Alexandre   Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg . (Photo: Degroof Petercam Luxembourg/Blitz Agency)

Alexandre   Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg . (Photo: Degroof Petercam Luxembourg/Blitz Agency)

Chaque semaine, Paperjam vous propose le regard d’un chef économiste d’une institution bancaire ou financière sur l’actualité des marchés et de l’économie. Aujourd’hui, Alexandre Gauthy, macroéconomique chez Degroof Petercam Luxembourg, se penche sur le rôle du dollar dans les portefeuilles.

En construisant leur portefeuille, les investisseurs en actions sont constamment à la recherche d’actifs de diversification pour se prémunir d’une baisse des cours. Parmi ceux-ci sont souvent évoqués les bons du trésor américain à échéance lointaine, l’or, ainsi que certaines devises refuges telles que le yen japonais, le franc suisse et le dollar américain. S’il est vrai que les obligations d’État des pays jugés sûrs aident à protéger les portefeuilles lorsque les craintes d’une croissance économique plus molle ou de récession ressurgissent, dans d’autres scénarios adverses pour les actions, le pouvoir protecteur de ces mêmes obligations serait limité. 

La hausse fulgurante des cours boursiers depuis mars 2020 est en partie imputable à la baisse des taux longs. Les banques centrales furent rapides à prendre des mesures monétaires (baisses de taux directeurs, achats d’actifs…) afin de tenter de limiter les dégâts économiques de la crise sanitaire. Aujourd’hui, un des risques pour les marchés actions est une remontée des taux longs.

Les effets escomptés de la normalisation monétaire

Pourquoi les taux longs remontraient-ils? À court terme, les rendements obligataires à longue échéance pourraient réagir à une diminution des mesures de support monétaire en place, et à moyen terme, à une normalisation de la politique monétaire.

La Réserve fédérale américaine, qui a absorbé la plupart des nouvelles émissions de dettes de l’État depuis le début de la crise, annoncera prochainement un ralentissement du rythme de ses achats obligataires. En zone euro, suite au rapport de l’inflation du mois d’août qui indiquait une hausse des prix plus forte qu’escompté, certains membres de la Banque centrale européenne ont déclaré que la politique monétaire en zone euro n’était plus adaptée à la situation économique. Mais étant donné que les économies du sud de l’Europe restent à la traine et que les pressions inflationnistes domestiques en zone euro sont faibles (la hausse de l’inflation résulte principalement des problèmes d’approvisionnement dans l’industrie qui est en soi un facteur externe et transitoire), il est peu probable que la BCE ne resserre de sitôt sa politique monétaire.

Pression haussière sur les taux américains

Par contre, aux États-Unis, les pressions haussières sur les taux longs devraient subsister ces prochains mois. En effet, l’économie américaine a rattrapé son niveau d’avant-crise et la situation sur le marché du travail devrait se normaliser assez rapidement. Aux États-Unis, il y a aujourd’hui plus de postes à pourvoir que de personnes au chômage et, secundo, certaines personnes qui étaient jusqu’à présent restées en dehors du marché du travail pourraient y revenir dès septembre, au moment où les écoles ouvriront à nouveau et les aides généreuses de l’état pour les sans-emplois prendront fin. À mesure que l’économie américaine se rapprochera du plein-emploi, le marché obligataire devrait escompter un nombre plus élevé de hausses de taux de la Fed. Le deuxième facteur qui pourrait faire progresser les taux longs est une inflation américaine moins transitoire que ce que le marché et la Fed n’anticipent. 

Dans ce cas de figure de hausse modérée des taux longs, le marché des actions pourrait devenir plus volatil. Le dollar serait une proposition attractive de protection – bien qu’imparfaite – du risque action dans les portefeuilles. De fait, une remontée plus rapide des taux longs américains par rapport à ceux de la zone euro serait un support pour le dollar ces prochains mois.