Pour cet épisode #8 du podcast Paperjam Conversations, l’historien Guy Thewes revient sur l’évolution de la notion d’identité au Grand-Duché. Une identité questionnée par la crise sanitaire qui change aussi le rapport de la population à la culture.

Le directeur des 2 Musées de la Ville de Luxembourg, le Lëtzebuerg City Museum et la Villa Vauban, recadre le débat sur l’identité, cristallisé ces dernières années autour de la langue luxembourgeoise. Une conception bien plus étroite que dans le passé, et qui est aussi amenée à évoluer avec la crise sanitaire. Celle-ci bouleverse également la façon dont les musées accueillent le public.

On a beaucoup parlé d’identité, ces dernières années, au Luxembourg. Est-ce un débat nouveau?

Guy Thewes. – «C’est un concept qu’on n’a pratiquement jamais utilisé dans les années 1950, 1960 et 1970. Et puis, on remarque, dans les publications, les journaux à partir de la fin des années 1970 et des années 1980, l’apparition de l’expression ‘identité nationale’. Personnellement, je préfère parler d’identités au pluriel. Cela a été beaucoup débattu et disputé dans les années 2000 et 2010 – même le musée Dräi Eechelen s’affiche officiellement comme ‘forteresse, histoire, identités’. Au Lëtzebuerg City Museum, nous avions nommé une section Identités lorsque nous avons refait l’exposition permanente en 2007, dans le sens d’une identité plurielle. Nous avons abandonné ce thème de l’identité dans notre nouvelle exposition permanente. Nous préférons analyser la société et les modes de vie au Luxembourg.

L’identité se réduit-elle à la langue, comme le font penser les débats des dernières années?

«C’est une définition assez fermée de considérer que l’identité est la langue luxembourgeoise. Il y a toujours eu le multilinguisme dans cette identité: l’allemand et le français, maintenant l’anglais, mais aussi le portugais et tout ce qui est pratiqué au Luxembourg. L’identité, c’est aussi, dans une définition classique, la gastronomie, l’histoire, les grands héros nationaux, le folklore et les légendes, les fêtes traditionnelles… Il ne faut pas non plus oublier l’aspect de l’identité démocratique, car la démocratie est une longue tradition au Luxembourg, remontant à la Révolution française, puisque nous étions à l’époque le département des Forêts, en France.

Les musées du pays ont dû fermer leurs portes durant le confinement au printemps. Avez-vous retrouvé votre public depuis la réouverture en mai? «La vie normale n’a pas repris. Nous avons eu beaucoup moins de touristes, et les classes scolaires ne viennent plus. Nous recevons encore les familles, mais il y a un côté convivial qui manque. Nous sommes retombés dans les musées du 19e siècle où tout est sous verre, accroché au mur, et le visiteur regarde. Ce n’est pas le musée tel qu’on l’a développé, où l’on peut toucher des choses, où le côté ludique est mis en avant.»