Suite aux résultats du référendum du 7 juin dernier, un avant-projet de loi sur l'accès à la nationalité a été présenté par le gouvernement pour permettre «une meilleure représentation de la société». (Photo: DR)

Suite aux résultats du référendum du 7 juin dernier, un avant-projet de loi sur l'accès à la nationalité a été présenté par le gouvernement pour permettre «une meilleure représentation de la société». (Photo: DR)

Depuis longtemps, la question de la nationalité cristallise les tensions. Les résultats du référendum du 7 juin dernier ne laissent que peu de doutes quant à l’importance que portent les électeurs à cet aspect qu’ils jugent également lié à la question de l’identité. C’est dans cet esprit que le ministre de la Justice, Féliz Braz (Déi Gréng), a présenté début octobre un avant-projet de loi destiné à réformer l’accès à la nationalité pour les résidents étrangers. Objectif affiché: réduire l’écart entre résidents et électeurs dans un pays qui compte 46% d’étrangers dans sa population.

Selon les derniers chiffres disponibles, ceux de la Ville de Luxembourg, les demandes d’acquisition de la nationalité ne cessent de croître. De quelque 200 en 2005, elles atteignaient au 1er octobre dernier presque 2.600, selon les données dévoilées la semaine dernière. Une envolée spectaculaire non seulement liée à la structure même de la population de la capitale où résident près de 70% d’étrangers, mais aussi à la loi du 23 octobre 2008 qui ouvre les portes à la double nationalité.

Justifiée par la coalition CSV-LSAP alors au pouvoir par la volonté «d’encourager la vie commune sans que celui qui obtient un passeport luxembourgeois doive renoncer à la partie non luxembourgeoise de sa vie», la mesure a porté ses fruits. Dès 2009, le nombre de demandes a bondi. Situé autour de 1.000 demandes annuelles avant la réforme, le nombre de dossiers déposés auprès des différentes administrations communales a été quadruplé. Selon les derniers chiffres du Statec, quelque 5.000 personnes ont obtenu le passeport luxembourgeois en 2014.

Mais la loi de 2008 ne se résume pas à cette question de la double nationalité. Elle introduit également un nouveau cas de recouvrement de la nationalité, lié à la descendance. L’article 29 prévoit ainsi «le cas du descendant ayant un aïeul qui possédait la nationalité luxembourgeoise par origine». Le texte prévoit ainsi que «le descendant en ligne directe paternelle ou maternelle, même né à l’étranger, d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et que celui-ci respectivement l’un de ses descendants a perdu la nationalité luxembourgeoise sur base des dispositions légales antérieures, peut recouvrer la nationalité luxembourgeoise par une déclaration».

Autrement dit, les personnes ayant un ancêtre luxembourgeois peuvent, jusqu’au 31 décembre 2018, introduire une demande pour obtenir la nationalité. Et c’est cette option qui est le plus fréquemment utilisée, du moins dans les demandes introduites auprès des services communaux de Luxembourg-ville. Alors que les demandes de naturalisation étaient majoritaires entre 2009 et 2011, la tendance s’est largement inversée. D’une vingtaine en 2009, le nombre de demande liées à la descendance atteint plus de 2.100 demandes au 1er octobre 2015. Le nombre de naturalisations, lui, se situe autour de 500 chaque année dans la capitale.

Ce phénomène traduit donc les péripéties de l’histoire du Grand-Duché et impacte certaines nationalités plus que d’autres. Au niveau national, les données du Statec indiquent ainsi que ce sont les Belges, depuis 2012, qui trustent la première place en termes de nombre d’obtentions de la nationalité luxembourgeoise. Ils devancent ainsi les Portugais, les Français et les Italiens, les trois plus importantes communautés installées au Grand-Duché.

Pour expliquer ce tropisme belge, le Biergercenter de la capitale avance une explication pour le moins étonnante. «Cet afflux est lié à la publication d'un article dans un journal belge en janvier 2011 qui expliquait la situation, le journaliste étant lui-même concerné par cette situation. Les demandes ont alors afflué du jour au lendemain, sans autre réelle raison.» Selon les données de la capitale, la très large majorité des personnes ayant eu recours à la procédure de recouvrement, permettant l'accès la nationalité via la descendance, sont des non-résidents. Au vu de l'histoire du Grand-Duché, rien d'étonnant donc à la forte proportion de ressortissants belges possédant désormais la double nationalité, les frontières luxembourgeoises s'étendant sur une bonne partie de l'actuelle province de Luxembourg en 1830.

Selon les données disponibles, la hausse observée des naturalisations tient donc principalement à l’association des deux nouveautés introduites par la loi de 2008. Ce que dénoncent certains qui militent pour que l’obtention du passeport soit principalement liée à la maîtrise de la langue. De son côté, le gouvernement, via son avant-projet de loi, plaide pour un abaissement du niveau de connaissance de la langue, tant passive qu’active, pour permettre «une meilleure représentation de la société». Une position également défendue par le CSV, principal parti d’opposition, qui avait déposé un projet de loi allant dans ce sens.