La ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), est revenue lundi sur la réorganisation du secteur en temps de crise du Covid-19, tout en rassurant les professionnels non hospitaliers sur leur viabilité financière.

Concentrés sur la prise en charge des patients infectés par le coronavirus, les hôpitaux se sont réorganisés depuis 10 jours afin de laisser de côté les consultations et opérations non urgentes, tandis que les médecins commencent à multiplier .

Des mesures d’urgence désormais mises en ordre par le ministère de la Santé, surtout au niveau du système de santé de ville. «Nous sommes face à un défi à surmonter qui est élevé pour le secteur de la santé et devons procéder à sa réorganisation avec des implications pour les patients comme pour les personnes qui travaillent dans ce secteur», explique . «Nous mettons les points politiques et les projets en cours entre parenthèses pour nous concentrer sur la gestion de cette crise.»

L’«objectif prioritaire» identifié: «faire en sorte que les soins restent assurés». Son instrument: une gestion centrale de tous les besoins, des plus urgents aux moins urgents. La téléconsultation devient le nouveau principe de base et «permet de recevoir une orientation pertinente tout en évitant que les gens ne se déplacent trop». En particulier «les personnes à risque, à savoir les personnes de plus de 65 ans ainsi que les personnes souffrant de certaines maladies chroniques comme le diabète, une maladie cardiovasculaire, une maladie respiratoire chronique, ou qui présentent un système immunitaire affaibli par une maladie ou un traitement, un cancer».

Les généralistes constituent donc un premier «filtre» et peuvent adresser les patients (Däichhal à Ettelbruck, Rockhal à Esch-sur-Alzette, centre culturel de Grevenmacher et Luxexpo The Box à Luxembourg) ou à l’hôpital s’il s’agit d’une véritable urgence. Des équipes médicales sont par ailleurs en voie de constitution pour assurer des visites à domicile pour les patients Covid-19 comme pour les autres. 

Pour autant, aucune interdiction formelle de se rendre chez son médecin n’est proférée. «On peut se rendre de manière exceptionnelle chez son médecin», concède la ministre de la Santé. Et il n’y a besoin d’aucune prescription pour se rendre dans un centre de soins avancés, ouvert de 8h à 20h, sachant que les maisons médicales de garde resteront fermées durant la durée de l’épidémie.

En tant que corps médical, nous sommes convaincus que cette étroite coopération et cette nouvelle manière de travailler offrent la possibilité de bien traiter les patients dans cette situation de crise.

Dr Alain SchmitprésidentAMMD

La plate-forme nationale est divisée en plusieurs filières de garde: certains médecins assurent les téléconsultations, d’autres pratiquent en centre de soins avancés et à domicile, une troisième filière comprend les médecins qui pourront prêter main-forte dans les maisons de retraite, une autre est réservée aux spécialistes «parce que le quotidien ne s’arrête pas», et une dernière réunit les dentistes. «C’est un système central, par conséquent, le patient n’aura pas toujours affaire à son médecin traitant», indique Mme Lenert. «C’est le prix à payer.»

Cette réorganisation du système de soins a été «proposée par l’Association des médecins et médecins-dentistes et acceptée par moi-même», souligne Mme Lenert. À ses côtés, le Dr Alain Schmit, président de l’, acquiesce. «En tant que corps médical, nous sommes convaincus que cette étroite coopération et cette nouvelle manière de travailler offrent la possibilité de bien traiter les patients dans cette situation de crise.» Les personnels de santé sont invités à s’inscrire dans les différentes filières d’ici mardi midi sous l’adresse e-mail .

Ce système permet en tout cas d’éviter à la fois des déplacements intempestifs et une autocensure qui pourrait être dommageable. «Les personnes qui ont un problème de santé hors Covid-19 doivent absolument contacter leur médecin ou le 8002 8080 pour les urgences dentaires. Il n’y a aucune raison de ne pas consulter par peur du virus. Il ne se peut pas qu’un patient manque une consultation importante qui pourrait avoir des suites sur sa santé.» Et de rassurer la population quant aux mesures de précaution déployées dans les centres de soins avancés et les services d’urgence pour empêcher toute contamination.

Nous avons plus que jamais besoin de nos médecins et nous n’abandonnons personne.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

La gestion centrale des soins, qui repose sur une mobilisation de tous les personnels de santé, s’accompagne d’une contrepartie. «Nous avons plus que jamais besoin de nos médecins et nous n’abandonnons personne», assure Mme Lenert. «Personne ne sera laissé sur le carreau.» Revenant sur l’annonce la semaine dernière d’un contrat avec l’État offert aux médecins, elle précise sa portée: «Le gouvernement a décidé de créer la possibilité pour tous les personnels de santé d’obtenir un contrat par l’État. Cela nous donne la sécurité de savoir que ces personnes seront disponibles et que nous pourrons les utiliser via la liste de réserve.» Il s’agit aussi d’une réponse aux inquiétudes remontant du terrain des professionnels obligés de rester actifs tout en voyant leur patientèle empêchée de se déplacer hors soins urgents.

Afin de clarifier l’aspect financier de ce contrat, les ministres de la Santé et de la Sécurité sociale ont élaboré un règlement grand-ducal introduisant un «mécanisme simplifié fonctionnant sur la base d’un tarif horaire unique» à la place de la nomenclature actuelle pour les prestations réalisées durant la crise. Ce tarif a été fixé à 236,40 euros pour tous les médecins, hospitaliers comme libéraux, généralistes comme spécialistes. «Tout le monde aura donc un salaire prévisible, sans décomptes compliqués et sans trop de répercussions sur la Caisse nationale de santé.»

Ce CDD de deux mois, prorogeable si nécessaire, sera accessible aux professions de santé réglementées relevant de la loi du 26 mars 1992 et exerçant leur profession à titre libéral, à savoir aide-soignant, assistant-senior, assistant technique médical, infirmier, infirmier en anesthésie et réanimation, infirmier en pédiatrie, infirmier psychiatrique, infirmier gradué, sage-femme, assistant dhygiène sociale, podologue, assistant social, diététicien, ergothérapeute, laborantin, masseur, masseur-kinésithérapeute, ostéopathe, orthophoniste, orthoptiste, pédagogue curatif et rééducateur en psychomotricité. Les psychothérapeutes peuvent également en bénéficier. Ce CDD sera offert sur une base volontaire. Les professionnels de santé peuvent demander des renseignements supplémentaires au 247-73210 ou par e-mail.

À partir de maintenant, il est interdit aux personnels de se rendre au travail s’ils présentent des symptômes.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

La ministre de la Santé a également annoncé un renforcement des mesures de précaution entourant les maisons de soins – où 10 des 22 décès se sont produits –, prévu par ordonnance du directeur de la Santé. «À partir de maintenant, il est interdit aux personnels de se rendre au travail s’ils présentent des symptômes. Ils doivent se faire tester et s’ils s’avèrent positifs au Covid-19, ils doivent en informer leur employeur. Celui-ci est obligé de tenir un registre des personnes testées positivement dans sa maison de soins et de le transmettre au ministère de la Santé.» Histoire de suivre les «indications suspectes» et d’ordonner des précautions supplémentaires le cas échéant. Autre nouveauté: les tenues de travail devront être enfilées sur place et changées suivant certaines règles.

Les maisons de soins, dotées d’une filière spécifique au sein de la coordination nationale des soins, pourront également «demander davantage de médecins», salue le Dr Schmit. Avant de répéter les recommandations d’usage pour éviter toute infection par le Covid-19: «Maintenez vos distances sociales, gardez une hygiène conséquente, protégez-vous efficacement parce que prévenir le Covid-19 est aussi important que traiter les patients infectés.»

Le Grand-Duché compte, selon les derniers décomptes, 1.988 personnes testées positives dont 202 hospitalisées et 31 en soins intensifs. 22 décès sont à déplorer, dont 11 à l’hôpital, 10 dans une maison de soins et 1 à domicile.