Le directeur général de Predictice, Louis Larret-Chahine, qui a déjà séduit des cabinets d’avocats connus au Luxembourg, comme Linklaters ou Allen & Overy, espère atteindre 20.000 décisions inédites de justice luxembourgeoises dans sa base de données à brève échéance. (Photo: Predictice)

Le directeur général de Predictice, Louis Larret-Chahine, qui a déjà séduit des cabinets d’avocats connus au Luxembourg, comme Linklaters ou Allen & Overy, espère atteindre 20.000 décisions inédites de justice luxembourgeoises dans sa base de données à brève échéance. (Photo: Predictice)

Des trésors dorment dans les études d’avocats luxembourgeoises. Des trésors pour les legaltech, ces start-up qui rêvent de révolutionner le monde du droit. Après Foyer et Arendt & Medernach, la française Predictice a convaincu Philippe & Partners de sa solution.

L’équation est simple en apparence: pour devenir le «Google du droit» – comme en rêve le directeur général de Predictice, Louis Larret-Chahine –, il faut pouvoir offrir à ceux que ça intéresse le maximum de décisions de justice. La réalité est plus cruelle. Non seulement la legaltech n’est pas la seule sur le marché, mais les décisions de justice sur papier dorment dans les études luxembourgeoises, que ce soit de petits cabinets d’avocats au rythme des affaires qu’ils parviennent à défendre ou des grosses armadas au rythme de la digitalisation de ces «assets» inattendus.

«Nous rêvons d’avoir 15.000 à 20.000 décisions inédites de justice numérisées et accessibles via notre plate-forme», confie du bout des dents M. Larret-Chahine. Son principal concurrent, LexNow, de Legitech, affirme en avoir déjà 15.900, sans distinguer jugements ou arrêts. Mais surtout, l’État a entrepris un gros travail de digitalisation et avait montré ses muscles, fin 2019, en annonçant 43.000 décisions de justice sur le site justice.public.lu – dont 29.500 fiches de décisions de justice reprenant les extraits de décisions présentant un intérêt juridique et 13.500 décisions intégrales pseudonymisées, rendues par la Cour supérieure de justice, les deux tribunaux d’arrondissement et les trois justices de paix, sans même parler des arrêts de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation et des juridictions administratives déjà accessibles en ligne.

Le fondateur de préfère regarder les cabinets luxembourgeois qu’il a déjà convaincus – Arendt & Medernach, Bonn, Steichen and Partners, Schiltz & Schiltz et, récemment, Philippe & Partners – sans oublier la jurisprudence récupérée chez Foyer, que la start-up avait rencontré en novembre 2019 au cours du troisième hackathon du groupe luxembourgeois.

Une IA efficace à 94%

«Il est difficile de savoir combien de décisions dorment dans les cabinets d’avocats. Mais faute d’être numérisées, elles sont plus difficiles à mobiliser en cas de besoin. Il y a aussi beaucoup de petits cabinets qui n’en ont ni les moyens ni la technologie», explique le Français. Car le nœud de la guerre est là, dans la possibilité pour des avocats d’effectuer des recherches dans une base de données pour savoir à la fois comment certains moyens de droit ont été développés et ce qu’ils ont produit ou pas comme résultat. Et donc accélérer le montage de plaidoiries pour des clients.

Le prix de base de la licence est de 159 euros par mois et par utilisateur, mais tout est fonction de l’alimentation de la base de données, évidemment. En un à trois jours, la start-up se déplace et collecte, numérise, élimine les doublons – puisqu’au moins deux cabinets ont le même jugement –, prépare le stockage. L’intelligence artificielle, basée sur la sémantique, va quant à elle gérer la pseudonymisation des données. Taux de réussite de cette manipulation? «94%», assure le directeur général de la start-up, «c’est un sujet auquel nous avons consacré trois millions d’euros».

Et le candidat au Google du droit aimerait bien essaimer ailleurs qu’en France ou au Luxembourg, mais la Belgique compte près de 17.000 avocats (contre 71.000 en France) et est un marché en deux langues, ce qui complique encore l’essor. Mais l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou la Pologne pourraient être de nouveaux terrains de jeu.

La start-up, qui a levé 5 millions d’euros en juillet 2019, voit sa croissance s’accélérer et ses frais diminuer. Chaque mois, son chiffre d’affaires augmente de 5 à 7%, dit encore le jeune entrepreneur. 2.000 cabinets d’avocats et directeurs juridiques utilisent les services de la start-up. Et parfois des noms qui sont aussi connus au Luxembourg, comme Allianz, Allen & Overy, Linklaters ou Clifford Chance.