Rajaa Mekouar-Schneider: «Investir dans le private equity, c’est contribuer à l’économie réelle.» (Photo: Edouard Olszewski/Archives Paperjam)

Rajaa Mekouar-Schneider: «Investir dans le private equity, c’est contribuer à l’économie réelle.» (Photo: Edouard Olszewski/Archives Paperjam)

Avec des rendements supérieurs au marché des actions et des obligations, l’investissement dans le private equity devient une réelle alternative pour les particuliers à la recherche de performances. Explications avec Rajaa Mekouar-Schneider, CEO de la Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA).

L’attrait pour l’investissement dans les sociétés non cotées, classe d’actifs regroupée sous l’appellation générique «private equity», est de plus en plus grand. Aujourd’hui, le private equity (PE) soutient d’ailleurs considérablement le développement de l’industrie des fonds luxembourgeoise.

En vingt ans, le volume d’actifs sous gestion sur ce segment a augmenté de manière conséquente, avec une nette accélération ces dernières années. Rien qu’en 2018, la croissance des actifs sous gestion dans des fonds private equity était de 20%, pour un volume qui avoisine aujourd’hui les 500 milliards d’euros.

Performance et résilience

Qu’est-ce qui pousse les investisseurs à se tourner vers ce type d’investissement en particulier? «Ces dix dernières années, à travers des stratégies d’investissement sur le long terme, les gestionnaires d’actifs en PE ont pu maintenir des résultats généralement bien supérieurs à ce que propose le marché des actions cotées, explique , CEO de la Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA). Cette classe d’actifs, en raison d’un horizon à plus long terme, n’évolue pas au même rythme que les marchés boursiers. Dans des temps incertains, le PE se montre plus résilient et moins volatil.»

Dans un environnement où les taux d’intérêt sont bas, quand les actifs réputés sûrs ne génèrent pas les performances escomptées, les investisseurs en recherche de performances sont davantage enclins à tester des alternatives plus prometteuses. Alors que le marché des actions se montre de plus en plus volatil, le PE apparaît aujourd’hui comme une voie de diversification de son portefeuille parmi les plus attrayantes.

Ces dernières années, les fonds de PE ont considérablement gagné en maturité en démontrant leur capacité à créer de la valeur.
Rajaa Mekouar-Schneider

Rajaa Mekouar-SchneiderCEOLuxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA)

«Ces dernières années, les fonds de PE ont considérablement gagné en maturité en démontrant leur capacité à créer de la valeur. En outre, l’évolution de la réglementation contribue à mieux protéger l’investisseur. La volonté, aujourd’hui, est de permettre à toujours plus d’investisseurs de pouvoir accéder à cette classe d’actifs», assure Rajaa Mekouar-Schneider.

Ce sont d’abord les fonds de pension, désireux de diversifier leurs investissements à la recherche de rendements sur le long terme, qui se sont davantage intéressés au PE. Dans leur sillage, de plus en plus d’acteurs, notamment les particuliers fortunés, font part de leur souhait de pouvoir aussi profiter de ces rendements. L’un des enjeux majeurs pour la LPEA, qui regroupe plus de 220 membres au Luxembourg, dont la moitié sont des investisseurs en PE, est d’éduquer les conseillers en investissement et les investisseurs eux-mêmes sur les opportunités qu’offre le PE.

Bien choisir son gestionnaire

Il n’y a pas si longtemps, le PE, aussi appelé «capital-investissement», semblait réservé à une élite fortunée, aguerrie au métier. L’investissement était réputé peu liquide, risqué, non transparent. Mais les choses ont considérablement évolué. Les véhicules et stratégies d’investissement se multiplient.

«On parle toujours d’une classe d’actifs particulière, régie par des règles bien différentes de celles des fonds cotés, confie Rajaa Mekouar – ­Schneider. Entre les meilleurs et les moins bons fonds, la disparité en termes de création de valeur peut être très importante. Il faut donc pouvoir sélectionner les meilleurs des gestionnaires et faire preuve de patience pour capter la création de valeur sur le long terme.»

On parle ici de gestion active, avec une réelle implication des gestionnaires dans le développement de la cible et sa gouvernance.
Rajaa Mekouar-Schneider

Rajaa Mekouar-SchneiderCEOLuxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA)

L’investissement dans le PE participe directement au développement économique, notamment avec une contribution significative à la création d’emplois et à l’innovation technologique. Les engagements dans le fonds PE vont permettre d’acquérir des parts dans des sociétés non cotées. Le rendement est directement lié au développement de l’entreprise, avec pour objectif une valorisation de 10, 15 ou 20% par an.

«On parle ici de gestion active, avec une réelle implication des gestionnaires dans le développement de la cible et sa gouvernance, poursuit la CEO de la LPEA. Investir dans le PE, c’est contribuer à l’économie réelle, soutenir le développement d’entreprises à fort potentiel. C’est ce qui justifie la faible liquidité de ces actifs, mais c’est aussi ce qui fait toute la beauté de ce type d’investissement.»

Un horizon de sortie à cinq ans

Le secteur s’est également professionnalisé ces dernières années, notamment sous l’impulsion d’acteurs globaux assurant la mise en œuvre de stratégies matures et robustes. Les résultats obtenus doivent beaucoup au talent des gestionnaires, à leur expérience en matière d’identification des opportunités et en faveur du développement des entreprises dans lesquelles ils investissent.

La création de valeur se fait dans le temps. Sur cette classe d’actifs, la sortie doit être planifiée dès l’entrée du fonds au capital de la société cible, en sachant que la durée de détention de l’investissement tourne autour de quatre à cinq ans. Si l’on veut profiter du meilleur rendement, il faut donc pouvoir faire preuve de patience. Sur sa durée de vie, généralement de dix ans, un fonds PE va prendre des positions qui, individuellement, ne dépassent pas 15% des engagements.

Placer une partie de son patrimoine au service du développement d’entreprises non cotées nécessite de s’appuyer sur un conseil professionnel.
Rajaa Mekouar-Schneider

Rajaa Mekouar-SchneiderCEOLuxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA)

«L’horizon d’investissement n’est cependant pas de dix ans, comme beaucoup le pensent encore, précise la CEO de la LPEA. En fait, les engagements du fonds PE sont tirés sur quatre à cinq ans. Les premiers investissements sont censés générer une plus-value au moment de sorties au bout de quatre à cinq ans. À ce moment, chaque investisseur peut déjà profiter de remontées de capitaux. Les cash-flows nets du souscripteur sont positifs au bout de six à sept ans. La perception ‘faiblement liquide’ de cette catégorie d’actifs est donc à relativiser, d’autant qu’aujourd’hui, il existe aussi un marché PE secondaire, grâce auquel le souscripteur peut céder sa part dans un fonds donné avant la fin légale de son engagement.»

Mais qui peut investir dans le private equity? Et comment, en tant qu’investisseur, profiter des rendements proposés? Désormais, l’offre est vaste et ne cesse de s’élargir. Les sociétés de gestion, tout en se professionnalisant, se spécialisent dans des secteurs et sur des marchés qu’elles maîtrisent de mieux en mieux. On dénombre aujourd’hui plus de 1.500 fonds private equity dans le monde.

«Toutefois, investir à travers ces véhicules n’est pas aussi simple que de souscrire des actions. Il n’est pas possible de simplement le faire en ligne, en quelques clics. Placer une partie de son patrimoine au service du développement d’entreprises non cotées nécessite de s’appuyer sur un conseil professionnel, recommande Rajaa Mekouar-Schneider. Il est important de pouvoir comprendre les stratégies mises en œuvre, les risques y étant associés.»

Un ticket d’entrée à 50.000 euros

En fonction de son appétit du risque et de la surface financière dont on dispose, les possibilités d’investir sont multiples. Acquérir seul des parts d’un fonds PE exige cependant de disposer d’un patrimoine confortable. On estime généralement que la part d’actifs investie dans le PE doit représenter 10 à 20% du patrimoine liquide d’un investisseur particulier.

Toutefois, il faut rester vigilant. Les écarts de performances entre les meilleurs gestionnaires et les moins bons étant très importants, il est souvent difficile de faire soi-même la part des choses.
Rajaa Mekouar-Schneider

Rajaa Mekouar-SchneiderCEOLuxembourg Private Equity & Venture Capital Association (LPEA)

Le ticket d’entrée minimum étant de 50.000 euros pour les produits les plus accessibles, il faut donc un patrimoine liquide de plus de 500.000 euros. Pour accéder à ces produits, le meilleur moyen d’investir est de s’appuyer sur une offre professionnelle portée par des conseillers financiers avisés, en accord avec la réglementation en vigueur. Cela veut aussi dire que la sélection proposée doit être diversifiée et transparente, accessible à travers un feeder fund.

«Un tel véhicule implique une couche de gestion supplémentaire et, dès lors, des frais supérieurs, mais c’est le prix à payer pour un accès plus sécurisé», précise Rajaa Mekouar-Schneider. De plus en plus, les banques privées créent des véhicules spéciaux ou des programmes dédiés, contribuant à faciliter l’accès au PE. Progressivement, par ailleurs, des plates-formes fintech positionnées sur le segment émergent. Elles entendent plus facilement fédérer des investisseurs au patrimoine plus modeste.

«Toutefois, il faut rester vigilant. Les écarts de performances entre les meilleurs gestionnaires et les moins bons étant très importants, il est souvent difficile de faire soi-même la part des choses. Quand on investit dans des sociétés non cotées, il n’est pas possible de reproduire des stratégies mises en place par ailleurs ou de s’aligner sur des performances moyennes comme peuvent le faire des ETF ou indices boursiers. Il est important de bien comprendre le produit et la stratégie singulière mise en place par le gestionnaire et de prendre le temps de bien se documenter auprès d’experts indépendants. Et ne pas oublier, une fois l’investissement réalisé, de prendre le temps de suivre l’évolution de la position choisie», conclut Rajaa Mekouar-Schneider.