La Cour des comptes juge que la hausse des accises sur les carburants n’a pas encore eu l’effet escompté. (Photo: archives Paperjam)

La Cour des comptes juge que la hausse des accises sur les carburants n’a pas encore eu l’effet escompté. (Photo: archives Paperjam)

Les auditeurs publics ont passé en revue le projet de budget 2020, pointant des prévisions optimistes, le poids toujours plus élevé de la place financière et un manque d’efficience de la fiscalité verte annoncée.

Après la , la et la , la Cour des comptes a passé au crible le projet de loi présenté par le 14 octobre dernier et présenté ses conclusions en commission ce lundi.

«Tout comme l’année précédente, la programmation pluriannuelle pour la période 2019-2023 prévoit une réduction importante du déficit de l’Administration centrale, un solde positif de l’administration publique en forte hausse et une dette publique en baisse. Ces chiffres doivent cependant être considérés avec réserve, étant donné que d’importantes réformes annoncées par le gouvernement, ayant un impact considérable sur les finances publiques, ne trouvent pas leur reflet dans le présent projet. S’y ajoute que les perspectives économiques au niveau européen et mondial pour ces prochaines années ne sont pas encourageantes», note la Cour des comptes.

Par exemple, relève l’institution, «dans une optique pluriannuelle, les prévisions de croissance devront, selon toute vraisemblance, être revues à la baisse. Il a été tablé sur une hausse du PIB de 3,5% respectivement 3% pour les années 2021 et 2022 tandis que le FMI pronostique une hausse du PIB de seulement 2,7% et 2,6%. La Commission européenne confirme cette prédiction du FMI en prévoyant une hausse de 2,6% pour 2020.»

Un secteur financier incontournable

Sans surprise, les sages alertent sur la part de la place financière dans le PIB national et les conséquences potentielles d’une nouvelle crise économique – surtout si l’on prend en compte le fait que chaque décennie a vu éclater une crise depuis le premier choc pétrolier de 1972. La Cour des comptes explore les facteurs potentiels de risque, d’une dette publique hors de contrôle en cas de remontée des taux (puisque les pays de l’OCDE notamment ont profité des taux bas pour emprunter) à la guerre commerciale entre les États-Unis, la Chine et l’Europe. Même si «une nouvelle crise économique est peu probable à court terme», également grâce aux «mécanismes défensifs» mis en place dans la zone euro depuis la dernière crise économique et financière mondiale.

La Cour des comptes lance quelques avertissements concernant les recettes de l’impôt sur le revenu des collectivités (IRC). L’Administration des contributions directes a bien précisé que la déclaration électronique obligatoire, introduite en 2017, a conduit à une accélération de l’encaissement de l’impôt et «a résorbé un certain montant des soldes d’impôts accumulés au cours des dernières années». Les auditeurs soulignent alors que «dans le futur, il y a lieu de constater qu’un ralentissement de l’activité économique aura un effet plus immédiat sur le niveau des encaissements».

L’impact sur l’essence est jusqu’à présent négligeable.

Cour des comptes

Les auditeurs «[tiennent] à souligner que l’évolution de l’IRC devra encore intégrer les effets de la diminution du taux de 18% à 17%. D’ailleurs, le plafond de revenu imposable permettant de bénéficier du taux réduit (15%) est relevé de 25.000 euros à 175.000 euros et l’impact budgétaire de cette mesure n’est pas encore connu.»

En 2018, le secteur financier contribuait encore pour 76,1% à l’IRC collecté et 67,3% à l’impôt commercial communal. Une contribution qui s’est renforcée depuis 2014: à l’époque, le secteur financier apportait 43,7% de quatre catégories d’impôts directs (IRC, retenue sur traitements et salaires, revenus de capitaux, impôt sur la fortune), contre 56,6% en 2018.

La Cour des comptes remarque les premiers effets de l’augmentation des accises sur les carburants fossiles le 1er mai dernier, qui conduiraient à une baisse de 100 millions de litres des ventes de diesel, soit une diminution de 35,5 millions d’euros d’accises en 2019 – «en grande partie» expliquée par le fait que le carburant routier est plus bas en Belgique depuis le 1er juin dernier. «L’impact sur l’essence est jusqu’à présent négligeable», note encore la Cour des comptes, puisque les ventes sont même en hausse de 5,78% sur les neuf premiers mois de 2019. Les prévisions budgétaires pour les deux carburants sont dépassées de 22 millions d’euros sur cette période.

Les ventes de tabac ont enregistré une baisse de 55 tonnes, soit 1,99% sur les neuf premiers mois de 2019. «Ce recul s’explique du fait que le trafic de transit a diminué et, par conséquent, l’achat du tabac manufacturé aux stations de service», commentent les auditeurs.

La fiscalité verte à la traîne

La Cour des comptes passe également en revue la fiscalité verte. Les recettes fiscales environnementales des pays de l’UE représentaient 369 milliards d’euros en 2017 soit 2,4% du PIB de l’UE, mais seulement 947 millions d’euros (1,7% du PIB) au Luxembourg. «Il s’agit du niveau le plus faible en comparaison avec les autres pays membres de l’Union européenne», souligne la Cour des comptes.

Au rang des suggestions, les auditeurs invitent le gouvernement à «résorber ou annuler» les «dispositions fiscales nuisibles à l’environnement», à savoir le régime fiscal applicable aux voitures de société, le recours au leasing – qui «permet aux entreprises de réduire leur base imposable», mais a aussi «des répercussions sur l’environnement puisqu’il entraîne une augmentation considérable du parc automobile qui va de pair avec une accentuation des émissions de CO2».

La Cour des comptes relaie encore la critique de la Commission européenne sur l’imposition des carburants jugée trop basse, et qui «attire les consommateurs transfrontaliers et n’incite pas les usagers de la route à opter pour les transports en commun». Le marché des voitures électriques n’étant pas sur la voie d’atteindre l’objectif de 40.000 unités en 2020, la Cour des comptes appelle le gouvernement à s’inspirer du modèle norvégien qui compte plus de 50% de véhicules électriques, fruit d’un «système d’exemptions fiscales généreux ciblé sur les modèles électriques». Sans oublier de compenser le déchet fiscal par d’autres recettes comme un péage urbain déjà mis en place à Londres, Stockholm ou Milan.

Des investissements très portés sur la mobilité

Concernant les dépenses prévues par le projet de budget 2020, la Cour des comptes réitère ses appels à une réforme de la structure budgétaire pour passer «d’une culture de moyens à une culture de résultats», moyennant la fixation d’objectifs clairs, «l’introduction d’indicateurs de performance pertinents, fiables et mesurables» et «l’obligation de mettre en perspective les résultats obtenus par rapport aux moyens mobilisés». Une remarque répétée lors de l’examen des fonds spéciaux gérés par l’État, en écho au rapport sur le compte de l’État pour l’exercice 2017 publié la semaine dernière.

La Cour des comptes revient sur les investissements directs et indirects élevés – 2,8 milliards d’euros en 2020 –, soulignant tout de même qu’«environ deux tiers des investissements qualifiés d’environnementaux et de climatiques sont en fait des investissements dans le domaine de la mobilité ou bien en faveur des transports publics. De plus, l’État continue à subventionner les projets dans les domaines de l’énergie éolienne, du photovoltaïque, de la biomasse durable et de la géothermie.»