Place mercredi aux plaidoiries des défenseurs de Raphaël Halet, dont Me Bernard Colin, et d'Édouard Perrin. (Photo: Marion Dessard)

Place mercredi aux plaidoiries des défenseurs de Raphaël Halet, dont Me Bernard Colin, et d'Édouard Perrin. (Photo: Marion Dessard)

L’hiver judiciaire d’Antoine Deltour, de Raphaël Halet et d’Édouard Perrin se poursuit avec au moins une audience supplémentaire par rapport au programme initial.

Les deux anciens salariés de PwC, l’auditeur Antoine Deltour et l’agent administratif Raphaël Halet ont relevé appel de leur condamnation le 29 juin à respectivement 12 et 9 mois de prison avec sursis et à une amende de 1.500 et 1.000 euros. Quant au journaliste Édouard Perrin, il avait été acquitté par le tribunal en première instance, mais le Parquet a décidé de contester ce jugement afin que l’affaire soit rejugée dans son ensemble.

Antoine Deltour et Raphaël Halet comparaissent ainsi à nouveau pour les chefs d’inculpation de vol domestique, fraude informatique, violation du secret d’affaires et du secret professionnel et blanchiment (détention). Le premier a reconnu avoir copié un demi-millier de rulings depuis le serveur informatique de son employeur à la veille de son départ du cabinet d’audit en septembre 2010.

Le second a partagé avec le journaliste Édouard Perrin une dizaine de documents, dont des déclarations fiscales de multinationales bénéficiant de rescrits plus qu’avantageux. Des documents publiés lors de l’émission Cash Investigation diffusée en mai 2012 et surtout dans le cadre des LuxLeaks à l’automne 2014 qui ont révélé l’ampleur des ristournes fiscales obtenues par les multinationales auprès du fisc luxembourgeois.

Un procès en appel moins tendu

Quant à Édouard Perrin, il lui est reproché d’avoir été co-auteur ou complice des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation de secret professionnel et, comme auteur, de l’infraction de blanchiment-détention des documents soustraits par Raphaël Halet.

Le procès en appel s’est ouvert le 12 décembre dans une ambiance bien plus tranquille et moins tendue qu’en première instance. Il faut dire aussi que la salle d’audience, moins grande, pouvait accueillir moins de public. Il n’y a pas eu non plus de révélations fracassantes comme ce fut le cas devant le tribunal d’arrondissement avec l’audition de Raphaël Halet, apportant de surprenants détails sur le système de validation des rulings par l’Administration des contributions directes, laquelle sous-traitait à PwC l’impression des rescrits sur papier à en-tête officiel.

Surtout, le président de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel, Michel Reiffers, a davantage laissé parler prévenus et avocats et n’a refusé aucune question, ce qui a pu contribuer à un certain climat de sérénité durant les audiences. Même si cela ne veut pas forcément dire que la Cour est plus ouverte à l’argumentation des prévenus et de leurs défenseurs.

Marius Kohl aux abonnés absents

La Cour a d’ailleurs rejeté une demande des avocats de Raphaël Halet et d’Édouard Perrin, à savoir la citation à témoigner de Marius Kohl, le désormais célèbre préposé au bureau 6 des sociétés au sein de l’ACD. Durant plus d’une heure lors de la première audience, Me Bernard Colin, soutenu par ses confrères de la défense, a bataillé avec le premier avocat général John Petry afin de convaincre la Cour de la nécessité d’entendre le retraité et de le forcer à comparaître alors que son médecin traitant lui a fourni un nouveau certificat de maladie couvrant la durée du procès en appel. Un air de déjà-vu après la première tentative de la défense en première instance.

Peine perdue. La Cour joint l’incident au fond et n’interrompt pas l’audience. Me Colin a tout de même poursuivi sur sa lancée en mettant en exergue l’illégalité des pratiques fiscales de l’ACD en matière de rulings au vu de la loi luxembourgeoise elle-même. De quoi renverser le leitmotiv bien huilé du «légal mais pas moral» qui décrit habituellement ces pratiques et qui a tenu jusqu’à la déflagration des LuxLeaks.

La relaxe ou Strasbourg

Les prévenus ont ensuite été entendus et interrogés par la Cour. Fait rarissime, le premier avocat général avait transmis ses notes à la défense aux premières heures du procès, ainsi que ses réquisitions – 6 mois d’emprisonnement assorti du sursis et une amende pour Antoine Deltour, une simple amende pour Raphaël Halet et la confirmation de l’acquittement pour Édouard Perrin. Il a également accepté de prononcer son réquisitoire avant les plaidoiries.

Ces réquisitions allégées par rapport à celles du Parquet et aux peines prononcées en première instance correspondent à une réelle prise en compte des critères établis par la Cour européenne des droits de l’Homme afin de définir et de reconnaître le statut de lanceur d’alerte à un prévenu. Tout en soulignant que les lanceurs d’alerte ne sont pas «protégés à n’importe quel prix».

Toutefois, les prévenus sont déterminés à obtenir leur relaxe pure et simple, quitte à poursuivre leur combat judiciaire jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme. C’est ce qu’ont déjà plaidé les défenseurs d’Antoine Deltour lors de la troisième audience le 21 décembre, tandis que la partie civile, PwC, considère les anciens salariés comme des «opportunistes» qui se sont «inventés lanceurs d’alerte ex post facto» à des fins de stratégie de défense.

Les avocats de Raphaël Halet et d’Édouard Perrin doivent encore plaider, sans compter les probables répliques de l’avocat général et de la partie civile. Une ultime audience pourrait être convoquée lundi prochain si celle de mercredi ne suffisait pas.