juin pour une valeur de 68 millions d’euros.

Ce sont des signes positifs. Sur les cinq dernières années, nous avons connu une croissance à deux chiffres. Notre chiffre d’affaires 2019, confidentiel, dépasse les 10 millions d’euros. Nous avons l’ambition de continuer à le faire croître.

Les agences ne rencontrent-elles pas des difficultés?

«Nous avons moins de cinq clients qui ont dû arrêter leurs activités à cause du Covid. Ce sont plutôt des petits. Entre les agences, ça va être à qui va prendre le plus de mandats. C’est déjà un environnement compétitif, qui va, pour moi, s’accentuer. Est-ce que ça peut mener à une certaine consolidation du secteur? Peut-être, avec des acquisitions des plus petits par les plus gros. Pour l’instant, on ne l’a pas encore vu.

Et l’immobilier de bureaux?

«Nous avons un site dédié qui s’appelle atOffice.lu. Sur le très court terme, il y a peut-être une pause pour voir ce qui va se passer, mais je ne pense pas que les sociétés vont du jour au lendemain avoir moins de surfaces. On pourra télétravailler, mais il faudra toujours une bonne harmonie entre home office et la rencontre avec ses collègues.

Vous misez sur la diversification. Avez-vous d’autres projets pour rebondir dans l’après-crise?

«La digitalisation, avec l’humain au centre, est clé dans notre stratégie.

Le Covid-19 a accéléré ce process. Si on arrivait à faire des visites virtuelles, si chaque personne pouvait signer un compromis de vente à distance de manière sécurisée, acheter une voiture en ligne et se la faire livrer à la maison, est-ce qu’on aurait été aussi impactés par la crise? Je pense que non. Nos nouveaux projets vont s’articuler autour de cela. On travaille par exemple sur la possibilité de booker des visites via un calendrier en ligne.

Combien allez-vous investir?

«Ce dans quoi on investit, c’est le coût des personnes. Une dizaine réfléchissent à temps plein à la conception, la réalisation des projets. L’équipe est appelée à grandir. Nous avons déjà embauché quatre nouvelles personnes dans un contexte de crise.

À 38 ans, vous avez , juste avant la crise. Comment l’avez-vous vécu?

«Ça a été très ‘challenging’, mais aussi très enrichissant, dès la prise de fonction. Très vite, je me suis basé sur deux choses très importantes: la communication et la transparence.»