Selon le Forum économique mondial, il faudra attendre 2023 pour recréer les emplois perdus au cours de la pandémie. (Photo: Shutterstock)

Selon le Forum économique mondial, il faudra attendre 2023 pour recréer les emplois perdus au cours de la pandémie. (Photo: Shutterstock)

Teinté d’un certain pessimisme, le rapport sur les risques mondiaux du Forum économique mondial douche les espoirs d’une reprise économique rapide et durable. Certains des risques identifiés pourraient même déjà se confirmer.

Alors que le monde entre dans la troisième année consécutive qui connaît la pandémie de Covid, le Forum économique mondial a publié cette semaine son traditionnel rapport annuel sur les risques mondiaux. Dans ce document, le forum de Davos y analyse les tensions et divergences apparues au cours de l’année précédente pour en tirer des tendances sur d’éventuelles conséquences pour 2022.

Principal fait saillant à la lecture du rapport, les perceptions de l’année précédente ne laissent pas un goût pour l’optimisme aux répondants à cette étude. Tout au contraire même, car 89% d’entre eux estiment que les perspectives à court terme seront «volatiles, fracturées ou de plus en plus catastrophiques» d’ici 2024. Et de façon plus générale, 84% des personnes interrogées se sont montrées tout simplement «préoccupées» ou «inquiètes».

Une série de risques émergents

Face au manque d’optimisme généralisé, Saadia Zahidi, directrice générale du Forum économique mondial, observe que «les perturbations sanitaires et économiques aggravent les clivages sociaux». Elle regrette également que «cela crée des tensions à un moment où la collaboration au sein des sociétés et de la communauté internationale sera fondamentale pour assurer une reprise mondiale plus homogène et plus rapide» et cela «avant la prochaine crise».

Les perturbations sanitaires et économiques aggravent les clivages sociaux. Cela crée des tensions à un moment où la collaboration au sein des sociétés et de la communauté internationale sera fondamentale pour assurer une reprise mondiale plus homogène et plus rapide.
Saadia Zahidi

Saadia Zahididirectrice généraleForum économique mondial

Au niveau des sujets les plus sensibles, le Forum économique mondial relève que «la stagnation économique est le défi le plus grave qui persiste à la suite de la pandémie». Notant que les perspectives macroéconomiques peinent encore à convaincre, l’économie mondiale devrait être inférieure de 2,3% en 2024 par rapport à ce qu’elle aurait été sans la pandémie.

Sans surprise, les conséquences économiques de la pandémie n’épargnent aucune région du globe. Qu’ils soient industrialisés ou en voie de développement, aucun pays n’échappera aux risques émergents qui s’ensuivront, tels la montée du prix des produits de base, une inflation plus forte et un accroissement de l’endettement. «Les retombées économiques de la pandémie risquent de diviser le monde en trajectoires divergentes», interpelle le rapport.

Une disparité dans la reprise économique

Également, la pandémie persiste à étouffer la capacité des États à «faciliter une reprise durable». Tandis que quelques pays obtiennent une couverture vaccinale encourageante et enclenchent des transformations numériques réussies, d’autres se retrouvent embourbés dans des problèmes de santé publique, subissent des stress aigus sur leurs systèmes de soins et connaissent une fracture numérique.

Le rapport conclut de ces divergences qu’elles «compliqueront la collaboration internationale nécessaire pour faire face à l’aggravation des effets du changement climatique, gérer les flux migratoires et lutter contre les cyber-risques».

De plus, la polarisation des capacités de réponse à la pandémie des uns et des autres pourrait «fragmenter encore davantage l’économie mondiale» avec un risque accru de «ralentissement» et de «disparité de la croissance». En ce sens, le rapport cite un dépassement de 0,9% de la trajectoire de croissance prépandémique d’ici 2024 pour les économies avancées contre un recul de 5,5% pour les économies en développement – à l’exception de la Chine.

La crise de l’emploi et les effets de la Grande Démission

Malgré un retour à un niveau de l’emploi proche de celui d’avant la pandémie dans certaines économies avancées, le Forum économique mondial déplore que la reprise du marché de l’emploi reste en retard sur la reprise économique. Dans la moyenne mondiale, le marché de l’emploi stagne à un niveau inférieur à ce qu’il était avant la pandémie.

La Grande Démission étant passée par là, cette tendance marquée par des démissions en masse d’employés insatisfaits de leur environnement de travail au beau milieu de la pandémie a en outre causé une diminution de la participation au marché du travail.

Selon le rapport, il faudra encore attendre jusqu’en 2023 pour que les emplois perdus pendant la pandémie au niveau mondial se recréent. C’est sans compter que les répondants à l’étude considèrent la crise des moyens de subsistance comme la deuxième menace la plus immédiate pour le monde.

Des vents contraires pour l’économie mondiale

Alors que les équipes du Forum économique mondial étaient encore occupées à la rédaction de leur rapport, elles ont pu constater que certaines des prévisions contenues dans leur rapport précédent étaient en train de se réaliser. «Le choc des matières premières», «l’instabilité des prix» et «les crises de la dette» en faisaient notamment partie.

Occupés donc à rédiger le rapport actuel, ses rédacteurs ont observé que les prix des produits de base avaient augmenté de près de 30% depuis la fin de 2015, rappelant qu’ils pourraient «rester volatils en raison des tensions croissantes entre l’Europe et la Russie, de la pénurie d’énergie en Chine, de la poursuite des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des défis de transition liés au désinvestissement dans les réserves de combustibles fossiles».

Tandis que le forum de Davos publiait son rapport pour 2022, la Banque mondiale prévoyait au même moment un ralentissement de l’économie mondiale à cause des effets du variant Omicron, des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, des pénuries de main-d’œuvre et de la réduction progressive des aides économiques gouvernementales.

Selon les prévisions de la Banque mondiale, les vents contraires que va affronter l’économie globalisée lui feront connaître un ralentissement de sa croissance de 4,1% cette année – contre 5,5% en 2021. Ce qui représenterait le rythme de post-récession le plus important depuis les 80 dernières années. Il semblerait donc que certaines tendances avancées par le rapport du Forum économique mondial se révèlent déjà.