Le ministre des Finances avait promis «une réforme fiscale structurelle». Mais la crise sanitaire est passée par là. Sans pour autant remiser totalement le projet au frigo. (Photo: Lala La Photo, Keven Erickson, Krystyna Dul)

Le ministre des Finances avait promis «une réforme fiscale structurelle». Mais la crise sanitaire est passée par là. Sans pour autant remiser totalement le projet au frigo. (Photo: Lala La Photo, Keven Erickson, Krystyna Dul)

Dans le cadre de l’opération «Un été pas comme les autres», Paperjam passe en revue les «dossiers chauds de la rentrée». Ces dossiers qui seront sur la table du gouvernement ou des députés après leurs vacances. Début de la série avec une réforme fiscale annoncée en 2019 et qui pourrait rester une priorité pour le gouvernement. Ou bien ne se résumer qu’à quelques mesures prises à la marge.

Il n’est pas question en tant que telle de réforme fiscale dans l’accord de coalition passé entre le DP, le LSAP et Déi Gréng après les élections de 2018. Le gouvernement émet simplement le très noble souhait de mener «une politique fiscale prévisible et cohérente, répondant de manière appropriée aux réalités modernes et défis en matière de politique familiale, sociale, économique et écologique.» Celle-ci sera bâtie sur différents ajustements: augmentation du salaire social minimum, efforts pour aller vers une plus grande individualisation de l’impôt…

Finalement, le ministre des Finances,  (DP), sort du bois en juillet 2019 et annonce «une réforme fiscale structurelle». Des groupes de travail sont mis en place au niveau de l’État, et l’année 2020 doit être mise à profit pour finaliser le projet.

L’individualisation et le développement durable devaient être au centre de la réflexion. Les grands acteurs vont aussi se mobiliser pour faire remonter leurs attentes vers la rue de la Congrégation. Les chambres patronales et associations professionnelles font de même.

Mais, dans l’intervalle, la crise sanitaire est passée par là, imposant au gouvernement de lourds efforts pour soutenir les entreprises et le tissu socioéconomique. Et ce n’est sans doute pas fini.

Le projet de Pierre Gramegna a-t-il donc été remisé au frigo? Ce n’est pas certain. Et cela pour plusieurs raisons.

Justice fiscale entre époux

Le ministre ayant été très discret et ses équipes encore plus, personne ne sait vraiment quel était son dessein. Or, réforme fiscale ne veut pas nécessairement dire baisse drastique de l’imposition. «Je ne suis pas sûr, à titre personnel, que c’est cela que le ministre avait à l’esprit», note , partner chez Bonn Steichen & Partners, et fin connaisseur de la fiscalité publique. «Je pense que sa vision était beaucoup plus limitée que ce qui prévaut dans le cadre d’une très grande réforme.»

Pour beaucoup, la mesure phare aurait été une modification de la fiscalité entre époux, cohabitants, partenaires… «Les époux sont-ils injustement avantagés? C’est plus une question de justice que d’économie, dont la réponse est donc indépendante du Covid. Si le ministre est d’avis que oui, un point de vue qui peut se défendre, la crise sanitaire ne doit pas empêcher la réforme», poursuit Alain Steichen.

Et d’autres ajustements pourraient aussi être consentis, de manière indépendante du contexte sanitaire. «On peut tout mettre dans un paquet et l’appeler réforme fiscale si on veut», termine l’avocat fiscaliste. Qui pointe que, par contre, d’autres ambitions qui étaient peut-être nourries devront sans doute être postposées. Comme une révision des barèmes d’imposition.

Une réforme «nécessaire»

Dans le champ politique, de manière quasi unanime, on relève deux éléments autour de cette réforme annoncée. Premièrement, le fait que la réforme de 2017 ait été insuffisante et demande des ajustements. Deuxièmement, le fait que le temps commence à presser. Une réforme fiscale, petite ou d’ampleur, en 2021, passe encore. Mais plus en 2022, année préélectorale. «Le timing ne sera alors plus le bon», avaient confié plusieurs ténors à Paperjam voici quelques mois.

«Mais une réforme est nécessaire, le CSV la demande depuis longtemps», souligne le député  (CSV). Pour le LSAP, il en va de même puisque «le modèle fiscal actuel ne correspond plus à la réalité de la société». Sans surprise, Déi Gréng veut des inflexions fiscales «dédiées à une économie plus verte, à l’environnement et au développement durable».

Tous les partis s’accordaient en faveur d’une révision de la fiscalité sur le télétravail, sujet devenu encore plus aigu ces derniers mois, mais aussi de celle des célibataires et des monoparentaux, ainsi que du foncier. A contrario, imposer à nouveau les grandes fortunes ne faisait pas l’unanimité.

Tous ou presque rappellent l’importance de maintenir l’attractivité de la place financière, a fortiori dans un contexte international chamboulé. La réforme fiscale sera donc probablement articulée principalement autour des personnes physiques. Reste à savoir si l’évolution de la crise engendrée par le Covid-19 permettra de mettre un coup d’accélérateur à ce chantier à la rentrée politique de septembre.