Les politiques d’investissement de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) sont considérées comme «très faibles» par l’ONG Reclaim Finance, qui note en outre le manque de transparence de la BCL à ce sujet. (Photo: Christophe Lemaire/Paperjam)

Les politiques d’investissement de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) sont considérées comme «très faibles» par l’ONG Reclaim Finance, qui note en outre le manque de transparence de la BCL à ce sujet. (Photo: Christophe Lemaire/Paperjam)

Selon un rapport de l’ONG Reclaim Finance, la Banque centrale du Luxembourg, comme la plupart des banques centrales du G20 et de la zone euro, a une politique d’investissement climatique «très faible» et «opaque», dont la trajectoire est bien loin de s’aligner sur les objectifs de l’accord de Paris.

«Inexistantes», «opaques», «ne tiennent pas compte des impacts environnementaux»: les conclusions du rapport de l’ONG Reclaim Finance, qui s’est penchée sur les politiques d’investissement responsable (ISR) des banques centrales du G20 et de la zone euro, sont sans appel.

Intitulé «Below the radar: central banks investing unsustainably», le rapport, publié le 24 novembre, a analysé les politiques de 37 banques centrales. Or, selon celui-ci, «seule une poignée d’entre elles appliquent des restrictions, même minimes, à leurs investissements dans les énergies fossiles et une seule a des critères crédibles pour aligner ses portefeuilles non monétaires sur l’accord de Paris», constate le rapport.

De fait, seules 14 banques centrales – toutes européennes – se sont engagées à investir de manière responsable. Et 4 seulement – la France, l’Allemagne, la Slovénie et la Suisse – ont adopté certaines restrictions sur les énergies fossiles.

Si la Banque de France fait figure de bon élève – la seule prenant «sérieusement en compte la problématique climatique dans ses politiques d’investissement», selon le rapport –, la Banque centrale du Luxembourg (BCL) ne brille pas en la matière. Ses politiques ISR sont considérées comme «très faibles» par le rapport.

Des «green bonds» insuffisants

Surtout, la BCL est considérée comme utilisant deux types d’«astuces» pour paraître «responsable tout en continuant à soutenir de gros pollueurs», souligne le rapport. La première étant l’achat de «green bonds». «Les réserves de changes sont désormais presque entièrement investies en obligations vertes ou dans d’autres investissements durables et responsables», déclarait d’ailleurs la BCL, le 3 novembre, dans le cadre de la COP26. «Les investissements en obligations vertes du fonds [de pension de la banque] représentaient 28% de tous les investissements en obligations à la fin de 2020, un pourcentage que la BCL entend encore augmenter», ajoutait-elle.

Néanmoins, «l’achat de ‘green bonds’ ne peut pas se substituer à une réelle politique climatique», explique le rapport de Reclaim Finance. «Les acteurs financiers peuvent acheter des ‘green bonds’ mais aussi financer massivement de gros pollueurs, avec un impact global très négatif sur l’environnement.»

Opacité

Deuxième «astuce» citée par le rapport: l’opacité. Selon le rapport, la BCL fait partie de ces banques centrales qui «ne publient que peu ou pas d’informations sur leurs politiques ISR. Elles se contentent de dire qu’elles appliquent des politiques ISR, sans décrire les critères – ni même l’objectif – qu’elles fixent.»

Pour l’ONG Reclaim Finance, le constat s’impose: «Simplement déclarer que la banque prend en considération les politiques ISR sans détailler l’approche et les critères de la banque suggère que cette banque fait du greenwashing, ce qui ne saurait être toléré aujourd’hui pour les institutions financières privées».

Déclaration à la COP26

Interrogée sur les conclusions de ce rapport par Paperjam, la BCL n’a pas répondu directement aux questions posées. Elle a simplement renvoyé vers sa déclaration publiée le 3 novembre lors de la COP26, assurant que celle-ci illustre ses «engagements clairs en matière de publicité sur ses investissements responsables».

Outre les investissements dans des obligations vertes précitées, la déclaration assure que «la BCL continue d’augmenter la part des fonds propres investis selon les principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)». Par ailleurs, «les investissements du fonds de pension de la banque ont également été orientés vers des actifs durables, plus de 80% des investissements en actions du fonds étant conformes aux principes ESG». En outre, la BCL assure que ses investissements «sont régulièrement contrôlés sur la base des données fournies par un consultant externe spécialisé dans l’analyse ESG».

Décarboner les portefeuilles monétaires

Ces déclarations ne concernent que les politiques d’investissement des portefeuilles autres que ceux détenus à des fins de politique monétaire. Concernant la politique monétaire, la BCL indique seulement qu’elle «contribue au plan d’action et à la feuille de route de l’Eurosystème visant à poursuivre l’intégration des questions liées au changement climatique dans le cadre de la politique monétaire» et «participe aux travaux du NGFS sur la politique monétaire et le changement climatique».

Pourtant, «l’effet de la décarbonation des portefeuilles monétaires serait bien plus important que celui des portefeuilles non monétaires», précise Reclaim Finance. Cependant, celui-ci «entraîne souvent de longs débats» et «permet aux banques centrales de se cacher derrière leur mandat», précise l’ONG. La BCL assure toutefois dans sa déclaration qu’elle s’efforcera «de commencer à publier les informations relatives au climat de ses portefeuilles autres que ceux détenus à des fins de politique monétaire d’ici 2023».

Reclaim Finance insiste sur le fait que «les banques centrales peuvent et doivent décarboner leurs portefeuilles politiques». Mais que le faire pour les portefeuilles non monétaires est un préalable, d’autant plus qu’il s’agit d’«une étape facile et peu controversée». Mais encore bien loin d’être réalisée.