Le Tribunal de l’UE a validé le raisonnement de la Commission, ouvrant la voie à une remise en question du fonctionnement des activités de cash pooling. (Photo : Shutterstock)

Le Tribunal de l’UE a validé le raisonnement de la Commission, ouvrant la voie à une remise en question du fonctionnement des activités de cash pooling. (Photo : Shutterstock)

La confirmation par le Tribunal de l’UE de la décision de la Commission à l’encontre du ruling accordé à Fiat Finance & Trade risque de bouleverser l’activité de cash pooling selon l’avocate Sophie Balliet.

Très attendus par les professionnels des prix de transfert, les arrêts du Tribunal de l’UE dans les affaires Fiat et Starbucks ont d’abord surpris. «La structure de Starbucks me semblait fiscalement plus agressive que celle de Fiat», confie , avocate spécialisée dans les prix de transfert et counsel chez Allen & Overy. «Mais il est vrai qu’il s’agissait de deux cas de figure très différents puisque la structure de Starbucks est très particulière du fait de son business model.»

En revanche, la décision dans l’affaire Fiat Finance & Trade, elle, «est plus inquiétante parce qu’elle aura un retentissement beaucoup plus important». En cause: la méthode de calcul de la rémunération de cette entité du groupe Fiat qui fournissait des services de trésorerie et de financement aux sociétés du groupe établies en Europe. «La plupart des multinationales ont mis en place des activités permettant de bénéficier des excédents de trésorerie de certaines sociétés pour refinancer d’autres sociétés à moindre coût. C’est une manière de gérer ces excédents de cash au sein d’un groupe et de reprêter aux filiales qui en ont besoin sans avoir à passer par une procédure plus longue et plus coûteuse de financement bancaire.» Une activité connue sous le nom de cash pooling.

«Le Tribunal de l’UE et la Commission rejettent la segmentation du capital, et notamment la détermination d’un capital à risque selon les règles de Bâle II, reprises également par la circulaire de financement intragroupe.
Sophie Balliet

Sophie BallietcounselAllen & Overy

La position tenue par la Commission et validée par le Tribunal de l’UE pose donc question selon l’avocate. «Le Tribunal retient que c’est à bon droit que la Commission considère qu’il faut rémunérer l’ensemble des capitaux de la société sachant qu’une partie de ces capitaux financent d’autres activités annexes», explique Me Balliet. «Ce n’est pas tout à fait correct de voir les choses de cette façon: on ne peut pas considérer que tout le capital soit effectivement à risque et que la société le perde en totalité en cas de défaut.» Le risque encouru ne devrait logiquement être rémunéré que pour les sociétés financées qui présentent effectivement un risque de défaut, et non pas pour l’ensemble des capitaux.

«Le Tribunal de l’UE et la Commission rejettent la segmentation du capital et notamment la détermination d’un capital à risque selon les règles de Bâle II, reprises également par la circulaire de financement intragroupe», conclut Me Balliet. «Cela revient à une non-compréhension du système fiscal luxembourgeois.»

Les principes de l’OCDE liés spécifiquement aux activités de financement intragroupe, y compris le cash pooling, ne sont pas en forme finale et font encore l’objet de discussions puisqu’aucun consensus n’a été trouvé.
Sophie Balliet

Sophie BallietcounselAllen & Overy

Surtout que le cash pooling ne bénéficie pas encore de règles précises, ni au Luxembourg, ni à l’international. «Les principes de l’OCDE liés spécifiquement aux activités de financement intragroupe, y compris le cash pooling, ne sont pas en forme finale et font encore l’objet de discussions puisqu’aucun consensus n’a été trouvé. Au Luxembourg et dans d’autres pays comme la France, la Belgique ou l’Allemagne, c’est le cadre général qui s’applique, à savoir le principe de pleine concurrence et l’analyse de comparabilité.» En clair, les transactions doivent se faire à des conditions comparables à celles qui auraient lieu entre deux sociétés indépendantes sur le marché.

C’est donc un «impact plus large» que le Luxembourg que devrait avoir l’arrêt Fiat. À tel point que le constructeur automobile ou l’État luxembourgeois – qui a indiqué «réserver ses droits» selon l’expression consacrée – devrait tenter de le faire renverser par la Cour.