Le décalage entre le nombre d’emplois proposés par les entreprises et leurs difficultés à recruter s’est accentué. (Photo: Shutterstock)

Le décalage entre le nombre d’emplois proposés par les entreprises et leurs difficultés à recruter s’est accentué. (Photo: Shutterstock)

Un même décalage entre l’offre et la demande perturbe la reprise du marché de l’emploi après la récession due à la pandémie. Retards de croissance et inflation pourraient, à différentes échelles, jouer un rôle de perturbateurs économiques.

La reprise euphorique post-pandémie a accentué le décalage qui existait déjà entre le nombre d’emplois proposés par les entreprises et les difficultés que ces dernières rencontrent pour les pourvoir, en Europe comme aux États-Unis. Selon l’éditorialiste William De Vijlder, group chief economist chez BNP Paribas Europe, les enquêtes auprès des entreprises de la zone euro mettent en évidence des pénuries records de personnel. Associées aux pénuries de composants, elles constituent un frein pour la croissance économique, car elles limitent la productivité dans certains secteurs sensibles, comme l’industrie, l’hôtellerie ou la santé.

Un sous-emploi en croissance, selon Eurostat

D’après Eurostat, le sous-emploi s’élèverait à 14,5% au deuxième trimestre 2021 contre 13% avant la pandémie. Même constat aux États-Unis. Selon Frank Vranken, head of PBIA strategic projects, chief strategist chez Edmond de Rothschild, «même avec des salaires plus élevés, les emplois sont abondants, mais de plus en plus difficiles à pourvoir» – il reste 7,8 millions d’emplois à pourvoir aux États-Unis. Une situation qui devrait se prolonger si le président Biden déploie son plan d’infrastructure (signé voici quelques jours, qui représente 1.200 milliards de dollars d’investissements devant notamment servir à refaire les routes, les ponts ou encore le réseau internet du pays, ndlr).

Pourtant, le marché de l’emploi américain est plus mobile que le marché européen, que les aides gouvernementales et le télétravail ont temporairement «éloigné» des chemins du bureau. Les Français seraient-ils plus réticents que les Américains à retourner travailler? En septembre, 4,4 millions d’Américains ont quitté leur employeur pour chercher de meilleures conditions ailleurs. La fameuse quête de l’équilibre vie pro/vie perso? «Avec le recul, la crise du Covid et ses ramifications pourraient bien être le plus grand bouleversement du marché du travail américain depuis la Seconde Guerre mondiale», analyse Frank Vranken.

Avec le recul, la crise du Covid et ses ramifications pourraient bien être le plus grand bouleversement du marché du travail américain depuis la Seconde Guerre mondiale.
 Frank Vranken

 Frank Vrankenchief strategist Banque Edmond de Rothschild

En Europe, la pénurie d’employabilité pourrait causer une augmentation plus rapide des salaires et une hausse de l’inflation. «À ce jour, la progression des salaires reste modérée. Mais, compte tenu de sa relation historique avec les goulets d’étranglement sur le marché du travail, une accélération semble probable», précise William De Vijlder, avant d’ajouter que «pour alléger les tensions sur le marché du travail, les intentions d’embauche des entreprises seront déterminantes».

À propos de la consommation des ménages américains, Frank Vranken estime que si l’inflation a réduit les gains salariaux réels des travailleurs américains, l’aide «Covidentielle» récemment reçue, associée à un taux d’épargne nettement amélioré ces dernières années, fait que le consommateur américain a «la puissance de feu nécessaire» pour dépenser.