Pour les deux coprésidents de Déi Gréng, «la stratégie Rifkin doit servir comme vision centrale du développement économique et industriel de notre pays». (Photo: Maison Moderne)

Pour les deux coprésidents de Déi Gréng, «la stratégie Rifkin doit servir comme vision centrale du développement économique et industriel de notre pays». (Photo: Maison Moderne)

Quel est l’avenir industriel du Luxembourg? Quelle place doit occuper ce secteur dans le développement économique? Qu’est-ce que l’industrie durable? Suite à l’échec du projet Fage, Paperjam a sollicité tous les partis luxembourgeois par rapport à ces questions…

et , coprésidents de Déi Gréng, sont les premiers à apporter leurs réponses aux questions posées autour du futur de l’industrie au Luxembourg.

Quelle est votre vision de la politique industrielle qui doit être menée au Luxembourg?

Djuna Bernard et Meris Sehovic. – «En tant que Déi Gréng, notre vision de la politique industrielle est claire: faire avancer l’économie verte vers la neutralité climatique à l’horizon 2050. Malgré l’importance de la crise sanitaire actuelle, nous sommes tous conscients que nous devons combattre en même temps une crise climatique et environnementale qui, si nous n’agissons pas, risque de mettre en péril nos vies et celle de nos descendants. Il y a urgence, et c’est une tâche qui incombe à la société dans son ensemble, y compris aux entreprises et à l’industrie.

Mais nous considérons une politique climatique ambitieuse aussi comme un moteur de l’innovation. Nous sommes persuadés que cette vision est aujourd’hui largement partagée par la population et qu’elle est aussi incontestée par un grand nombre d’acteurs économiques. En effet, un sondage représentatif d’Atoz publié récemment le confirme: une majorité des personnes interrogées considère notre impact sur l’environnement et le climat comme la première priorité politique.

Qu’est-ce que l’industrie du futur pour vous et qu’est-ce que l’industrie durable à vos yeux? La tant vantée stratégie Rifkin est-elle à mettre aux oubliettes?

«Avec la stratégie Rifkin, nous avons mis la digitalisation et la durabilité au centre du développement économique du pays, et donc aussi au centre de la politique industrielle, avec l’ambition de faire du Luxembourg un centre industriel durable et digital d’excellence. La troisième révolution industrielle n’est donc en aucun cas à mettre aux oubliettes.

Au contraire, la stratégie Rifkin doit servir comme vision centrale du développement économique et industriel de notre pays. Pour cela, nous devons d’un côté rendre plus durables les activités industrielles déjà présentes au Grand-Duché en misant sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l’économie circulaire. Plusieurs de nos grands industriels ont déjà entamé ce processus, notamment les ‘big players’ actifs dans la sidérurgie qui envisagent de passer à la production d’acier zéro carbone jusqu’en 2050 en ayant recours à de l’hydrogène vert produit à partir d’énergies renouvelables. Des projets pilotes sont déjà prévus.

De l’autre côté, lorsque de nouvelles entreprises industrielles veulent s’implanter au Luxembourg, nous devons faire en sorte que ces industries s’insèrent dans la stratégie de développement économique, profitent des potentiels de synergie avec les acteurs économiques existants et ne mettent pas en péril les biens communs indispensables, comme l’accès à l’eau potable par exemple.

Il est possible d’avoir une vaste approbation pour un dossier industriel aussi bien au niveau national qu’au niveau communal et auprès du grand public.

Djuna Bernard et Meris SehoviccoprésidentsDéi Gréng

Un dossier industriel peut-il encore faire consensus au Luxembourg?

«Nous pensons que, lorsqu’un projet industriel s’insère dans la stratégie de développement économique durable de notre pays et que son impact sur les ressources est raisonnable, il est possible d’avoir une vaste approbation pour un dossier industriel aussi bien au niveau national qu’au niveau communal et auprès du grand public. La consultation citoyenne et le dialogue sont, à mon avis, des facteurs essentiels afin de garantir l’acceptation de la société. Ce qui ne fait évidemment pas consensus, c’est lorsque des projets se trouvent en opposition flagrante avec la nécessité de transformer notre économie vers plus de durabilité.

La Fedil estime que dans un dossier comme celui de Fage, les délais administratifs devraient être réduits à six mois. Qu’en pense Déi Gréng?

«Lorsqu’on parle de réduire les délais administratifs, il ne faut pas oublier que la plupart des procédures administratives ont été établies pour protéger les citoyens. Il faut absolument préserver leur qualité, tout en permettant des délais administratifs raisonnables. Déjà aujourd’hui, les délais peuvent être beaucoup plus raisonnables lorsque les dossiers sont complets dès leur introduction. En outre, la mise en œuvre des plans sectoriels permettra une accélération des procédures. Actuellement, ces plans sont avisés par le Conseil d’État.

À l’avenir, nous pouvons par exemple éviter des controverses comme celle autour du projet Fage par l’introduction d’un ‘contrôle de durabilité’ sous la participation des différents ministères concernés.

Djuna Bernard et Meris SehoviccoprésidentsDéi Gréng

Faut-il recréer un comité de concertation interministériel? Désigner un coordinateur entre les ministères?

«Les besoins de stabilité et de prévisibilité des entreprises nécessitent une politique de développement durable cohérente et transversale. Il faut alors se donner les instruments appropriés pour assurer des actions gouvernementales concertées. À l’avenir, nous pouvons par exemple éviter des controverses comme celle autour du projet Fage par l’introduction d’un ‘contrôle de durabilité’ sous la participation des différents ministères concernés et soumettre la promotion de nouvelles entreprises industrielles à une évaluation en amont.

Le Haut Comité pour l’industrie créé en 2013 a-t-il encore du sens? Que pensez-vous de son action?

«Il est clair que la transition du secteur industriel luxembourgeois ne se fera pas sans le dialogue constant avec les acteurs de l’industrie. Dans ce sens, le Haut Comité pour l’industrie est censé faire le diagnostic des forces et faiblesses de l’industrie luxembourgeoise et de formuler des recommandations pour les décideurs politiques.

Qu’est-ce qui fait sens au niveau des emplois industriels: le nombre? La spécificité? La technicité?… Que pensez-vous de l’affirmation de comme quoi l’industrie ne doit pas être là pour fournir des emplois frontaliers?

«Tout d’abord, il ne faut pas réduire la plus-value d’un projet industriel au nombre d’emplois qu’il crée. Il faut, en effet, aussi considérer les autres impacts positifs et négatifs d’un projet. Dans ce sens, il faut notamment se poser la question de savoir si le projet en question crée une valeur ajoutée dans le domaine de l’économie circulaire, s’il s’insère dans un écosystème déjà présent et s’il a un impact considérable sur l’environnement.

La création d’emplois reste évidemment un facteur important. Cependant, celui-ci ne devrait pas être le seul à être pris en compte.

Il nous semble évident que lorsqu’un projet est discuté, il faut aussi prendre en considération si le marché du travail offre la main-d’œuvre requise pour les emplois créés. La disponibilité de main-d’œuvre à une échelle locale réduit notamment la nécessité pour les employés de faire de longs trajets, ce qui s’avère aussi bénéfique au niveau du bien-être au travail et de l’impact environnemental et climatique.»

Ce mardi, retrouvez les réponses de (CSV).