La cuisine du chef David Martin à La Paix est à l’image du décor de l’établissement: chaleureuse, mais sans esbroufe, généreuse et raffinée, mémorable… (Photo: Maison Moderne)

La cuisine du chef David Martin à La Paix est à l’image du décor de l’établissement: chaleureuse, mais sans esbroufe, généreuse et raffinée, mémorable… (Photo: Maison Moderne)

À quelques jours de la grand-messe de la gastronomie luxembourgeoise, retour sur un dîner estival mémorable chez David Martin, Chef de l’année belge 2019, dans son restaurant La Paix à Bruxelles...

Lorsqu’on se rend pour la première fois à La Paix, le trajet est déjà une expérience: en effet, il est assez difficile d’imaginer une des tables les plus réputées du Benelux, deux étoiles au guide rouge et un joli 17,5/20 au Gault & Millau, apparaître en plein cœur du quartier d’Anderlecht, face aux célèbres abattoirs... C’est pourtant bien là, face à une des entrées principales, que le chef David Martin officie.

Il faut dire que l’établissement a longtemps été un repaire de viandards qui venaient profiter d’une cuisine bien servie et roborative en sortant desdits abattoirs. Mais il y a quelques années, des voyages au Japon vont durablement impacter les envies et les perspectives du chef Martin, qui depuis élève chaque année son «game» gastronomique. Sur le site de La Paix, sa cuisine est décrite comme «un condensé du microcosme belge: chaleureuse, mais sans esbroufe, généreuse, mais raffinée, subtile, mais puissante, profondément locale, mais ouverte sur le monde»... Et c’est une description ma foi fort juste!

Cela commence avec ce menu Roland dès le volet amuse-bouches, avec un trio qui fait s’accrocher à ses accoudoirs: aubergine/poutargue, jambon de Wagyu A5/joue de bœuf, et gyoza de porc basque. On enchaîne rapidement, mais pas trop quand même avec le citron farci de caviar et de tartare de thon Toro d’une fraîcheur fantastique, présenté presque dans son plus simple appareil... Puis suivent les coquillages, en différentes textures et préparations, toutes explosives en bouche.

Pour la partie «plat principal» du menu d’alors, c’est encore et toujours la mer et ses bons produits, teintés des nombreuses influences du chef Martin, qui trustent le haut de l’assiette et tout le reste. Notamment grâce à un superbe trompe-l’œil de langoustine/jus de riz vénéré/vin jaune, qui donne l’impression d’une grosse gousse d’ail coupée en son centre. La combinaison des saveurs est audacieuse juste comme il faut et stimule les papilles sur le long terme relatif. Ça envoie franchement du lourd, surtout quand c’est arrosé d’un excellent Morgon Côte du Py 2018 de Jean Foillard, conseillé avec justesse.

Langoustine, jus de riz vénéré et vin jaune, un superbe plat en trompe-l’oeil à La Paix de David Martin. Maison Moderne

Langoustine, jus de riz vénéré et vin jaune, un superbe plat en trompe-l’oeil à La Paix de David Martin. Maison Moderne

Car voilà aussi, un autre atout imparable de La Paix: le service! Quel bon moment, dis! Rien d’obséquieux, mais attention, rien de leur échappe... Le maître d’hôtel Fabio est un parfait condensé d’humour et d’exactitude. Et cette ambiance pro, mais «chill» s’avère faire entièrement partie de l’expérience mémorable ressentie sur place, dans cette belle salle aux accents de banque des années 50, avec sa belle cuisine ouverte et ses œuvres d’art – dont la magistrale sculpture lumineuse de Charles Kaisin composée de plusieurs centaines de colombes dorées en origamis... Mais revenons à l’assiette, car le lieu jaune ikejime débarque, bien entouré d’une combinaison de salsa salmorreta typique de la région d’Alicante et de sauce ponzu japonaise.

Lieu jaune ikejime, salmorreta et sauce ponzu.  Maison Moderne

Lieu jaune ikejime, salmorreta et sauce ponzu.  Maison Moderne

Enfin, deux gros coups de cœur inspirés en partie de la cuisine nippone dans l’épisode desserts en deux parties: le soufflé chaud-froid de passion et miso de Kyoto, ainsi que l’intrigant saké-masu de fruits et glace vanille bleue... De quoi finir le menu dans la même dynamique de joyeux étonnements qu’au début. Une chartreuse et la soirée continue...

Saké-masu de fruits et glace vanille bleue. Maison Moderne

Saké-masu de fruits et glace vanille bleue. Maison Moderne

Mais avant cela, il faut passer à la caisse. Le menu unique n’est pas pour rien, deux étoiles obligent, avec 210€ pour ce «Roland» en neuf services/douze plats. Mais, soyons honnêtes: il n’est pas censé l’être... On peut tout de même noter qu’en comparaison, le menu La Signature en sept services de Cyril Molard à est à 140€. Les deux Chefs de l’année – Belgique 2019, pour l’un, et Luxembourg 2020, pour l’autre – sont d’ailleurs bons potes, il serait peut-être temps d’organiser un petit quatre mains au Grand-Duché, non? Avis aux intéressés...

La Paix

Rue Ropsy-Chaudron 49, Bruxelles (Anderlecht)

T. +32 25 23 09 58

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