Le Premier ministre français, Jean Castex, a délivré un agrément provisoire à Anticor jusqu’au 2 avril. L’ONG de lutte contre la corruption, qui vise son ministre de la Justice, reçoit des dons d’un millionnaire à la soparfi problématique. (Photo: Shutterstock)

Le Premier ministre français, Jean Castex, a délivré un agrément provisoire à Anticor jusqu’au 2 avril. L’ONG de lutte contre la corruption, qui vise son ministre de la Justice, reçoit des dons d’un millionnaire à la soparfi problématique. (Photo: Shutterstock)

L’État français va-t-il finalement délivrer son agrément à Anticor, ONG de lutte contre la corruption et la délinquance financière qui a amené… le ministre de la Justice à la barre de la Cour de justice de la République? La soparfi luxembourgeoise d’un généreux donateur pose un dernier problème.

Selon le site internet d’Anticor, ONG française de lutte contre la corruption, le ministre français de la Justice, Éric Dupont-Moretti, est convoqué ce lundi devant la Cour de justice de la République.

Depuis 2002, pour pouvoir se porter partie civile devant la Justice française lorsqu’elle est informée de dérives et donc contraindre la Justice à se saisir d’une affaire, l’association doit avoir un agrément, habituellement délivré… par le même garde des Sceaux.

Seulement, pour la première fois de son histoire, cet agrément – que seules trois associations de lutte contre la corruption possèdent en France et qui est renouvelé tous les trois ans –, tarde à être délivré. Vu la situation, le Premier ministre Jean Castex a dû se substituer à son ministre dans l’examen de ce renouvellement. Et depuis octobre, il retarde sa décision. .

Où est le problème? L’ONG, qui vit de dons et des cotisations de ses 6.000 membres, doit remplir cinq conditions: cinq années d’existence, lutter contre la corruption, avoir assez de membres, être indépendante et ne pas défendre d’intérêts particuliers, et enfin avoir un fonctionnement régulier et conforme à ses statuts. Sur les trois premières, pas de souci. Mais après de gros soubresauts l’an dernier dans son fonctionnement, l’ONG lancée il y a près de 20 ans présente un autre problème particulier.

De 5.000 en 2019 à 62.000 euros en 2020

Un mystérieux donateur a augmenté l’intensité de son soutien à l’association, de 5.000 euros par an en 2017 à 5.000 euros par mois l’an dernier, et même 6.000 euros pour novembre et décembre. Qui est-il? Pourquoi finance-t-il de plus en plus l’association? Et l’association respecte-t-elle ses engagements contre les intrusions d’intérêts particuliers dans son propre fonctionnement?

Oui, répond , dans une tribune publiée elle aussi sur le site et reprise par de nombreux médias. Il y souligne que le Premier ministre aurait exigé de connaître le nom des donateurs de l’ONG – une première – alors que la loi impose une confidentialité des données, au nom de laquelle elle refuse de céder à M. Castex depuis des mois.

C’est donc le Journal du dimanche qui s’en est chargé, ce dimanche, sans aller toutefois jusqu’à donner le nom de cet homme d’affaires que de simples recherches – comme celles que les journalistes du Monde ont effectuées dans le cadre des OpenLux – permettent de retrouver.

M. X – appelons-le comme cela, puisque le JDD explique ne pas donner son nom faute de réponses de sa part – est l’actionnaire unique d’une dizaine de sociétés, des Pays-Bas à Londres en passant par Singapour, qu’il contrôle via Alix Venture, une soparfi luxembourgeoise. Ses avoirs se montent à 345 millions d’euros, selon le dernier bilan disponible – celui de 2019.

En dehors de la corruption, Anticor s’est fait le chantre de la lutte contre l’optimisation fiscale, et le bilan des sociétés renseigne sur une organisation au millimètre confiée au Luxembourg à SG Group. Rien d’illégal, mais les activistes dénoncent régulièrement ces montages, qui permettent en outre d’organiser ses activités au niveau mondial… et de réduire ses impôts.

M. X critiquait, la semaine dernière encore, l’action du président français sur un réseau social. A-t-il des intérêts particuliers à donner à Anticor des moyens financiers avec lesquels elle s’en est prise… à deux de ses proches, le ministre de la Justice, mais aussi au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, dans une autre histoire? La question taraude le gouvernement et appellera forcément Anticor à se positionner par rapport à ce donateur qui lui a apporté en moyenne 7 à 7,5% de ses ressources chaque année depuis 2017.