Stephan Peters, directeur général de l’International Climate Finance Accelerator au Luxembourg. (Photo: Felix Sorger/Furioso Film)

Stephan Peters, directeur général de l’International Climate Finance Accelerator au Luxembourg. (Photo: Felix Sorger/Furioso Film)

Le financement privé sera crucial pour atteindre les objectifs de la Cop26 en matière de changement climatique. Delano s’est entretenu avec Stephan Peters, directeur général de l’International Climate Finance Accelerator du Luxembourg, sur la manière dont il aide les gestionnaires de fonds à tirer parti des capitaux publics et privés pour avoir un impact positif sur le climat.

Stephan Peters est un homme occupé. Dans le bus qui le ramène de la Cop26 à Glasgow, il tourne déjà son attention vers les deux prochaines années, lorsque lui et son équipe de l’International Climate Finance Accelerator du Luxembourg aideront une nouvelle promotion de cinq nouveaux gestionnaires de fonds à investir dans trois domaines clés: le financement de l’atténuation du changement climatique, le financement de l’adaptation au changement climatique et la REDD (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts) dans le cadre d’une initiative du gouvernement luxembourgeois visant à créer un environnement financier favorable au climat au Luxembourg.

La promotion 2021 de gestionnaires de fonds de l’ICFA est la dernière d’une lignée de promotions annuelles remontant à une première sélection en 2018. Depuis sa création, l’ICFA a soutenu 23 gestionnaires de fonds ciblant 1,4 milliard de dollars d’actifs sous gestion.

«Grâce à notre soutien, ces gestionnaires constituent des fonds et attirent des capitaux plus importants», explique Stephan Peters. Des fonds qui financent une vaste palette de projets, allant de l’énergie renouvelable, en Afrique subsaharienne, aux technologies climatiques, en Europe.

Construire un écosystème de financement climatique

La première étape du programme consiste à fournir aux quatre ou cinq fonds de la promotion une enveloppe de 80.000 euros à utiliser avec les partenaires privés luxembourgeois de l’ICFA pour réaliser la structuration juridique, la gestion des risques et la stratégie d’impact de leurs fonds. Une banque luxembourgeoise fournit également un prêt de fonds de roulement de 200.000 euros, garanti par l’État luxembourgeois, pour permettre la collecte de fonds, le marketing, le développement de l’équipe et la constitution du pipeline.

La position de leader mondial du Luxembourg dans le monde des services financiers en fait le lieu idéal pour ce type de soutien. «Nous voulions que le Luxembourg se construise comme un centre d’excellence pour les services financiers dans le secteur de l’investissement climatique», déclare Stephan Peters. «Certaines sociétés de services financiers font donc le travail à des tarifs réduits parce qu’elles voient l’avantage pour elles de soutenir ce nouveau secteur.»

L’ICFA propose également un soutien dit «doux» qui recouvre la formation et l’accompagnement des partenaires privés luxembourgeois, ce qui, avec le financement, donne aux fonds de la promotion la crédibilité, la visibilité et l’effet de levier financier nécessaire pour attirer des investissements plus importants que ceux qui auraient été possibles auparavant.

Raccourcir le délai de lancement d’un fonds

C’est ce soutien «doux» que Stephan Peters, qui a rejoint l’ICFA en tant que directeur général en septembre 2021, souhaite accroître à l’avenir.

«Nous voulons donner à nos promotions un soutien supplémentaire – plus d’événements, plus d’introductions, plus d’établissement de relations à travers l’ensemble de l’écosystème de l’impact afin qu’ensemble nous puissions raccourcir le délai de lancement de leur fonds.»

Chaque année, une promotion a pour objectif de lancer son fonds endéans les deux années du programme de soutien. Cependant, cela ne s’est pas toujours produit, c’est pourquoi l’ICFA continue de soutenir les promotions au-delà de ces deux années. Si Stephan Peters estime qu’il est important de continuer à développer la communauté de la finance climatique, il est également conscient que les lancements de fonds en temps voulu sont cruciaux face au tic-tac de l’horloge du changement climatique.

«Le soutien supplémentaire doux que nous prévoyons s’inscrit dans cette optique», ajoute-t-il.

L’évolution du financement du secteur privé dans les fonds climatiques

Le financement du secteur privé est depuis longtemps un élément déterminant pour atteindre les objectifs climatiques. En fait, le Luxembourg a reconnu l’importance du financement du secteur privé dans sa Stratégie internationale sur le changement climatique 2021-2025.

Dans une structure typique d’un membre d’une promotion ICFA, jusqu’à 20% du capital proviendra de fondations, d’institutions multilatérales et de marchés locaux. Le reste sera constitué de capitaux privés, en fonction de la stratégie d’investissement et de la géographie, précise Stephan Peters.

«Le financement du secteur privé constitue la majorité du capital d’investissement de ces fonds», explique-t-il. «En ce sens, il s’agit bien d’un financement privé travaillant en partenariat avec le secteur public pour atteindre les objectifs en matière de changement climatique.»

Toutefois, après avoir assisté à la Cop26 à Glasgow, Stephan Peters pense que la nature du financement du secteur privé dans les objectifs de lutte contre le changement climatique est en train de changer. Historiquement, beaucoup d’argent privé a été investi dans des projets solaires et éoliens, où le modèle économique est éprouvé et où les subventions publiques sont importantes. Comme ces projets sont à forte intensité de capital et de main-d’œuvre, il faut beaucoup de temps pour en voir les résultats.

Lors de la Cop26, le secteur privé a manifesté un nouvel intérêt pour les projets d’adaptation au climat. Il peut s’agir par exemple de fournir à un agriculteur le capital nécessaire pour changer de culture en fonction de l’évolution des conditions de croissance, ou, comme le dit Peters, «pour produire des vins de Bordeaux au Royaume-Uni».

Par le passé, ce type d’investissement a été moins éprouvé et donc plus risqué pour le secteur privé, mais la participation des gouvernements et des organisations multilatérales à la prise en charge des premières pertes a permis de créer des projets viables dans ce domaine.

«À la Cop26, j’ai constaté que le secteur privé s’intéressait beaucoup plus aux projets d’adaptation au climat», déclare Stephan Peters. «C’est en grande partie grâce aux multiples sources de capitaux qui travaillent ensemble et prennent un risque plus élevé.»

Ne s’attardant pas sur le tableau d’ensemble, Stephan Peters reste déterminé à renforcer le soutien aux fonds qui ont obtenu une place dans la promotion 2021 – et à ceux qui ne l’ont pas obtenue. «Environ 25 fonds ont manifesté leur intérêt pour la promotion 2021, mais seuls cinq d’entre eux ont été retenus. Nous fournissons un retour d’information détaillé, même aux fonds qui n’ont pas été sélectionnés, car c’est grâce à cette éducation, à ce partage, que les écosystèmes d’investissement se construisent.»

Le site propose un programme d’accélération de deux ans pour la gestion de fonds de financement climatique en démarrage. Il a été créé en 2018 sous la forme d’un partenariat public-privé entre 10 entités privées du secteur financier luxembourgeois ainsi que le ministère luxembourgeois des Finances et le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, avec le soutien de la Banque européenne d’investissement.

Cet article a été écrit pour , traduit et édité pour Paperjam.