Pour Fernand Kartheiser, il ne faut pas oublier que «le Luxembourg a un long passé industriel, sa richesse s’est construite sur ce secteur et le souvenir de cette époque reste profondément ancré dans la mémoire collective.»  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archive)

Pour Fernand Kartheiser, il ne faut pas oublier que «le Luxembourg a un long passé industriel, sa richesse s’est construite sur ce secteur et le souvenir de cette époque reste profondément ancré dans la mémoire collective.»  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archive)

Quel est l’avenir industriel du Luxembourg? Quelle place doit occuper ce secteur dans le développement économique? Qu’est-ce que l’industrie durable? Suite à l’échec du projet Fage, Paperjam a sollicité tous les partis luxembourgeois par rapport à ces questions…

(ADR) sera officiellement, dans quelques jours, le nouveau chef de la fraction de l’ADR à la Chambre. Il apporte les réponses du parti aux questions posées autour du futur de l’industrie au Luxembourg.

Quelles sont les responsabilités dans le cadre de l’échec du dossier Fage?

Fernand Kartheiser. – «Le projet Fage aurait dû être écarté dès les premiers contacts avec cette entreprise. Il s’inscrivait mal dans le paysage industriel du pays, n’apportait pas de plus-value réelle et nécessitait des ressources disproportionnées par rapport aux avantages escomptés. Si la responsabilité première de l’échec incombe sans doute au ministre de l’Économie de l’époque, il reste que la politique gouvernementale n’a pas été coordonnée et que chacun des deux partis politiques principalement concernés (LSAP et Déi Gréng) n’a poursuivi que ses propres buts. L’image du Luxembourg en a certainement souffert dans les milieux industriels.

Un dossier industriel peut-il encore faire consensus au Luxembourg?

«Il est certain qu’il est devenu plus difficile de réaliser un projet industriel au Luxembourg. Néanmoins, un projet économiquement viable sur le long terme, écologiquement durable et socialement responsable devrait toujours pouvoir aboutir. Le Luxembourg a un long passé industriel, sa richesse s’est construite sur ce secteur et le souvenir de cette époque reste profondément ancré dans la mémoire collective. Ceci devrait toujours avoir une influence favorable pour les projets industriels contemporains.

 Faut-il recréer un comité de concertation interministériel? Désigner un coordinateur entre les ministères?

«L’ADR n’est favorable ni au foisonnement de structures bureaucratiques ni à une planification excessive, d’ailleurs régulièrement désavouée par le cours de l’Histoire. Le guichet unique que nous préconisons pour procéder à un premier examen d’un projet industriel devrait suffire à améliorer la situation au niveau administratif. La suite des procédures dépend du cadre légal, de l’exercice loyal et intègre des responsabilités ministérielles dans les ressorts respectifs, mais souvent aussi de la volonté politique des principaux intervenants. Il faut souligner à cet égard que l’obstruction procédurale pratiquée délibérément par les Verts est une forme d’abus de pouvoir qu’ils pratiqueront invariablement tant qu’ils seront au gouvernement.  

Le Haut Comité pour l’industrie créé en 2013 a-t-il encore du sens? Que pensez-vous de son action?

«La création de ce Haut Comité était une initiative intéressante, destinée à donner une nouvelle impulsion à la politique industrielle. Les difficultés actuelles tendent plutôt à confirmer l’utilité potentielle d’une telle instance. C’est pourquoi l’ADR ne demande ni l’abolition de ce comité, ni des changements dans sa composition ou de ses missions, mais espère que ce comité pourra contribuer à donner un nouvel élan au développement économique du Luxembourg.   

L’État doit mener une politique qui permette aux entreprises d’évoluer dans des conditions favorables, par exemple en leur  facilitant l’accès aux marchés internationaux.
Fernand Kartheiser

Fernand Kartheiserchef de fraction ADR

 L’étude Rifkin est-elle à mettre aux oubliettes?

«L’étude Rifkin est un document qui propose des pistes de développement dans plusieurs secteurs-clés, y compris le monde industriel. Certaines d’entre elles gardent leur pertinence et méritent d’être mises en œuvre. D’autres idées contenues dans cette étude n’ont jamais été adaptées à la réalité de notre pays. L’étude Rifkin n’est qu’un élément parmi d’autres qui peuvent contribuer à mieux imaginer et façonner le Luxembourg de demain.  

 Qu’est-ce que l’industrie du futur pour vous? Qu’est-ce que l’industrie durable à vos yeux?

«L’ADR est un parti qui défend la liberté des entreprises et refuse le dirigisme planificateur. Le rôle de l’État est principalement régulateur, par exemple dans les domaines de la politique sociale, fiscale ou environnementale. L’État doit mener une politique qui permette aux entreprises d’évoluer dans des conditions favorables, par exemple en leur facilitant l’accès aux marchés internationaux. Dans sa politique industrielle, il ne doit pas négliger les intérêts des petites et moyennes entreprises.

Le rôle de la politique industrielle est, entre autres, de favoriser et de soutenir l’innovation scientifique et technologique. Les entreprises actives dans les secteurs de pointe (tels que l’électronique, l’industrie chimique et pharmaceutique, l’aéronautique, l’espace extra-atmosphérique, l’informatique, les technologies de l’environnement, la mobilité, la production d’énergie) sont d’un intérêt particulier. Les industries actives dans la médecine et la biotechnologie sont également intéressantes, sous condition d’observer les normes éthiques les plus strictes.

La durabilité d’une entreprise repose d’une part sur ses résultats économiques et d’autre part sur ses performances sociales et écologiques. Souvent, elle nécessite aussi la recherche de synergies avec d’autres entreprises ou des centres de recherche.

Le projet Google n’a pas encore convaincu l’ADR. Comme dans le projet Fage, des considérations de prestige semblent avoir prévalu sur une analyse objective du dossier.
Fernand Kartheiser

Fernand Kartheiserchef de la fractionADR

Qu’est-ce qui fait sens au niveau des emplois industriels? Que pensez-vous de l’affirmation du vice-Premier ministre  (Déi Gréng) comme quoi l’industrie ne doit pas être là pour fournir des emplois frontaliers?

«En raison de l’exiguïté du Grand-Duché, le site industriel luxembourgeois doit être conçu et organisé dans une perspective régionale. S’il est normal que les résidents doivent avoir une certaine priorité à qualification égale, rien n’empêche, aux yeux de l’ADR, de recourir à l’emploi transfrontalier si besoin.

Ici encore, il convient de souligner l’apport des PME, importantes créatrices d’emplois et porteuses d’innovations.

Soucieux de garantir le plein-emploi et d’attirer des entreprises de pointe, l’État doit veiller, si nécessaire en coopération avec les secteurs concernés, à l’adéquation entre le niveau de la formation professionnelle et les besoins du marché de l’emploi.

 L’arrivée de Google à Bissen reste-t-elle une bonne idée?

«Ce projet n’a pas encore convaincu l’ADR. Comme dans le projet Fage, des considérations de prestige semblent avoir prévalu sur une analyse objective du dossier. Les arguments en faveur d’une présence d’un data center de Google restent somme toute assez nébuleux et d’ordre plutôt politique alors que les désavantages du projet sont bien concrets, parfaitement identifiés et sont malheureusement légion.

Pourquoi les plans sectoriels très attendus et annoncés de longue date ne sortent-ils pas du ministère?

 «Cette question devrait plutôt être posée au gouvernement.»

Ce jeudi, retrouvez les réponses de David Wagner (Déi Lénk).