Deux mois après la dernière des cinq audiences de leur procès en appel, les deux anciens salariés de PwC et le journaliste connaîtront enfin la décision de la Cour à 15h ce mercredi.

Le suspense reste entier à quelques heures du prononcé. En première instance, au printemps dernier, Antoine Deltour avait été condamné à 12 mois de prison avec sursis et 1.500 euros d’amende, tandis que Raphaël Halet écopait de neuf mois de prison avec sursis et 1.000 euros d’amende. Le journaliste Édouard Perrin avait été acquitté.

Des peines que le premier avocat général, John Petry, suggérait de réduire dans son réquisitoire au mois de janvier. S’appuyant largement sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en matière de protection des lanceurs d’alerte – alors que le Parquet comme les juges du tribunal d’arrondissement l’avait superbement ignorée –, il avait néanmoins estimé que cette protection ne s’appliquait pas intégralement aux deux anciens salariés.

La poursuite d’un journaliste dans l’exercice de ses fonctions doit rester une situation exceptionnelle dans une société démocratique.

John Petry, premier avocat général, lors de son réquisitoire le 19 décembre 2016

Préconisant d’acquitter les anciens salariés des infractions de violation du secret des affaires et de blanchiment de fraude informatique, il avait requis une peine d’emprisonnement de six mois assortie du sursis pour Antoine Deltour ainsi qu’une amende, et une simple amende pour Raphaël Halet.

Quant au journaliste Édouard Perrin, il avait vu un premier avocat général «très gêné» devant l’appel du Parquet le concernant après son acquittement. «La poursuite d’un journaliste dans l’exercice de ses fonctions doit rester une situation exceptionnelle dans une société démocratique, et ce n’est pas respecté par cet appel», avait indiqué le magistrat. Et de souffler aux juges un acquittement direct au titre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacrant la liberté d’expression, en évitant de se prononcer sur l’accusation de complicité dont le journaliste est selon lui coupable au regard du droit interne.

Halet «toujours aussi combatif»

Entre espoir et crainte, les deux anciens salariés de PwC examineront la décision de la Cour d’appel avec attention avant de se lancer dans un éventuel pourvoi en Cassation en cas de confirmation de leur condamnation. «Je suis toujours aussi combatif, voire plus au fur et à mesure que le temps passe, car les faits et révélations me donnent raison», assure Raphaël Halet à Paperjam.lu. «Quant au jugement, aucune décision n’est prise et ne devrait être prise [mercredi] car il faut d’abord étudier le jugement. Les enjeux et questions juridiques ne sont pas les mêmes qu’en première instance.»

Le comité de solidarité avec les prévenus prévoit un rassemblement dès 14h sur le parvis de la Cité judiciaire. L’occasion d’applaudir encore une fois les lanceurs d’alerte arrivés à la fin du deuxième acte de leur combat judiciaire. Antoine Deltour avait copié, la veille de son départ de PwC où il travaillait comme auditeur, des centaines de documents et des dizaines de milliers de pages détaillant les rulings élaborés par son employeur pour des clients aussi prestigieux qu’Amazon, Ikea ou encore Apple. Des documents utilisés par le journaliste Édouard Perrin dans son enquête sur les pratiques fiscales des multinationales diffusée en mai 2012 dans l’émission Cash investigation, et publiés par l’ICIJ à l’origine des révélations LuxLeaks.

Raphaël Halet, agent administratif pour le département Fiscalité de PwC à l’époque des faits, avait contacté Édouard Perrin à la suite de l’émission télévisée et lui avait proposé puis transmis une quinzaine de documents, dont des déclarations fiscales et des procès-verbaux d’assemblées générales de multinationales ayant leur siège européen à Luxembourg. Les deux avaient été confondus par une enquête interne du cabinet d’audit, partie civile au procès, qui espère d’ailleurs la confirmation de la condamnation de ses anciens salariés à lui verser 1 euro symbolique au titre du préjudice moral.