Valorisé par la loi sur le régime des langues de 1984 qui le hissait au rang de langue nationale, le luxembourgeois connaît depuis une hausse constante du nombre de ses locuteurs. Estimé par le sociolinguiste Fernand Fehlen à 400.000 personnes dans une évaluation jugée «conservatrice», le nombre de locuteurs n’aurait ainsi jamais été aussi élevé. Une tendance qui va en s’accélérant ces dernières années, à en croire le nombre d’inscriptions officiellement enregistrées auprès de l’Institut national des langues (INL).

De 6.000 en 2002, ce chiffre flirtait avec la barre des 13.000 en 2016, pour huit langues enseignées auprès d’un public composé de quelque 140 nationalités. Sur les cinq langages les plus demandés, la langue nationale n’est toutefois pas la plus demandée.

Les données disponibles montrent ainsi que le français demeure la langue la plus demandée par les personnes travaillant au Grand-Duché. Un constat en lien direct avec le fait que la maîtrise du français est exigée en priorité dans le monde du travail, selon une récente étude du Statec. Et ce même si une nette différence persiste entre secteur privé et secteur public «où le luxembourgeois a ses bastions», selon les conclusions de l’office statistique.

Ainsi, au cours des 15 dernières années, près de quatre personnes inscrites sur dix à l’INL l’étaient pour apprendre la langue de Molière. Un chiffre stable, contrairement aux inscriptions pour les cours d’anglais ou d’allemand, tous deux en recul. La seule langue à connaître une croissance régulière se trouve donc être le luxembourgeois, représentant depuis 2014 un quart des inscriptions.

Sans surprise, cette demande provient très majoritairement de personnes résidentes, installées plus ou moins récemment au Grand-Duché. Selon les données de la Ville de Luxembourg, également fournisseur de cours de luxembourgeois depuis 1982, les frontaliers représentent pour les sessions organisées en 2016/2017 6,5% des inscrits. Un chiffre un peu plus faible qu’à l’INL, où les travailleurs résidant hors des frontières sont 9,4%. À noter que ces derniers, pour améliorer leurs compétences linguistiques, préfèrent suivre des cours d’anglais ou d’allemand. Soit les deux autres langues internationales employées dans la plupart des entreprises présentes au Grand-Duché.

Le rejet franc et massif, notamment, de l’ouverture du droit de vote aux étrangers lors du référendum de juin 2015 suivi de la mise en place d’une nouvelle loi sur la nationalité semblent avoir d’ores et déjà un impact sur les résidents étrangers désireux de s’intégrer. Au printemps 2016, dernières données disponibles de la part de l’INL, le nombre d’inscriptions aux niveaux indispensables pour obtenir la nationalité – et donc avoir la possibilité de voter aux élections législatives – a fait un bond spectaculaire. +337% pour le niveau A1, +616% pour le niveau A2 et +710% pour le niveau B1 par rapport aux sessions de l’automne 2015. Pour mémoire, le consensus politique obtenu entre cinq partis représentés à la Chambre prévoit que les candidats à la nationalité doivent avoir le niveau A2 en expression orale et le niveau B1 pour la compréhension.

Pourtant, cette réalité serait loin de satisfaire les défenseurs de l’identité luxembourgeoise, qui estiment que l’augmentation globale de locuteurs est principalement liée à la hausse de la population. Selon eux, la part de la population pratiquant le luxembourgeois quotidiennement recule. Une affirmation démentie par une étude du Statec, publiée en avril 2016, qui démontre «une augmentation constante du pourcentage du luxembourgeois comme langue principale, confirmant ainsi son rôle en tant que langue d’intégration». De son côté, le gouvernement a annoncé il y a quelques jours mettre en place un plan d’action en faveur de la langue luxembourgeoise, destiné officiellement à «répondre au souhait de la population».