En Europe, les dépôts de plus de 100.000 euros effectués par des personnes de nationalité russe sont désormais sujets à un contrôle des banques. (Photo: Shutterstock)

En Europe, les dépôts de plus de 100.000 euros effectués par des personnes de nationalité russe sont désormais sujets à un contrôle des banques. (Photo: Shutterstock)

À la base, les ressortissants russes lambda en Europe ne font pas l’objet des sanctions prises par l’Union européenne en réponse à la guerre en Ukraine. Mais la lecture du règlement européen encadrant les sanctions révèle que les ressortissants russes font l’objet d’une surveillance accrue de la part des banques. Même détenir un passeport d’un État membre n’exempte pas, dans certains cas, de se retrouver sur les radars.

Ici et là sur les réseaux sociaux, des témoignages commencent à surgir de personnes ayant reçu des demandes de leur banque pour remettre à jour leur KYC («know your customer). Principal point commun entre toutes ces personnes: leur lien de près ou de loin avec la Russie, sont-elles nées en Russie ou ont-elles émigré un jour ou l’autre en Europe.

Un article publié ce 16 mars fait écho à ces témoignages de clients de banques mécontents du traitement qui leur est réservé. De la sorte, Reuters rapporte que la Banque centrale européenne (BCE) et des régulateurs européens auraient demandé à des banques de scruter davantage les transactions associées à des clients russes et biélorusses, y compris ceux qui résident au sein de l’Union européenne.

À deux reprises au cours de la première moitié du mois de mars, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, avait souligné que son institution allait veiller à l’application des sanctions décidées plus tôt par l’Union européenne et les gouvernements des États membres. Elle s’est limitée à le rappeler, mais ne s’est pas étendue sur la façon dont la BCE procéderait pour ce faire.

La BCE se limite à vérifier l’implémentation des sanctions

Contactée par Paperjam, la BCE a répondu qu’elle évalue les implications prudentielles des régimes de sanctions. «Cela signifie qu’elle vérifie que les banques ont mis en place les dispositions nécessaires pour respecter les sanctions, notamment une surveillance étroite de la part de la direction, des services juridiques et de conformité proactifs, une gestion adéquate des risques liés à l’approbation des transactions et des relations avec les clients, ainsi que des processus visant à atténuer les risques juridiques, de réputation et organisationnels.»

La BCE nous explique, en outre, que la compétence pour déterminer si un régime de sanctions a été enfreint relève uniquement des autorités compétentes. Nous avons donc contacté au Luxembourg la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) qui nous a renvoyés vers la page de son site web dédiée aux informations relatives aux régimes de sanctions dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Certains «compliance officers» rencontrés dans le cadre de cet article ont toutefois attiré notre attention sur le fait que le règlement du Conseil européen du 25 février 2022, amendant les mesures restrictives eu état aux actions de la Russie en Ukraine, comporte des éléments interpellants. À la lecture de ce document, nous apprenons que les sanctions prises ne se limitent pas uniquement aux seules personnes et organisations ciblées.

Les dépôts de plus de 100.000 euros en ligne de mire

Les institutions financières ont ainsi reçu l’interdiction d’accepter des dépôts de ressortissants russes ou de personnes physiques résidant en Russie ou d’entités établies en Russie si la valeur totale des dépôts de la personne dépasse 100.000 euros. De même, il est interdit aux banques dépositaires de fournir leurs services pour des valeurs mobilières émises après le 12 avril 2022 à tout ressortissant russe, à toute personne physique résidant en Russie ou à toute entité établie en Russie. Il est aussi interdit de vendre des valeurs mobilières libellées en euros émises après le 12 avril 2022 ou des parts d’organismes de placement collectif offrant une exposition à ces valeurs à tout ressortissant russe, à toute personne physique résidant en Russie ou à toute entité établie en Russie.

Ces restrictions ne s’appliquent pas aux ressortissants d’un État membre ou aux ressortissants russes titulaires d’un titre de séjour temporaire ou permanent dans un État membre. C’est la raison pour laquelle la plupart des banques ont demandé à certains de leurs clients de leur fournir un titre de séjour afin de les exempter de blocage de leurs comptes.

Un risque de contournement des sanctions

En discutant avec des «compliance officers» de la Place, il nous est rapporté que l’une des raisons supposées justifiant de telles mesures restrictives, même pour les personnes ne faisant pas l’objet de sanctions, serait d’incommoder le plus possible la population russe afin qu’elle se retourne contre le régime de Moscou. Une autre raison serait de prévenir le risque de contournement des sanctions par les personnes qu’elles visent. L’information tournerait indiquant que, en ce moment dans les milieux financiers européens, des personnes sanctionnées utiliseraient leurs familles pour se payer leurs primes d’investissement.

Le risque de contournement des sanctions semble pris très au sérieux par les instances européennes. Le règlement européen encadrant les restrictions économiques contre la Russie stipule que les établissements de crédit doivent fournir à leurs autorités nationales une liste des dépôts supérieurs à 100.000 euros détenus par des ressortissants russes, des personnes physiques résidant en Russie ou par des entités établies en Russie.

Les établissements de crédit doivent également fournir des informations similaires concernant tout ressortissant russe ou personne physique résidant en Russie ayant obtenu la nationalité ou le droit de séjour dans un État membre.