Le ministre de la Justice Félix Braz souligne la nécessité d’imposer les mêmes obligations à toutes les entités, PME et asbl comprises, afin de garantir l’efficacité de la lutte anti-blanchiment. (Photo: Paperjam)

Le ministre de la Justice Félix Braz souligne la nécessité d’imposer les mêmes obligations à toutes les entités, PME et asbl comprises, afin de garantir l’efficacité de la lutte anti-blanchiment. (Photo: Paperjam)

Le registre mis en place par la loi du 13 janvier 2019 dans le cadre de la lutte contre le blanchiment est loin d’avoir recueilli toutes les déclarations de bénéficiaires effectifs, alors que la date limite est fixée au 31 août.

Sur les 129.000 entités que devrait compter le registre des bénéficiaires effectifs (RBE), seuls 5,5% ont franchi le pas et déclaré leur bénéficiaire. «Au 31 mai, 7.029 entités avaient déclaré leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s) sur 129.000», précise le ministre de la Justice, . «Cela représente 11.539 personnes physiques, dont 7.922 bénéficiaires effectifs et 3.617 dirigeants principaux. Il y a encore beaucoup de travail à faire.»

Si le ministre Déi Gréng ne s’en inquiète pas ouvertement, la campagne de sensibilisation envers les entreprises, et surtout les asbl, s’intensifie: quatre conférences d’information ont été organisées auprès de l’ABBL, de la Chambre de commerce et de la Chambre des métiers.

1.900 personnes y ont assisté, preuve que le sujet intrigue. Le ministère a également publié deux circulaires afin d’expliquer les obligations à remplir et les démarches à effectuer pour se mettre en règle d’ici au 31 août. Deux autres circulaires ciblant respectivement les fondations et les établissements publics doivent encore être diffusées, ainsi qu’une brochure reprenant les réponses aux questions les plus fréquemment posées à Luxembourg Business Registers, l’organisme chargé de gérer le registre du commerce et des sociétés et le RBE.

Nous avons senti qu’il s’agissait d’une notion relativement complexe pour les entités qui ne sont pas confrontées à ces obligations.

Daniel Ruppertconseiller de gouvernementDirection des affaires commerciales et des nouvelles technologies appliquées à la justice

La campagne de sensibilisation cible plus précisément les 8.000 asbl concernées par le RBE sans forcément le savoir. «Les plus grandes structures professionnelles connaissent bien l’exercice, qui n’est pas nouveau pour elles – elles le pratiquent depuis la directive anti-blanchiment de 2004», souligne Daniel Ruppert, conseiller de gouvernement à la Direction des affaires commerciales et des nouvelles technologies appliquées à la justice (ministère de la Justice).

Les dernières couches d’obligations réglementaires, KYC compris, ont encore avivé la vigilance de la Place en la matière. Même si l’accessibilité du RBE au public constitue une véritable nouveauté, imposée par la cinquième directive AML (anti-blanchiment), transposée en janvier.

«Nous avons toutefois senti qu’il s’agissait d’une notion relativement complexe pour les entités qui ne sont pas confrontées à ces obligations», poursuit M. Ruppert.

Chaque entité doit renseigner auprès du RBE l’identité de son bénéficiaire effectif, c’est-à-dire la personne physique qui la possède (actionnaire majoritaire, par exemple) ou qui la contrôle – puisque la notion de propriété n’intervient pas dans le cadre d’une asbl.

«Cela peut aussi être un contrôle indirect à travers une autre société», souligne M. Ruppert. Il est convenu que le bénéficiaire effectif possède au moins 25% du capital. S’il ne peut être déterminé par ce biais, en cas de dilution de l’actionnariat, par exemple, la notion de contrôle entre en jeu. Ainsi dans une entreprise familiale, les parts peuvent être réparties entre frères, sœurs, parents, etc. Il faut additionner leurs parts pour déterminer qui contrôle la société, et donc les déclarer comme bénéficiaires effectifs.

La Commission européenne a estimé qu’elle ne pouvait pas les exclure du dispositif anti-blanchiment sans risquer d’inciter les personnes ayant des intentions criminelles à dévoyer les asbl pour leurs activités de blanchiment.

Félix Brazministre de la Justice

Le ministère en appelle aux banques et intermédiaires afin de sensibiliser leurs clients à cette nouvelle obligation de déclaration. «Si un professionnel constate une différence entre ses données sur un client et celles déclarées dans le RBE, il a l’obligation d’en informer le RBE», souligne M. Ruppert. Certes, la loi n’impose pas à ces intermédiaires de vérifier ces informations, «mais c’est très recommandé».

Les asbl, qui n’ont pas forcément de juristes pour les aiguiller sur ce terrain inconnu, peuvent être effrayées par cette déclaration. «Dans les cas les plus fréquents, l’asbl n’a pas de propriétaire ou d’actionnaire, mais elle est contrôlée par des associés, un organe de direction ou un conseil d’administration», explique M. Ruppert. Il suffit alors de reporter les noms des administrateurs dans la liste de bénéficiaires effectifs de l’asbl, ainsi que leur adresse (s’ils sont résidents) et date de naissance. Dans le cas où une ou plusieurs sociétés sont membres d’une asbl, il faut aller chercher le nom de la personne physique détenant la société pour définir son pourcentage de contrôle de l’asbl en fonction de ses droits de vote.

Pourquoi mêler les asbl à ces obligations? «La Commission européenne a estimé, à bon escient, qu’elle ne pouvait pas les exclure du dispositif anti-blanchiment sans risquer d’inciter les personnes ayant des intentions criminelles à dévoyer les asbl pour leurs activités de blanchiment», argumente Félix Braz. «Et le Gafi s’intéressera aussi aux asbl lors de sa visite l’année prochaine.»

«La loi, comme le règlement grand-ducal, facilite autant que possible cette démarche», insiste-t-il. Outre la brochure et le tutoriel technique mis en ligne par Luxembourg Business Registers, ce dernier a ménagé un guichet virtuel et peut se charger de compléter la déclaration d’une entité en proie à des difficultés techniques.

La déclaration au RBE est gratuite jusqu’au 31 août. Il en coûtera ensuite 15 euros, quelle que soit la taille de l’entité, pour s’inscrire. Sachant que les entités ayant omis de remplir leur déclaration encourent une amende allant de 1.250 à 1.250.000 euros. Idem pour les entités n’ayant pas renseigné un changement de bénéficiaire effectif dans les 30 jours.

Une campagne grand public tentera de toucher le plus grand nombre cet été.