Luca Paolini s’attend à ce que l’activité économique renoue avec ses tendances prépandémiques. (Photo: Pictet Group/Magnus Arrevad)

Luca Paolini s’attend à ce que l’activité économique renoue avec ses tendances prépandémiques. (Photo: Pictet Group/Magnus Arrevad)

Pour Luca Paolini, chef stratège chez Pictet Asset Management, si les perspectives restent positives pour les investisseurs, ceux-ci doivent se préparer, pour 2022, à des rendements inférieurs aussi bien pour les actions que pour les obligations.

«L’année 2022 sera marquée par un ralentissement plus que par un retournement», estime Luca Paolini, pour qui plusieurs facteurs devraient limiter les rendements attendus en 2022, tant pour les actions que pour les obligations. «Entre valorisations records, durcissement des politiques monétaires et budgétaires et hausse de l’inflation, les tensions resteront présentes et les actions ne connaîtront sans doute qu’une croissance à un chiffre. Les obligations s’inscrivent de leur côté visiblement dans une tendance baissière durable, bien qu’une forte hausse des rendements paraisse improbable.»

Retour à une croissance prépandémique

Sur le plan macroéconomique, on s’attend chez Pictet à ce que l’activité économique renoue avec ses tendances prépandémiques. «La croissance devrait être synchronisée, et les divergences sectorielles et géographiques pourraient s’atténuer. L’économie mondiale a besoin de temps pour changer de direction. La consommation de services devrait se rapprocher de la consommation de biens. L’assouplissement des restrictions de déplacement devrait quant à lui stimuler la production et atténuer les difficultés d’approvisionnement.»

Dans le débat opposant les tenants de la surchauffe à ceux de la stagflation, Pictet rejoint le camp des premiers tout en prévenant qu’a ses yeux, la croissance mondiale est exposée à trois risques spécifiques. Le premier concerne la demande qui pourrait être mise à mal en raison d’une hausse de l’inflation et d’un baril de pétrole au-dessus des 100 dollars. Un rebond épidémique et un resserrement réglementaire en Chine auraient aussi des effets néfastes.

Pour ce qui est des politiques monétaires, Pictet table plus sur un durcissement progressif que sur une inversion complète. «Le bilan agrégé des principales banques centrales devrait augmenter de quelque 1.000 milliards de dollars l’an prochain, soit moins que l’expansion de l’activité économique. Autrement dit, l’excès de liquidités se réduira pour la première fois depuis la crise financière mondiale de 2008. Malgré ce mouvement, les taux d’intérêt réels resteront bas.»

Opportunités relatives pour les actions

Pour ce qui est des actions, tout début de cycle de durcissement monétaire américain rime avec un rendement inférieur à la moyenne, même si la performance reste généralement positive, et avec un regain temporaire de volatilité. Alors que les valorisations poussées par une décennie d’assouplissement quantitatif, d’argent bon marché et de hausse de la demande d’actifs financiers de la part d’une population vieillissante restent élevées, Luca Paolini voit les opportunités dans les secteurs qui n’attirent que peu d’investisseurs (l’énergie, l’extraction minière, l’immobilier chinois ou encore les actions turques et brésiliennes).

«Mais les actions offrent elles aussi leur lot d’opportunités relatives», poursuit-il, en mettant en avant les secteurs et les marchés des valeurs cycliques, qui devraient en effet surperformer en 2022, tirés par le redémarrage des économies et par la hausse des rendements. «C’est notamment le cas du marché japonais, des titres financiers, de l’immobilier et des petites capitalisations américaines. Les actions technologiques chinoises ont quant à elles une nette sous-performance à rattraper en cas d’assouplissement des restrictions réglementaires.»

Sur le continent européen, Pictet apprécie l’orientation «value» du Royaume-Uni, ses très faibles valorisations et l’affaiblissement de sa monnaie. L’Italie et l’Espagne semblent également intéressantes. 

«La situation est plus nuancée aux États-Unis. Les actions peuvent certes paraître très onéreuses, mais les bénéfices devraient sauver les rendements en 2022 et les cours pourraient monter avec la hausse des marges bénéficiaires. Les analystes nous semblent toutefois trop optimistes quant à l’évolution des bénéfices à moyen terme, au vu de l’augmentation de la fiscalité, du coût des intérêts et des salaires qui s’annonce.» 

Pour les actions, et, plus largement, tous les actifs des pays émergents, Luca Paolini temporise et n’envisage pas un retour avant le second semestre.

Année difficile en vue pour les obligations

«Si dans l’ensemble, nos perspectives sont prudentes mais optimistes, pour les actions, les investisseurs obligataires doivent, eux, se préparer à une nouvelle année difficile.» Et «se démener pour dégager des rendements».

Parmi les pistes à creuser, il privilégie les obligations nipponnes indexées sur l’inflation – «en effet, les taux réels sont plus élevés au Japon qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, tandis que l’affaiblissement du yen augmente les coûts à l’importation et tire l’inflation vers le haut» –, les prêts américains à effet de levier, les obligations d’entreprise à duration courte, surtout sur les marchés émergents.

Sur le marché monétaire, Pictet table sur un renforcement du dollar et sur un affaiblissement de la livre. «Les autres monnaies, comme l’euro et le franc suisse, devraient rester stables par rapport au billet vert.»