Olivier Goemans s’interroge sur l’effet possible de la hausse des prix des matières premières sur l’inflation mondiale. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Olivier Goemans s’interroge sur l’effet possible de la hausse des prix des matières premières sur l’inflation mondiale. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Alimentés par la reprise de la demande après les confinements et l’abondance des liquidités à l’échelle mondiale, les prix des matières premières se sont envolés. Olivier Goemans, head of investment services and innovation à la BIL, analyse l’impact possible de cette forte hausse généralisée sur la reprise économique.

Cette année, la principale préoccupation des marchés a été l’inflation, les investisseurs craignant que les mesures de relance budgétaire adoptées dans le cadre de la pandémie ne provoquent une spirale inflationniste à l’échelle mondiale et n’obligent les banques centrales à resserrer leur politique monétaire, ce qui pourrait entraver la reprise économique.

En mai, l’indice des prix à la consommation (IPC) américain est ressorti à 5%, son équivalent pour la zone euro à 2%, et l’IPC des biens de consommation chinois, à 2,5%. Le chiffre le plus marquant du mois est l’indice des prix à la production (IPP) chinois, qui a grimpé de 9%, soit la hausse mensuelle la plus forte depuis septembre 2008.

Les matières premières flambent

Si des facteurs temporaires, tels que des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, entrent en jeu, une grande partie de la pression sur les prix provient de la flambée des cours des matières premières, alimentée par la reprise de la demande au lendemain des confinements et l’abondance des liquidités à l’échelle mondiale.

- Le cuivre a atteint un record de 10.724,50USD/tonne;

- Le zinc a grimpé à son plus haut niveau depuis 2007;

- Le minerai de fer a culminé à 230USD/tonne;

- Le baril de Brent a flirté avec les 70USD, avant d’atteindre ce prix le 1er juin.

Si les prix des matières premières augmentent trop vite, cela peut peser sur l’activité économique. Par exemple, la flambée des prix du bois au premier trimestre de cette année a fait grimper de 36.000 dollars le prix moyen des maisons neuves aux États-Unis en avril, selon les données de la NAHB (National Association of Home Builders). Comme on pouvait s’y attendre, l’activité de construction américaine a marqué un temps d’arrêt, les acheteurs et les constructeurs se rapprochant de la barrière psychologique d’un prix trop élevé, avant que le bois ne connaisse une correction.

Les liquidités internationales abondantes risquent de faire grimper les prix des autres matières premières pendant un certain temps encore. C’est là que les gouvernements pourraient intervenir, à l’instar de la Chine.

Si elle n’est pas maîtrisée, la flambée des prix des matières premières pourrait devenir un véritable problème.
Olivier Goemans

Olivier Goemanshead of investment services and innovationBIL

La Chine se développe plus rapidement que les autres grandes régions et est avide de matières premières. En mai, la hausse de l’IPP a été essentiellement due à l’envolée des prix du pétrole brut, du minerai de fer et des métaux non ferreux. Si elle n’est pas maîtrisée, la flambée des prix des matières premières pourrait devenir un véritable problème, dans la mesure où les entreprises en aval ou du secteur intermédiaire pourraient être incapables d’absorber la hausse des coûts, ce qui exercerait une pression importante sur les marges des producteurs. Si les entreprises devaient commencer à répercuter la hausse des coûts sur les consommateurs, cela pourrait potentiellement mettre en péril la reprise économique.

C’est pourquoi Pékin est intervenue pour tenter de calmer le marché et a déclaré qu’elle entendait:

- renforcer la gestion de l’offre et de la demande de matières premières afin de freiner les hausses de prix «déraisonnables» tout en se penchant sur les achats spéculatifs;

- durcir la surveillance des prix des matières premières et des marchés;

- puiser dans les stocks stratégiques de métaux en annonçant la vente aux industriels de lots de métaux tels que le cuivre et l’aluminium;

- offrir un soutien supplémentaire, incluant une aide aux petites entreprises, en particulier à celles affectées par la hausse des prix des matières premières.

Une pression seulement temporaire?

Sous l’effet des interventions de Pékin et de l’appréciation du dollar suite au ton moins accommodant adopté par le FOMC, aux États-Unis, les prix des matières premières se sont retrouvés sous pression la semaine dernière. Reste toutefois à savoir si cette situation n’est pas que temporaire, dans un contexte de reprise de l’économie mondiale caractérisé par une forte demande. Les mesures prises par la Chine offrent un certain répit aux producteurs chinois, mais le mouvement est également important au niveau mondial. Des hausses constantes des prix des matières premières pourraient alimenter la boucle de l’inflation mondiale, ce qui rendrait la situation encore plus complexe pour les banques centrales.