Pour Pascal Martino, partner et banking leader chez Deloitte, les cinq prochaines années seront passionnantes pour le secteur de la gestion d’actifs, qui va devoir s’adapter aux demandes de ses clients. (Photo: Deloitte)

Pour Pascal Martino, partner et banking leader chez Deloitte, les cinq prochaines années seront passionnantes pour le secteur de la gestion d’actifs, qui va devoir s’adapter aux demandes de ses clients. (Photo: Deloitte)

Pascal Martino revient pour Paperjam sur les tendances-clés relevées dans l’étude Deloitte. Des tendances qui, selon lui, vont profondément transformer l’industrie et les rapports qu’elle entretient avec ses clients.

, commanditée par Deloitte, a été menée dans 15 pays répartis en Europe pour 30% des répondants, en Amérique du Nord pour 39% des répondants, et en région Asie-Pacifique pour 31% des répondants. Son objectif était d’analyser les effets des actuels changements numériques, sociaux et économiques sur le monde de la gestion de fortune. Des changements souvent amplifiés et/ou accélérés par la pandémie de Covid.

Pour , il est évident que le secteur de la banque privée et de la gestion de fortune traverse une phase de transformation «fondamentale» poussée par des évolutions – voire des révolutions – sociétales, générationnelles, digitales et écologiques, une phase à travers laquelle il doit passer. «Lorsque l’on regarde les différentes études publiées sur cette transformation, elles ne traitent que des attentes des banquiers, jamais de celles des clients aisés, les high net worth individuals (HNWI) ou les ultra high net worth individuals (UHNWI). Il est vrai que c’est un segment de clientèle discret, mais nous avons pu en interroger environ 2.300.»

Qu’attendent donc ces individus de leurs interactions avec les gestionnaires de leur fortune?

Je pense que la crise du Covid a montré que le digital était nécessaire, qu’il était un catalyseur, mais qu’il ne peut remplacer l’humain.
Pascal Martino

Pascal MartinopartnerDeloitte

La première tendance-clé est celle du passage au numérique. En raison de la pandémie, 40% des investisseurs déclarent que l’accès au numérique est devenu une plus grande priorité, et neuf sur dix affirment que le mobile sera leur canal préféré à l’avenir. «Ce basculement est évident, tout le monde le mentionne. Plus de la moitié des investisseurs vont désormais privilégier une expérience digitale au jour le jour avec leur banque, et ils veulent que cela se déroule de manière simple et intuitive.»

En matière de digitalisation, il faut bien faire la distinction entre les relations au quotidien – «pouvoir suivre sur son mobile l’évolution de son portefeuille ou pouvoir entrer en contact avec sa banque 24h/24 et 7j/7, par exemple» –, où les attentes sont très fortes, et l’activité de conseil. Pour cette dernière, 47% des personnes interrogées ont une préférence marquée pour le face-à-face. «Je pense que la crise du Covid a montré que le digital était nécessaire, qu’il était un catalyseur, mais qu’il ne peut remplacer l’humain. Il vient en complément. Et c’est d’autant plus vrai dans un monde où la relation de confiance entre le banquier et son client est primordiale.»

Le conseil – et c’est la deuxième tendance mise en exergue par l’étude – demeure donc la clé de voûte de la proposition de valeur des banques et des attentes des clients, pour Pascal Martino. «40% des entreprises s’attendent à un changement fondamental de l’activité de conseil dans les prochaines années. Ce que l’on faisait historiquement ne va plus être suffisant pour satisfaire les besoins des clients.» 42% des clients déclarent d’ailleurs en attendre plus de la part de leur prestataire sur le sujet. «Ils veulent une approche plus holistique du conseil qui couvre tous les différents éléments que l’on peut considérer, chose qu’ils n’ont pas forcément aujourd’hui. Il y a un véritable basculement vers du conseil à forte valeur ajoutée.»

De leur côté, les banquiers et gestionnaires de fortune sont également demandeurs de plus de digitalisation. Une digitalisation qui a fait non seulement fortement augmenter leur productivité (on parle de 14% de productivité en plus), mais aussi leurs actifs sous gestion (d’environ 8%).

Donner du sens à son argent

La troisième tendance est le besoin de donner du sens aux investissements: au cours des deux prochaines années, 34% des investisseurs demanderont des conseils en matière d’investissement ESG. Investir pour le bien social n’est plus réservé aux seuls millennials: 32% des baby boomers prévoient d’investir dans des fonds ESG, contre 22% des millennials et 63% des milliardaires.

Ce qui pose un défi aux professionnels: s’il existe, selon Pascal Martino, suffisamment de produits de qualité dans lesquels investir sans créer de bulles, un doute demeure sur le fait de savoir s’ils remplissent bien tous les critères ESG. «C’est précisément l’actuel problème de la taxonomie sur laquelle travaille la Commission. J’espère que l’on aura une certitude sur les produits qui vont pouvoir utiliser ce label ESG et que, dans ce cas, les clients pourront investir sereinement dans une panoplie de produits diversifiés qui auront l’impact qui est souhaité. Il y a encore beaucoup à faire pour y parvenir.»

De l’impact et du rendement. Car, si 35% des acteurs financiers pensent que leurs clients voudront bien accepter un rendement moindre pour un investissement ESG, les clients ne semblent pas vouloir faire ce sacrifice et veulent les deux de concert. Un décalage que pointe Pascal Martino.

Pression sur les frais facturés

La question des frais facturés est enfin une question qui préoccupe beaucoup les clients. «36% des clients sont actuellement satisfaits des frais que leur charge leur partenaire financier. Cela veut surtout dire, pour moi, que 64% ne le sont pas. Soit ils ne comprennent pas comment sont facturés les services, soit ils les trouvent trop élevés et demandent une plus grande transparence.» Une insatisfaction qui rajoute une pression sur la marge et la profitabilité des acteurs, qui doivent dans le même temps faire face à la hausse de la pression réglementaire et à une concurrence accrue de nouveaux acteurs. «Il y a là un effet ciseau dangereux pour les banques privées et les gestionnaires de fortune.»

Un effet d’autant plus dangereux que les investisseurs n’hésitent plus à faire jouer la concurrence. Ainsi, au cours de l’année dernière, relève l’étude, un tiers des investisseurs ont déplacé 20% ou plus de leurs fonds vers des fournisseurs qui offraient ce qu’ils voulaient. Au cours des deux prochaines années, 44% prévoient de le faire.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg. .