La première station multi-énergie allemande, à Karlsruhe, pourrait servir de modèle au Luxembourg. Si les discussions s’engageaient avec le ministre et les autres pétroliers. (Photo: Total Germany)

La première station multi-énergie allemande, à Karlsruhe, pourrait servir de modèle au Luxembourg. Si les discussions s’engageaient avec le ministre et les autres pétroliers. (Photo: Total Germany)

Neuf mois après son arrivée au ministère de l’Énergie, Claude Turmes n’a toujours pas répondu à l’invitation de Total à discuter d’une éventuelle station multi-énergie. L’électrique seul ne résoudra pas tout, estime le groupe pétrolier, à l’occasion du 80e anniversaire de sa présence au Luxembourg.

L’image a le charme suranné des beaux cabriolets américains, du rockabilly, des bananes d’Elvis et du coca-cola consommé sans modération. Une famille fait le plein dans une des premières stations Total au Luxembourg: la mère s’occupe d’une petite fille à la robe blanche à volants à l’écart, le mari jette un coup d’œil sur une carte posée sur le capot de sa voiture, qu’un employé de Fina tout de bleu vêtu approvisionne, leur fils regarde les litres défiler sur la pompe.

80 ans après l’arrivée du groupe au Luxembourg, sous la marque Fina en 1939 et Total dans les années 1960, la station est impossible à retrouver. La plaque n°1 est à Frisange, le dépôt de carburants de la rue des Artisans, à Hollerich, a disparu en même temps que le nom de la rue.

Reste l’image, que Total voudrait «gommer» au nom d’un virage «environnemental». Jeudi matin, au deuxième étage de House 17, le nouveau directeur général, Patrick Schnell, entend bien profiter des célébrations du 80e anniversaire de la présence du groupe au Luxembourg pour faire passer un message: il voudrait discuter de l’hypothèse d’une station multi-énergie au Luxembourg avec les autorités. En l’occurrence, le ministre de l’Énergie, (Déi Gréng). Un courrier en ce sens a été envoyé par son prédécesseur, Delphine Persouyre, en début d’année. Resté lettre morte.

L’hydrogène, solution pour stocker

«Au Luxembourg, comme nulle part ailleurs, la solution du futur en matière de carburant ou d’énergie ne viendra pas seulement des batteries», explique ce spécialiste, qui vient de rappeler qu’il a passé sept ans chez Total Allemagne à s’occuper de la question de la place de l’hydrogène pour le projet du gouvernement allemand.

«Imaginer que les batteries électriques vont suffire à remplacer les moteurs à combustion ne peut pas être juste», dit-il, ouvert au dialogue. «Tout simplement parce que l’énergie renouvelable doit être consommée aussitôt si elle n’est pas transformée en hydrogène. Il y a de la perte, oui, de l’ordre de 30%, mais les éoliennes qui tournent dans le vide perdent aussi de l’énergie...»

La station du futur, à l’aéroport de Berlin, où se côtoient pétrole, hydrogène et solaire. (Photo: Total Germany)

La station du futur, à l’aéroport de Berlin, où se côtoient pétrole, hydrogène et solaire. (Photo: Total Germany)

Sous sa conduite, et avec de nombreux autres partenaires extérieurs à Total, l’Allemagne a ouvert ses et à l’aéroport de Berlin-Schönefeld. Par multi-énergie, l’Alsacien, heureux de se rapprocher de ses racines en revenant au Luxembourg, comprend les produits pétroliers classiques, mais aussi l’hydrogène ou les bornes de recharge rapide.

Une subvention européenne déjà dans les cartons

«Oui», finit-il par admettre. «Total est candidat à l’installation d’une station de ce type au Luxembourg... à certaines conditions.» Aucune des nouvelles énergies n’est rentable pour les pétroliers avant une dizaine d’années, mais sans préparer le terrain à une évolution du parc automobile, rien ne pourra se passer.

Total, qui a racheté PitPoint pour développer des stations alternatives, a vu cette dernière être éligible à des subventions européennes, dont une pour une éventuelle station au Luxembourg. Le gouvernement allemand a donné plus d’un milliard d’euros d’aide à ces projets.

Une station de ce type nécessite environ 7 millions d’euros d’investissements contre 4, au Luxembourg, pour une station classique.

L’inconnue Wasserbillig

Lors de la conférence de presse, les dirigeants évoquent la pertinence d’un double hub, un à la frontière avec l’Allemagne et l’autre à la frontière avec la France, plutôt en bordure d’autoroute, on imagine, pour lui permettre d’installer ce type d’infrastructure et d’y associer son quartier administratif, dans lequel travaillent aujourd’hui 65 des 425 collaborateurs du groupe dans les 40 stations-service luxembourgeoises. Les effectifs dans les stations ont triplé en 15 ans et sont principalement des frontaliers (95%, dont 77% de femmes).

En attendant de savoir si elle aura une nouvelle concession à Wasserbillig, Total poursuit sa transformation pour «devenir le leader de l’énergie responsable» et développe ses bornes de recharge électrique rapide, ses solutions de gaz naturel liquéfié ou comprimé et ses solutions d’hydrogène. Elle équipera à court terme 1.000 stations en Europe de panneaux solaires. Douze stations luxembourgeoises sont déjà concernées.

Le directeur général de Total Luxembourg, Patrick Schnell; son directeur services aux professionnels, Eric Bleyer; sa directrice des ressources humaines, Sofie Maene; et son directeur réseaux et moyens généraux  Henri Pleimling , jeudi matin, lors de la conférence de presse. (Photo: Paperjam)

Le directeur général de Total Luxembourg, Patrick Schnell; son directeur services aux professionnels, Eric Bleyer; sa directrice des ressources humaines, Sofie Maene; et son directeur réseaux et moyens généraux Henri Pleimling , jeudi matin, lors de la conférence de presse. (Photo: Paperjam)

À côté de lui, son nouveau directeur des services aux professionnels, Eric Bleyer, s’inscrit lui aussi dans ce virage, puisqu’il ne s’agit plus d’être un leader des cartes de carburants classiques, mais d’évoluer vers des services de flottes et de mobilité.

À 80 ans, la vieille dame a envie de passer largement la barre des centenaires. Et en attendant que le courant soit établi entre elle et le ministre de l’Énergie, elle termine la station sécurisée des CFL à Bettembourg et celle de Pontpierre, arrachée à Shell pour le premier trimestre 2021. Avec l’appétit d’une adolescente.

Quelques chiffres-clés annuels

- 350 millions d’euros de TVA et accises

- 320.000 sandwiches

- 3.000 références en station

- 140.000 voitures lavées

- 420.000 visites sur total.lu

- 38.000 livraisons et 30 camions sur la route pour le carburant

- 30.000 cartes pétrolières «Total Cards Luxembourg, Benelux et Europe»

- 2.000 télébadges pour poids lourds

- 425 salariés au siège et 40 stations-service