Pour la BCE, il est essentiel d’opérer une transition précoce et progressive, afin de pouvoir atténuer le coût de la transition verte et l’impact futur des catastrophes naturelles.  (Photo: Shutterstock)

Pour la BCE, il est essentiel d’opérer une transition précoce et progressive, afin de pouvoir atténuer le coût de la transition verte et l’impact futur des catastrophes naturelles.  (Photo: Shutterstock)

La BCE publie les résultats de son premier stress test climatique appliqué à l’économie européenne et tire la sonnette d’alarme. 

L’exercice, publié dans la revue ECB («Economy-wide climate stress test»), a permis de tester l’impact du changement climatique sur plus de 4 millions d’entreprises dans le monde et 1.600 banques de la zone euro dans le cadre de trois scénarios différents de politique climatique.

Si le rapport est très technique, son message politique n’en est pas moins limpide: il faut enclencher au plus vite la transition vers une économie zéro carbone. «Sans politiques de transition vers une économie plus verte, les risques physiques augmenteront au fil du temps. Ils augmenteront de manière non linéaire et, en raison de la nature irréversible du changement climatique, cette augmentation se poursuivra dans le temps. Il est essentiel d’opérer une transition précoce et progressive, afin de pouvoir atténuer le coût de la transition verte et l’impact futur des catastrophes naturelles», déclare ainsi Luis de Guindos, vice-président de la BCE, dans un communiqué accompagnant la publication de l’étude. «Les résultats montrent que les entreprises et les banques bénéficient clairement de l’adoption précoce de politiques vertes pour favoriser la transition vers une économie sans carbone», conclut la banque centrale.

Risque physique et risque de transition

Si les choses continuaient en l’état, la BCE a identifié deux risques majeurs.

Le premier est physique, lié à l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des catastrophes naturelles. Les usines de production situées dans des zones exposées aux risques naturels pourraient alors subir des dommages importants qui pourraient aller jusqu’à entraîner une faillite. «En Europe, les risques physiques sont inégalement répartis, les régions du nord étant plus sujettes aux inondations et les régions du sud plus exposées au stress thermique et aux incendies de forêt», détaille l’institution de Francfort.

Le deuxième est baptisé «risque de transition». Il s’agit d’un risque de faillite pour les entreprises opérant dans les secteurs fortement émetteurs de CO2 et qui vont se trouver confrontées à des politiques coercitives de réduction d’émissions de CO2. «Un risque de transition qui augmenterait leur probabilité de défaillance à court ou moyen terme», souligne la BCE. Un risque «à court terme» que l’institution de Francfort juge cependant dérisoire «par rapport aux coûts d’un changement climatique non maîtrisé à moyen et long terme», et pour qui l’impact de catastrophes naturelles plus fréquentes et plus graves sur la croissance reste supérieur dans tous les cas de figure aux coûts de transition.

Sans mesures fortes, le PIB pourrait être, en 2100, de 10% inférieur à ce qu’il serait dans un scénario de transition climatique ordonnée, estime l’étude.

La BCE ajoute que la transition vers une économie plus verte est une occasion en or. «L’exercice montre que les avantages d’une action précoce l’emportent sur les coûts initiaux à moyen et long terme, notamment grâce aux gains d’efficacité énergétique des entreprises et à la baisse générale des prix de l’énergie.»

Risque financier systémique

Les banques de la zone euro ne sont pas non plus épargnées par le risque climatique. Celles-ci «pourraient être gravement touchées par un scénario dans lequel le changement climatique n’est pas pris en compte», estime la BCE, chiffres à l’appui. «Les pertes attendues sur les portefeuilles de prêts aux entreprises augmentent considérablement au fil du temps, en raison de l’augmentation constante du risque physique, et pourraient devenir critiques au cours des 30 prochaines années.»

En 2050, la probabilité de défaut du portefeuille moyen de prêts aux entreprises d’une banque de la zone euro sera 8% plus importante dans un scénario où rien ne change que dans celui d’une transition ordonnée. Quant aux portefeuilles de prêts aux entreprises les plus exposées au risque climatique, ils sont 30% plus susceptibles de faire défaut en 2050 par rapport à 2020 si rien n’est entrepris.

«Le changement climatique représente donc une source majeure de risque systémique, en particulier pour les banques dont les portefeuilles sont concentrés dans certains secteurs économiques et, surtout, dans des zones géographiques spécifiques particulièrement exposées aux catastrophes naturelles», conclut le rapport.