Roy Reding: «Le multilinguisme n’empêche absolument pas, bien au contraire, d’admettre que la langue du Luxembourg est bel et bien le luxembourgeois!» (Photo: Roy Reding)

Roy Reding: «Le multilinguisme n’empêche absolument pas, bien au contraire, d’admettre que la langue du Luxembourg est bel et bien le luxembourgeois!» (Photo: Roy Reding)

La récente pétition 698 a fait couler des flots d’encre. Pourtant, la plupart des points soulevés sont – à y réfléchir – d’une évidence absolue.

L’auteur souhaite que la langue luxembourgeoise soit enseignée de façon plus intensive à l’école. 

Rappelons-nous qu’actuellement, le luxembourgeois est quasiment absent de l’école publique: l’apprentissage de l’allemand est introduit au cycle 2.1 de l’enseignement fondamental, ce qui veut dire que les élèves apprennent à lire et à écrire en allemand à l’âge de six ans.

Le français est intégré au programme l’année suivante (au cycle 2.2). La langue véhiculaire de l’enseignement fondamental est l’allemand.

La langue véhiculaire des premières classes de l’enseignement secondaire ainsi que de l’enseignement secondaire technique est l’allemand.

Dans l’enseignement secondaire en revanche, c’est le français qui prédomine à partir de la quatrième année d’études.

Qu’y a-t-il de plus normal que d’exiger une place plus importante pour notre langue nationale dans l’enseignement? Souvent des commentateurs malveillants reprochent aux défenseurs du luxembourgeois de ne pas l’écrire «correctement»: à qui la faute?

Ensuite, le pétitionnaire ose demander que la langue luxembourgeoise soit utilisée «en premier lieu» dans les communications des communes et administrations. Mais bien sûr! Il est quand même anormal qu’il y ait des publications, lettres circulaires, formulaires, etc. en français, allemand, portugais et d’autres langues étrangères mais pas en luxembourgeois!? Cela me parait être encore une évidence que la langue nationale soit au moins «aussi» utilisée.

Il est encore évident, puisque la nouvelle Constitution contiendra (de l’avis unanime des partis représentés à la Chambre) la phrase: «La langue du Luxembourg est le luxembourgeois», qu’on doit en déduire que le luxembourgeois est «la première langue officielle».

C’est encore à bon droit que le pétitionnaire soulève que notre gouvernement est le seul (!) à ne pas avoir demandé la reconnaissance de notre langue par l’Union européenne. Cette reconnaissance n’entraîne pas que les textes doivent être traduits en luxembourgeois, mais que les citoyens peuvent s’adresser à l’administration européenne dans leur langue.

Enfin, vient la sacro-sainte question de la langue judiciaire: oui, notre droit est basé (à l’exception de l’Abgabenordnung allemande) sur le droit français, sur le bon vieux «Code Napoléon».

Pour pratiquer en tant qu’avocat depuis un quart de siècle, je sais combien il peut être difficile de traduire aux justiciables les concepts de droit, les formules utilisées dans les assignations, les jugements, etc.

Saviez-vous que nos lois étaient toujours publiées en français et en allemand jusqu’à l’occupation nazie? Si l’on sait qu’une grande majorité de Luxembourgeois maîtrise tout simplement mieux l’allemand que le français, est-il vraiment une hérésie que de demander de revenir au multilinguisme qui a caractérisé notre législation?

Oui, le multilinguisme est un atout du Grand-Duché. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus d’actes de sociétés peuvent, par exemple, être rédigés en anglais. Mais ceci n’empêche absolument pas, bien au contraire, d’admettre que la langue du Luxembourg est bel et bien le luxembourgeois!

Si la pétition a connu un succès que d’aucuns ont qualifié de «plébiscite», c’est parce que les partis majoritaires «Gambia», en complicité avec le CSV, ont décidé d’abaisser le niveau de connaissance du luxembourgeois nécessaire pour obtenir la nationalité – et partant le droit de vote. Il n’est pas anormal à mes yeux que les quelque 80% d’électeurs qui se sont opposés au droit de vote des non-nationaux aux législatives y voient une trahison…