Amazon Prime, Disney+ et Netflix, trois des opérateurs disponibles au Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Amazon Prime, Disney+ et Netflix, trois des opérateurs disponibles au Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Chez nos voisins, la transposition de la dernière directive européenne sur l’audiovisuel va imposer aux plateformes de vidéo à la demande une contribution obligatoire sur les productions nationales et européennes. Pas au Luxembourg. Explications.

Toute l’Europe, ou presque, est en retard. Actualisée en 2018, la nouvelle mouture de la directive européenne SMA (pour «services médias audiovisuels») devait être transposée dans les différents pays de l’Union pour le 19 septembre dernier. Or, à la fin du mois de novembre, ils n’étaient que quatre (Danemark, Hongrie, Pays-Bas et Suède) à l’avoir fait.

Si, souvent, les sujets traités dans les actes législatifs de l’Union européenne restent assez flous pour le grand public, cette directive-là est plus concrète. Elle régit ainsi notamment, à l’échelle de l’UE, les médias audiovisuels, qu’il s’agisse des émissions de télévision traditionnelles ou des services de médias audiovisuels à la demande. En d’autres termes, les chaînes de télé «classiques» et les «nouvelles» plateformes comme Netflix, Disney+, Amazon Prime…

En France, on parle de 150 à 200 millions d’euros

Si beaucoup d’États membres ont donc du retard en matière de transposition de cette directive, des projets de loi sont en route un peu partout. Et notamment au Luxembourg. Celui-ci, déposé en août dernier, devrait être voté la semaine prochaine à la Chambre. Chez nos voisins aussi, on se trouve dans la dernière ligne droite.

En Belgique comme en France, un thème a d’ailleurs fait les gros titres ces dernières semaines: la contribution obligatoire que la directive SMA permet d’imposer aux plateformes en matière de financement de productions audiovisuelles locales et européennes. On souhaite ainsi profiter au maximum de l’impressionnante expansion de ces plateformes. Une orientation intéressante quand on voit que les productions propres d’un opérateur comme Netflix sont passées de quatre milliards de dollars en 2015 à 20 milliards de dollars en 2020. Dans l’Hexagone, il va ainsi être demandé à Netflix et ses concurrents d’investir entre 20 et 25% de leur chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national dans des créations françaises ou européennes. Ce qui pourrait générer entre 150 et 200 millions d’euros.

En Wallonie, on a été moins gourmand à ce niveau-là. Un parlementaire qui suit de près ce dossier, Olivier Maroy (MR), parlait ainsi récemment dans les journaux du groupe Sudpresse d’«un maximum de 2,2% du chiffre d’affaires local», tout en évoquant «un minimum de 4 millions d’euros». Ajoutant que 10% du contenu proposé localement par les différentes plateformes devra avoir été produit sur ce territoire – un chiffre impressionnant. On peut se demander si cela est réaliste, quand on connaît la profondeur de catalogue d’un Netflix ou d’un Amazon Prime. Ce qui pousse à se demander si ce genre de mesure ne risque pas de faire fuir ces plateformes?

Un effet pervers pour les citoyens?

C’est d’ailleurs une réflexion du même genre qui a poussé le Luxembourg à ne pas se servir des largesses laissées par la directive SMA pour imposer à son tour une taxe.

«La nouvelle directive donne aux États membres la possibilité d’imposer des obligations de cofinancement aux fournisseurs de services de médias audiovisuels établis dans un autre État membre. Cette contribution financière à la production audiovisuelle doit être calculée sur la base des recettes perçues dans les États membres ciblés par ces fournisseurs de services de médias audiovisuels», explique-t-on ainsi au Service média et communication de l’État luxembourgeois. «Étant donné l’exiguïté du marché luxembourgeois, il serait possible que les fournisseurs souhaitent éviter de payer cette taxe et les frais administratifs supplémentaires. Imposer des contributions financières aux prestataires étrangers pourrait avoir comme effet pervers de limiter l’offre audiovisuelle pour les résidents luxembourgeois.»

En d’autres termes, on craignait que certaines plateformes n’offrent plus leur service chez nous en riposte à la contribution qui leur serait demandée.

Un autre financement de l’audiovisuel

«Il faut aussi se dire que, vu la taille du pays, cela n’aurait pas généré beaucoup d’argent», glisse , le directeur d’un Film Fund Luxembourg qui fonctionne sous la tutelle des ministres des Médias et de la Culture. «Si nous avions été plus grands, la direction prise aurait sans doute été différente. On peut d’ailleurs se souvenir qu’à la base, c’est la taille de notre marché, le fait qu’il ne possède pas de chaînes de télévision qui investissent réellement dans l’audiovisuel, de distributeurs… qui ont poussé les gouvernements successifs à décider de soutenir directement ce secteur.» Une aide que l’on peut évaluer aujourd’hui à 40 millions d’euros par an, à investir dans le développement de l’audiovisuel. «De quoi vivre et se développer correctement», conclut Guy Daleiden.