«Nous sommes essentiellement occupés à défendre des droits déjà prévus, c’est une de nos déceptions», pointe Cassie Adélaïde, cofondatrice de Passerell. (Photo: Sven Becker / archives)

«Nous sommes essentiellement occupés à défendre des droits déjà prévus, c’est une de nos déceptions», pointe Cassie Adélaïde, cofondatrice de Passerell. (Photo: Sven Becker / archives)

L’asbl Passerell, qui aide les réfugiés dans leur parcours d’intégration au travers d’une précieuse assistance juridique, a lancé une campagne de recherche de fonds… devenus plus rares en raison de la crise du Covid-19.

Un tiers de financement public, un tiers de financement privé et un tiers d’autofinancement. Ce mix aurait permis à l’asbl Passerell d’évoluer sans dépendre d’un seul pourvoyeur de fonds, et donc de maintenir une certaine indépendance, précieuse pour la conduite de ses activités.

«Pour continuer à avoir une parole libre et mettre en lumière ce qui ne fonctionne pas ou effectuer des recommandations, nous avons besoin de cette forme d’indépendance financière», déclare Cassie Adélaïde, cofondatrice et figure de proue de Passerell, active dans la défense et l’exercice des droits des demandeurs, bénéficiaires et déboutés du droit d’asile, agréée par le Barreau et soutenue par le ministère de la Justice.

Le budget 2020 était dessiné selon ces traits, mais la crise du Covid-19 est passée par là. Frein sur le financement public, annulation d’événements qui auraient permis d’écouler le livre , report des formations aux avocats et travailleurs sociaux, ou encore précaution de certaines mécènes dans leurs dépenses, les comptes du début de l’année ont été effectués au couteau.

Résultat: un trou de 20.000 euros dans un budget qui avoisine les 100.000 euros. À l’heure où la solidarité nationale doit aussi s’exprimer à l’égard des plus démunis et des personnes vulnérables, Passerell veut réunir la somme manquante

Un processus en plusieurs étapes

Car pour prendre en charge les demandes des réfugiés, l’asbl aurait besoin de passer de 1,5 à 3 équivalents temps pleins. «En trois ans, nous avons reçu plus de 700 personnes exilées, ce qui inclut des réfugiés qui ont obtenu le statut, des demandeurs d’asile, des personnes déboutées et marginalement, des personnes en situation irrégulière», ajoute Cassie Adélaïde.

Profil d’ingénieur, ancien paysan, citoyen d’un pays où la notion d’État de droit est plus que relative… Passerell doit tout d’abord expliquer le contexte décisionnel luxembourgeois à ces ressortissants étrangers, tout en développant une logique de responsabilisation dans leurs démarches d’accès à leur droit.

«Certaines personnes trouvent leur information et ne reviennent plus, mais beaucoup vont revenir nous consulter à plusieurs étapes, dès qu’il se passe quelque chose ou pour comprendre pourquoi il ne se passe rien… Nous tentons de leur donner une perspective, jusqu’à la prochaine étape pour sortir du flou, qui est si mauvais pour l’état psychique des personnes», explique Cassie Adélaïde.

Un mille-feuille

À l’agenda cette année figure notamment la situation en Grèce, en raison de l’augmentation du nombre de cas d’irrecevabilité au Luxembourg pour les réfugiés qui proviennent de ce pays. Autre sujet sensible: la prise en charge de mineurs non accompagnés: «Il n’y en a pas beaucoup, mais la question est très sensible au niveau des droits. Plein de choses sont à améliorer pour ce cas de figure que les institutions ont dû apprendre à gérer dans l’urgence.»

Entre le droit national, les règlementations européennes et les textes internationaux incluant les droits fondamentaux, Passerell explore un mille-feuille juridique en permanence, avec parfois des contradictions entre les niveaux de textes.

Et lorsqu’un demandeur d’asile sexagénaire, lourdement malade, se retrouve à la rue en plein hiver, c’est un véritable combat qui s’amorce face à une forme de mise en danger de la vie d’autrui et au décalage dans l’application du droit vis-à-vis des réfugiés.

«Quand nous nous sommes lancés dans l’assistance juridique il y a trois ans, nous pensions pouvoir travailler à améliorer le droit d’asile, mais nous sommes en fait essentiellement occupés à défendre des droits déjà prévus, c’est une de nos déceptions», pointe Cassie Adélaïde. «Quand le ministère refuse par exemple le regroupement familial à un mineur, sous prétexte qu’il est accompagné de son grand frère majeur, c’est contraire au droit de l’enfant. Cela paraît être du bon sens, mais on est obligé de rappeler les droits et les missions de chacun.»

L’intégration comme enjeu de société

En parallèle, l’asbl continue d’explorer des pistes d’amélioration de son fonctionnement et d’optimisation de ses ressources, avec justement la formation de travailleurs sociaux, pour qu’ils jouent le rôle de premier filtre en donnant de l’information standard. «Nous voudrions nous concentrer sur des choses plus complexes, qui nécessitent de la recherche et sur lesquels nous apportons une valeur ajoutée», ajoute Cassie Adélaïde.

Un enjeu majeur de notre temps, qui peut aussi trouver du sens sur le plan économique et sociétal en intégrant ces compétences venues d’autres latitudes dont disposent des réfugiés qui, au-delà de certains clichés, cherchent avant tout à se reconstruire. À trouver un sens à une vie, à leur vie.

«Nous devons leur donner confiance rapidement après leur arrivée, sans vouloir viser l’Everest, mais avancer par étape dans leur ascension vers une nouvelle vie», estime Cassie Adélaïde. «En Allemagne, un demandeur d’asile dispose d’un diagnostic professionnel au bout de trois mois…»

Intégrer et mettre sur le marché de l’emploi plutôt que (sur)vivre avec le Revis, apporter du potentiel au pays. Un projet de société.

L’asbl Passerell reste à la recherche de nouveaux partenaires privés qui souhaiteraient soutenir ses actions sur le long terme.

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