Andreas König est directeur de l’association Ausgespillt/ Game Over, qui s’occupe aussi des problèmes d’addiction aux jeux, liés aux écrans. (Photo: DR)

Andreas König est directeur de l’association Ausgespillt/ Game Over, qui s’occupe aussi des problèmes d’addiction aux jeux, liés aux écrans. (Photo: DR)

Comme d’autres addicts, ceux qui sont accros aux écrans ont leurs inter­­lo­cuteurs. Au Luxembourg, on peut se tourner vers l’association Ausgespillt/ Game Over, qui s’occupe aussi des problèmes d’addiction aux jeux, liés aux écrans. Le point sur ce fléau parfois difficile à reconnaître avec son directeur, Andreas König.

99% des adolescents se connectent quotidiennement à internet au Luxembourg, selon le Statec. Des études internationales font état de 5 heures passées chaque jour en moyenne derrière les écrans, d’autres parlent du double… À partir de quand parle-t-on de dépendance?

Andreas König. – «Le temps que les enfants et adolescents passent quotidiennement sur des médias numériques a doublé entre 2007 et 2017, et reste à un niveau élevé. Une durée d’utilisation croissante est en corrélation avec un risque de dé­pen­dance croissant, mais il n’y a aucune base scientifique pour tracer une ligne à un nombre d’heures donné. Il faut surtout regarder le contrôle qu’on a sur ces comportements d’utilisation et la priorité qu’on donne aux écrans dans notre vie par rapport à d’autres domaines, comme l’école, le travail, la santé, l’hygiène, la vie sociale et familiale. Si ces derniers se retrouvent fortement affectés pendant une période longue, la notion d’addiction peut être considérée.

Comment le Luxembourg se situe-t-il par rapport à d’autres pays?

«La dernière étude représentative au Luxembourg date de 2015 et n’a inclus que des adolescents. À cette époque, on note 3,4% d’addiction et 6,7% d’utilisation problématique d’internet. Et pour les jeux informatiques, 2,2% d’addiction et 4,8% de cas problématiques. Des chiffres similaires à ceux des autres pays. De 2017 à 2019, les demandes dans notre asbl ont triplé, ce qui, à mon avis, est dû à une plus grande prise de conscience. En revanche, elles ont chuté avec la crise du Covid-19, en lien sans doute avec le travail et les cours en ligne.

Les jeunes sont-ils les seuls concernés?

«La dépendance aux écrans affecte les personnes de tous les groupes d’âge, la tranche 14-24 ans étant cependant significativement plus forte, avec un pic de prévalence clair à 15-16 ans.

Y a-t-il des dépendances aux écrans plus difficiles à soigner que d’autres?

«La «dépendance aux écrans» n’existe pas officiellement en tant que maladie. L’OMS parle seulement de «trouble du jeu vidéo». Mais les médias sociaux sont également utilisés par certains d’une manière qui pourrait être qualifiée d’addictive. La déficience fonctionnelle la plus forte dans la vie quotidienne se trouve dans le trouble du jeu vidéo en ligne. Jouer peut en fait répondre à des besoins psychologiques de base comme la reconnaissance, l’expérience d’auto-efficacité et l’estime de soi.

Quelles sont les autres conséquences de l’addiction aux écrans?

«Le manque d’exercice, d’hygiène et les dommages au niveau de la posture sont des problèmes courants sur le plan physique. L’usage excessif non addictif est associé à un risque plus élevé d’obésité et de diabète en raison du mode de vie sédentaire. En cas de manque de sommeil, les capacités de concentration sont affectées et, à long terme, le risque de maladie augmente. Quand l’école et le travail sont négligés, on fait face à une perte d’emploi ou d’opportunités futures. La négligence des autres activités et des contacts sociaux réels conduit de plus en plus à l’isolement. Le centre de récompense dans le cerveau se modifie peu à peu, de sorte que d’autres activités deviennent de moins en moins attrayantes et qu’un cercle vicieux se forme. Les impacts peuvent aussi être financiers. Une jeune femme est venue chez nous parce qu’elle avait dépensé 19.000 euros dans des jeux vidéo sur mobile. Enfin, des décès se sont déjà produits en Asie pour cause de déshydratation et d’épuisement. Ces joueurs avaient aussi pris des amphétamines.

Peut-on comparer l’addiction aux écrans à d’autres, comme à l’alcool ou aux drogues?

«Bien que les processus de développement de la dépendance dans le cerveau soient compa­rables, les symptômes de sevrage purement physiques dans les troubles du comportement sont naturellement moins prononcés, tout comme le potentiel de préjudice physique direct. C­ependant, la prévalence dans la population générale est plus élevée que dans le cas des drogues illicites et à peine inférieure au niveau de dépendance et d’abus d’alcool. La perception est aussi plus compliquée: on réagit différemment en remarquant que son enfant consomme de l’alcool seul dans sa chambre que par rapport à ses comportements sur Instagram.

Pour se libérer d’addictions, on prône souvent l’abstinence. Comment cela se passe-t-il pour les écrans, omniprésents?

«On tente de renforcer le contrôle des impulsions et l’autogestion, et de trouver un équilibre avec les autres espaces de la vie. La recherche d’activités alternatives suffisamment attractives joue un rôle majeur. En particulier celles qui, sans écran, peuvent satisfaire des besoins psychologiques de base comme la reconnaissance, la réussite, l’estime de soi.

Quelle limite ne pas dépasser derrière un écran?

«Ils sont déconseillés aux enfants de moins de 3 ans. Il est ensuite important de voir comment ce temps est utilisé. Chez les ados, à partir de deux heures d’utilisation après l’école, la qualité du sommeil diminue.»

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de  qui est parue le 27 janvier 2021.

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