«Nous ne voulons pas payer plus, et nous ne voulons pas recevoir moins», reproche Jean-Claude Juncker aux États membres. (Photo: DR)

«Nous ne voulons pas payer plus, et nous ne voulons pas recevoir moins», reproche Jean-Claude Juncker aux États membres. (Photo: DR)

Cela peut sonner familier, mais aussi contradictoire: Jean-Claude Juncker, qui assurait une fois de plus ne pas être fédéraliste ou en faveur d’un super-État européen comme les États-Unis d’Amérique, plaidait ce mercredi en revanche pour un système à deux chambres, avec d’un côté le Parlement européen et, de l’autre, un Conseil des États membres.

À première vue, c’est déjà le cas, mais actuellement, dans l’UE, les rapports de force entre les institutions européennes se distinguent clairement des systèmes bicaméraux classiques, et c’est le Conseil européen, donc les 28 États membres, qui a généralement le dernier mot ou qui peut bloquer des dossiers dans de nombreux domaines.

Le président de la Commission européenne ne se fait d’ailleurs pas d’illusion: «Je ne suis pas libéré de rêves, mais je ne suis pas un rêveur», déclarait-il ce mercredi lors de la présentation de ses propositions pour une refonte institutionnelle de l’UE. Selon lui, il s’agirait de réflexions sur le long terne qui ne sauraient être mises en œuvre durant sa mandature qui s’achève en mai 2019.

Les dangers des deux présidents

Il en est de même en ce qui concerne sa proposition de fusionner les présidences de la Commission européenne et du Conseil européen. Dans la configuration actuelle, lui-même s’entendant très bien avec le président du Conseil, Donald Tusk, tout irait bien, expliquait l’ancien Premier ministre luxembourgeois, qui maintient sa proposition, tout en reconnaissant une fois de plus que l’idée ne serait pas réalisable avant mai 2019.

Fusionner les deux présidences serait «utile», car – sans le souhaiter – il ne pourrait pas exclure qu’un jour deux présidents soient en conflit permanent. Dans ce cas-là, la Commission pourrait refuser de transposer des instructions du Conseil. «Un cauchemar», selon Jean-Claude Juncker.

Interrogé afin de savoir s’il était déçu que, d’un commun accord avec les partis d’extrême droite, son parti d’origine (le Parti populaire européen) ait rejeté l’idée de listes de candidats transnationales, Jean-Claude Juncker admettait regretter ce choix. Lui-même trouve l’idée du président de la République française, Emmanuel Macron, «sympathique», jugeant certes qu’il était trop tôt pour la mettre en musique, mais qu’il fallait poursuivre les réflexions.

Spitzenkandidaten, bitte

Le président de la Commission européenne défendait en revanche le modèle d’élection de 2014, à savoir la désignation de candidats chef de file, dits «Spitzenkandidaten». Un modèle tel qu’opéré en mai 2014 avec lui-même comme «cobaye», soupirait Jean-Claude Juncker lors de la présentation de ses propositions pour une refonte des institutions européennes.

Alors que certains États membres rechignent à répéter l’exercice de 2014 par crainte de perdre un peu de pouvoir, Jean-Claude Juncker défendait la démarche – même s’il en avait «souffert» – car, selon lui, elle permettrait d’enrichir le débat. En outre, elle permettrait aux électeurs de savoir qui deviendrait président de l’exécutive européenne lorsqu’ils votent pour leurs candidats nationaux.

Il rappelait qu’une fois qu’une majorité politique se sera formée après le scrutin de mai 2019, il appartiendra à une majorité au Parlement européen et à une majorité qualifiée des 27 (ou 28) chefs d’État et de gouvernement de valider le prochain président de la Commission. Ce processus aurait une double légitimité et ne représenterait pas d’automatisme. Jean-Claude Juncker faisait un clin d’œil à son pays d’origine: après tout, s’il y avait un automatisme au Luxembourg, il serait toujours Premier ministre, car il avait récolté la majorité des voix en octobre 2013.

Café, café au lait, cappu...?

Pour conclure sa présentation, Jean-Claude Juncker lançait un appel à l’action urgente de la part des États membres pour décider le cadre financier de l’Union européenne après 2020.

Le président de la Commission critiquait les égoïsmes nationaux: «Nous ne voulons pas payer plus, et nous ne voulons pas recevoir moins.» Et demandait aux États membres d’une Union désormais «multistratificationnelle» de se ressaisir.

Pour conclure, Juncker se souvenait que, lorsqu’il était jeune et que l’Union européenne n’avait que 10 membres, quand une personne frappait à la porte et demandait si quelqu’un voulait un café, huit ministres répondaient «moi» et deux «restaient à sec».

«Aujourd’hui, il y a un chœur à voix multiples: les uns disant un café, les autres un café au lait, d’autres encore du cappé, cappah, euh expresso, voire un double expresso, un café sans lait, un verre d’eau, ou encore de la limonade, du coca… C’est l’Europe d’aujourd’hui: beaucoup de souhaits, peu de convictions.»