Début juillet, Patrick Schnell a fait jouer sa clause de «mobilité internationale», qui permet aux salariés de Total de migrer vers de nouveaux horizons, tous les trois à cinq ans. Directeur des ventes dans la division Lubrifiants de Total Allemagne, le remplaçant de Delphine Persouyre défend avec ferveur l’idée d’une transition environnementale des pétroliers.
Monsieur Schnell, être muté au Luxembourg quand on travaille chez Total depuis 1990, ça ne ressemble pas forcément à une promotion...
Patrick Schnell. – «Je suis passé par toutes les étapes, les réseaux, les carburants alternatifs, le développement durable. Je trouve au contraire très naturel d’évoluer un peu vers une fonction qui regroupe toutes les fonctions précédentes. Je suis Alsacien, j’ai fait mes études à Metz et à Strasbourg et, après 25 ans un peu partout, je suis très content de revenir un peu vers cette région. Je n’ai que 50 ans, ce n’est pas mon dernier poste non plus.
Au Luxembourg, les pétroliers protègent assez leurs données sensibles. Pourriez-vous nous dire quel est le périmètre de la structure que vous gérez?
«Nous avons plus de 400 employés, ce qui fait de nous un des plus gros pétroliers du Luxembourg, avec un réseau d’une quarantaine de stations-service, auxquelles il va falloir ajouter celle des CFL à Bettembourg avant la fin de l’année et celle de Pontpierre que nous avons reprise à Shell, au printemps prochain probablement. Nous sommes également leaders sur le marché du mazout de chauffage et nous alimentons les stations en marque blanche en carburants.
C’est à la société luxembourgeoise de définir quelle politique elle veut mener, ce n’est pas notre rôle.
La colère gronde et la mobilisation augmente sans cesse autour des questions environnementales. Les pétroliers font partie des secteurs qui devront le plus se réinventer...
«Tout cela est en train de bouger énormément... mais c’est au cœur de notre stratégie! Nous voulons devenir les leaders de l’énergie responsable! Nous allons investir 1,5 à 2 milliards d’euros par an en Europe pour proposer de l’énergie à base de ressources renouvelables, des carburants à basse empreinte carbone comme le gaz naturel, et nous reverrons nos modes de distribution. L’objectif est d’avoir huit millions de clients de ces produits d’ici 2025. Un plan qui se décline aussi à l’international.
Et au Luxembourg, comment cela se décline-t-il?
«Par exemple, nous équipons de panneaux solaires 1.000 de nos stations-service en Europe. C’est le cas pour 12 des 40 que nous avons au Luxembourg. Six sont déjà raccordées sur le réseau électrique. Les six autres le seront à court terme et nous allons continuer sur cette voie. Nous travaillons sur beaucoup d’autres initiatives, en rachetant ou en créant de nouvelles entreprises. Comme la reprise de la néerlandaise PitPoint en 2017, pour développer notre réseau de stations qui distribuent du gaz à air comprimé ou du gaz naturel liquéfié pour les camions. Nous venons de gagner l’appel d’offres pour la ville d’Amsterdam.
Vous arrivez alors que le gouvernement a augmenté les accises dans le but de diminuer le tourisme de l’essence, qui fait certes rentrer des taxes, mais coûte cher en certifications de compensation carbone. Ça ne doit pas aider au développement du business...
«Ça se regarde de deux manières. D’abord, ça n’a pas d’effet sur la pollution, ça ne fait que la déplacer d’un point à l’autre. Et encore, peu de stations sur cet axe sont équipées pour accueillir des poids lourds correctement... Mais c’est à la société luxembourgeoise de définir quelle politique elle veut mener, ce n’est pas notre rôle.
Toutes les énergies ont leur place au Luxembourg parce que les nouvelles énergies mettront des années avant de décoller.
Même au sein du groupement des pétroliers?
«C’est certain que le groupement des pétroliers ne sera jamais en faveur d’une hausse des accises. Mais ce n’est pas notre décision. C’est celle de la population luxembourgeoise.
Quelle est votre ambition, en tant que directeur général de Total Luxembourg?
«Être partie prenante de la transition énergétique. Les multi-énergies, les partenariats sur l’hydrogène, j’ai eu le temps de travailler sur ces thèmes et j’ai envie d’amener ces savoir-faire au Luxembourg. L’hydrogène ou les bornes de recharge rapide, ce sont des solutions qu’il est idiot de développer chacun dans son coin. Il faut beaucoup d’investissements pour aucune rentabilité les premières années. Nous voudrions avoir une discussion avec toutes les autorités impliquées, le gouvernement, mais aussi les villes, les régions, les utilisateurs.
Toutes les énergies ont leur place au Luxembourg parce que les nouvelles énergies mettront des années avant de décoller. Et le Luxembourg restera dans l’axe de transit. Total est là depuis 80 ans et a bien l’intention d’être là dans 80 ans! On a beaucoup de choses à proposer. Quelle évolution, dans quel espace-temps? Tout le monde est dans le flou. Il y a beaucoup d’hypothèses et c’est à nous de nous adapter à ce marché qui change. Nous nous y préparons.»