Le Mudam avait connu une ascension sous la houlette d'Enrico Lunghi. Qui osera relever le défi de sa succession? (Photo: Jessica Theis - Archives)

Le Mudam avait connu une ascension sous la houlette d'Enrico Lunghi. Qui osera relever le défi de sa succession? (Photo: Jessica Theis - Archives)

La surprise et le choc ont étreint le monde de la culture quand, vendredi, nous avons appris la démission d’Enrico Lunghi de la direction du Mudam. Outre ses qualités humaines, cet homme a toujours fait preuve d’un engagement fort vis-à-vis de l’art et des artistes et a œuvré à installer le Casino Luxembourg, d’abord, et le Mudam, ensuite, sur la carte de l’art à l’échelle internationale.

Sans doute était-ce trop.

Le voilà aujourd’hui qui paie pour cet engagement, pour sa droiture, pour n’avoir pas cédé aux pressions de la médiocrité et du populisme. Il a été depuis un mois au centre d’une affaire qui n’aurait pas dû exister, puis qui aurait dû se tarir avec ses excuses: après s’être emporté contre une collaboratrice de RTL. Mais les critiques n’ont pas cessé, les soutiens ne sont pas venus – ni du conseil d’administration qui, aujourd’hui, trouve «cette démission regrettable», ni de la part de son ministre de tutelle, qui continue à faire comme si de rien n’était –, personne ne s’est excusé ou n’a mis en cause la véracité des atteintes «ignobles et malhonnêtes» (selon les mots de l’intéressé).

Alors, il faudra demain se pencher sur un nouveau recrutement et on souhaite bonne chance à ceux qui oseront se jeter dans la gueule du loup. Mais il faudra surtout établir le rôle et les responsabilités de chacun à tous les échelons et à toutes les étapes de ce minable épisode.

Chez RTL d’abord, puisque c’est de là que tout est parti. La collaboratrice Sophie Schram, le responsable de la rubrique «Den Nol op de Kapp», Marc Thoma, le rédacteur en chef Alain Rousseau, le station manager, Steve Schmit, et le CEO Alain Berwick ont tous contribué à ce fiasco en choisissant de montrer des images montées, tronquées, voire truquées.

C’est aussi au médecin, Dr Dana Bliuc, qui a examiné la collaboratrice de RTL 10 jours après les incidents, qu’il y aurait des questions à poser sur son rôle, son aveuglement ou sa manipulation de la réalité. Dans cette chaîne de réactions, l’absence de celle de l’Ordre des médecins et du ministère de la Santé est tout aussi ambiguë.

Il importe encore d’établir le rôle et les responsabilités d’un conseil d’administration qui, au mieux, n’a rien fait pour soutenir son directeur, au pire, lui a mis une pression telle qu’il ne pouvait plus tenir à son poste. Les vice-présidents Philippe Dupont et Paul di Felice, les membres Jeff Erpelding, Laurent Loschetter, Florence Reckinger, Danièle Wagener et Hubert Wurth, ainsi que la présidente, S.A.R. la Grande-Duchesse héritière de Luxembourg, devraient tout un chacun se demander leur part dans cette mésaventure. La position particulière de la Grande-Duchesse héritière aurait d’ailleurs pu donner à la Cour l’occasion d’un communiqué – après tout, le musée porte le nom du Grand-Duc Jean.

Rappelons que Josée Hansen a justement fait le choix de démissionner dudit conseil il y a quelques semaines. Si elle ne s’en est pas réellement justifiée, il y a fort à croire qu’elle n’a pas voulu cautionner les critiques envers Lunghi.

Le silence est aussi assourdissant du côté de Xavier Bettel, qui, en tant que ministre de la Communication, n’a pas cherché à en savoir plus sur la confrontation Schram-Lunghi et a condamné d’emblée et en tant que ministre de la Culture – dans les pas desquels le secrétaire d’État, Guy Arendt, est resté planté – a tourné le dos au directeur en lui collant une enquête disciplinaire.

Chacun devrait s’interroger sur son rôle, même passif. Les responsabilités sont partagées, à chacun aujourd’hui d’en assumer sa part. Comme Enrico Lunghi – lui seul – l’a fait.