Parmi les 114 pages du rapport «Travail et cohésion sociale» publié la semaine dernière par le Statec, l’analyse de la situation linguistique n’a pas beaucoup fait couler beaucoup d’encre. Car contrairement au risque de pauvreté, la situation a évolué de manière moins spectaculaire au cours des dernières années. Pourtant, cet aspect de la vie quotidienne luxembourgeoise apparaît comme «un véhicule important pour la cohésion sociale», selon l’institut statistique luxembourgeois qui a analysé la situation de plus de 4.000 résidents actifs, âgés de 25 à 64 ans.

Historiquement multilingue, le pays conserve cette approche, indispensable pour la poursuite de sa stratégie d’ouverture, tant économique que culturelle. Les derniers chiffres du Statec démontrent que 85% des résidents actifs, âgés de 25 à 64 ans, savent utiliser au moins trois langues, plus d’un quart (28%) assurant même être en capacité d’avoir recours à cinq langues ou plus. Le fait de ne parler qu’une, voire deux langues, fait donc figure d’exception au sein de la population active puisque cette situation ne concerne que 15% des personnes interrogées.

À noter que si près de la moitié des Luxembourgeois (47,1%) déclarent parler quatre langues, les non-Luxembourgeois sont plus nombreux à pouvoir s’exprimer dans cinq langues ou plus. Une particularité liée à la composition de la population active, composée notamment de personnels hautement qualifiés et possédant un horizon international. Mais en moyenne, un Luxembourgeois sait utiliser 4,3 langues, contre 3,4 pour un résident non-luxembourgeois. En prenant en compte les travailleurs frontaliers, la moyenne des langues parlées au sein de la population active atteint 3,9.

Sans surprise, la principale différence dans la maîtrise des langues tient dans le niveau d’éducation obtenu. Mais particularité luxembourgeoise, «même les moins éduqués savent se servir en moyenne de trois langues», note le dernier rapport du Statec, qui précise également qu’«il n’y a pas de différences significatives entre hommes et femmes» sur cette question. La véritable césure tient dans la maîtrise ou non du luxembourgeois. Car si neuf résidents sur dix savent utiliser le français et sept sur dix l’anglais, ils ne sont que six sur dix à être à l’aise avec la langue nationale.

Langue exigée en priorité dans le monde du travail, le français reste donc la langue étrangère la mieux maîtrisée au Grand-Duché (57,1%), devant l’allemand (45%) et l’anglais (38,6%). Le tout avec un niveau d’aisance élevée, puisque seul un résident actif sur dix déclare n’être en capacité que de s’exprimer dans des situations limitées. Pour le luxembourgeois, le ratio est totalement inversé.

 «Parmi les résidents à l’âge actif n’ayant pas la nationalité luxembourgeoise, 80% ne savent pas se servir du luxembourgeois», énonce le Statec qui précise que «le lieu de naissance joue un rôle primordial» puisque parmi les étrangers nés au Grand-Duché, 73% parlent aisément la langue nationale, contre 17% pour ceux nés en dehors des frontières. Le phénomène se confirme pour les étrangers vivant au Luxembourg depuis plus de 10 ans, où ce taux atteint les 25% de la population active. Parmi les principales nationalités représentées, ce sont les Allemands qui sont les plus enclins à utiliser la langue de Michel Rodange (43%), devant les Belges (25%) et les Portugais (20%).

Si ces chiffres semblent indiquer un recul de l’utilisation du luxembourgeois, ce n’est pourtant pas le cas. Car contrairement aux études précédentes, basées notamment sur les données du recensement de 2011, le rapport «Travail et cohésion sociale» 2017 exclut les personnes élèves et les pensionnés, deux catégories plus susceptibles de parler luxembourgeois que la moyenne de la population active — via l’utilisation du luxembourgeois comme langue de communication à l’école d’une part, et par la surreprésentation de cette langue comme langue principale parmi les personnes plus âgées de l’autre.

À périmètre équivalent, les données 2017 «sont identiques à celles de 2011», précise l’un des auteurs de l’étude. Pour rappel, lors du dernier recensement, 55,8% des résidents l’utilisaient comme langue principale, devant le portugais (15,7%) et le français (12,1%). Aucune comparaison avec les recensements précédents n’est toutefois possible, 2011 ayant été la première année où une question sur les langues utilisées figurait dans le questionnaire officiel.