De 1980 à 2017, les pertes causées par des événements météorologiques ou climatologiques ont coûté 718 millions d’euros. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

De 1980 à 2017, les pertes causées par des événements météorologiques ou climatologiques ont coûté 718 millions d’euros. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Si le risque climatique physique semble limité au Luxembourg, le passage à une économie moins carbonée aura un impact significatif sur le secteur financier, selon la BCL, qui appelle des professionnels jugés encore «timides» face au changement climatique à prendre conscience du risque de transition.

Par risque physique climatique, on entend les pertes directes potentielles dues aux phénomènes climatiques. Depuis 1980, relève la Banque centrale du Luxembourg dans la dernière livraison de sa revue de stabilité financière, elles sont en constante augmentation dans l’Union européenne.

De 1980 à 2017, les pertes causées par des évènements météorologiques ou climatologiques représentaient 83% des pertes totales dues à des risques naturels, soit 426 milliards d’euros. Le montant de ces pertes atteignait au Luxembourg 718 millions d’euros.

Un chiffre non négligeable, d’autant que rapporté au nombre d’habitants, la perte atteint per capita 1.627 euros. Ce qui place le Grand-Duché au troisième rang des pays les plus impactés de l’Union, derrière le Danemark et l’Autriche. 59% de ces pertes sont cependant assurées, ce qui place le Luxembourg au quatrième rang des pays les mieux couverts de l’Union européenne en cas d’événements météorologiques ou climatologiques. Seuls le Royaume-Uni, le Danemark et la Belgique font mieux.

Le risque physique climatique concerne peu les banques luxembourgeoises «dans la mesure où leurs expositions sont principalement concentrées dans des zones géographiques faiblement vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes», note la BCL. Le montant total des expositions pondérées par les risques atteignait 227 milliards d’euros en décembre 2020. Pour mémoire, le bilan total des banques luxembourgeoises s’élevait, en décembre 2020, à 863,368 milliards d’euros. La BCL insiste cependant, «si le secteur bancaire au Luxembourg semble peu exposé au risque physique, son impact n’est pas à sous-estimer, car certains phénomènes climatiques surviennent de façon soudaine et dévastatrice».

Risque de transition élevé pour la Place

La BCL semble de fait plus sensible au risque de transition, un risque défini comme «les impacts potentiels qu’occasionneraient sur la stabilité financière une période de transition rapide ou brusque vers une économie moins carbonée, afin de limiter les impacts du changement climatique».

Une transition qui pourrait être mise rapidement en œuvre par des contraintes légales. Les professionnels commencent d’ailleurs à anticiper ce qui pourrait être décidé lors de la COP 26 de Glasgow.

Les établissements bancaires sont particulièrement sensibles à ce type de risque en raison de leurs expositions aux sociétés non financières des secteurs carbonés. L’analyse des prêts accordés aux sociétés non financières montre une progression constante des prêts octroyés par le secteur bancaire luxembourgeois aux secteurs économiques carbonés, passant de 47 milliards d’euros en décembre 2016 à 63 milliards d’euros en décembre 2020 – soit une croissance de 32%. L’industrie manufacturière est le secteur économique qui en bénéficie le plus, avec une part de 19% du total des prêts accordés aux sociétés non financières, suivie par les secteurs des activités immobilières (14%) et du commerce (9%).

«Au Luxembourg, il semblerait qu’il n’y ait pas d’ajustements significatifs du secteur bancaire vers une réduction du risque climatique», semble regretter la BCL.

Croissance des prises de participation dans les secteurs économiques carbonés

Du côté des fonds d’investissement, l’analyse des titres de créance montre une croissance des expositions à l’égard du secteur non financier «carboné» au Luxembourg, passant de 154 milliards d’euros en décembre 2016 à 206 milliards d’euros en décembre 2020 – soit une croissance de 33% en quatre ans. Là aussi, ce sont les investissements dans les compagnies manufacturières qui pèsent le plus.

Sur l’ensemble des secteurs économiques, l’étude des titres de créance émis par le secteur non financier montre également une croissance de 39% sur la période, passant de 382 à 532 milliards d’euros en décembre 2020.

Pour ce qui est des prises de participations, l’évolution est similaire, avec une croissance des titres des sociétés non financières des secteurs «carbonés» détenus par les fonds d’investissement de 43%, passant de 519 milliards d’euros en décembre 2016 à 740 milliards d’euros en décembre 2020. L’étude des titres de participation des sociétés non financières montre également une croissance de 62%, passant de 984 à 1.596 milliards d’euros entre décembre 2016 et décembre 2020. 

Pour la BCL, ces chiffres démontrent que l’évolution des stratégies vers des secteurs «bas carbone» est encore relativement timide, voire inexistante pour le secteur bancaire, ce qui suppose qu’un risque de transition pourrait impacter de manière significative la place financière en cas de durcissement des politiques et des mesures environnementales. «Dans ce contexte, il est essentiel que les autorités publiques et de surveillance agissent de manière coordonnée afin de s’assurer que les acteurs financiers du pays développent des outils adaptés pour l’évaluation et le suivi des risques climatiques sur leurs activités et sur leurs portefeuilles d’actifs.»