Le ministre de l'Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse Claude Meisch se concerte avec le premier conseiller de gouvernement, Lex Folscheid. (Photo: paperJam / DR)

Le ministre de l'Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse Claude Meisch se concerte avec le premier conseiller de gouvernement, Lex Folscheid. (Photo: paperJam / DR)

La deuxième audience du procès SchoolLeaks ce mardi matin a tenu ses promesses: non seulement a-t-on pu entendre un ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en la personne de Claude Meisch, témoigner, mais l'on a aussi pu entendre un témoin, le compagnon d’une des inculpées et membre du parti d’opposition CSV, avouer son implication dans l’affaire.

Ce dernier a raconté comment il avait appris le 16 mars 2015 par sa compagne que des épreuves communes avaient été transmises aux enseignants du cycle 4.2 avant même qu'elles aient eu lieu, puis convaincu sa compagne d’en alerter le député CSV, Félix Eischen, pour que celui-ci se renseigne auprès du ministère en postant une question parlementaire.

Le témoin a expliqué avoir créé une plateforme d’échange «dropbox» pour charger des éléments audio dans un fichier compressé. Il a ensuite proposé à Félix Eischen d’y jeter un coup d’œil, mais celui-ci aurait renoncé à accéder aux fichiers, car il avait une preuve suffisante des fuites avec la lettre recommandée accompagnant les épreuves. Suivit la question parlementaire le 17 mars 2015, un jour avant la conférence de presse du ministre de l’Éducation nationale.

«Pickereien»

Interrogé par l’avocat de la partie civile et représentant l’État, Me Michel Molitor, le témoin s’est égaré en affirmant d’abord ne jamais avoir utilisé son courrier électronique professionnel pour traiter de l’affaire. Me Molitor a, rapport de la perquisition de la police à l’appui, démontré devant le juge que le témoin a pourtant bel et bien utilisé son mail professionnel. Eut lieu à ce moment-là un petit interlude: l’avocat d’une autre enseignante inculpée, Me Gaston Vogel, s’en est (une fois de plus) pris à l’ère du numérique en fustigeant le tribunal de ne pas avoir donné de soutien à la Défense pour comprendre les résultats numériques de la perquisition.

Le témoignage du compagnon d’une des accusées et membre du CSV aura en tout cas fait planer l’impression que le parti aurait tenté d’instrumentaliser politiquement la fuite, car au lieu d'informer le ministère, le CSV aurait préféré formuler une question parlementaire. Le témoin a cependant souligné que, même s'il fait partie du CSV, sa compagne au contraire ne partagerait pas du tout les mêmes idées. Et d'ajouter que personne ne lui aurait demandé de transmettre les épreuves et que quelque temps après la fuite, le président de fraction du CSV, Claude Wiseler, et le ministre Claude Meisch (DP) se seraient entretenus pour «laisser tomber les attaques» («Pickereien» en luxembourgeois).

Qu’à cela ne tienne: le ministère de l’Éducation nationale a donc porté plainte contre le témoin pour son implication dans l’affaire. Le tribunal devra décider si, oui ou non, le témoin prendra place auprès des quatre inculpés, à savoir trois enseignantes et le mari d’une d’entre elles.

Trahi ou trop naïf?

Les déclarations de Claude Meisch, ce mardi en tant que témoin, auront quant à elles montré que le ministère faisait, jusqu’aux SchoolLeaks en mars 2015, confiance au corps enseignant. Selon les avocats des inculpés, la négligence du ministère aurait rendu des fuites, un jour ou l’autre, inévitables. Le ministre s’en est défendu en déclarant que si l’on ne pouvait plus faire confiance à ses enseignants, le système éducatif actuel ne pourrait plus fonctionner.

Tout comme son bras droit, le premier conseiller de gouvernement Lex Folscheid, l’avait déjà déclaré pendant la première séance du procès lundi, Claude Meisch a également défendu la décision du ministère et du Script (Service de coordination de la recherche et l’innovation pédagogiques et technologiques), de transmettre les sujets des épreuves et les corrigés aux enseignants avant même que les épreuves aient eu lieu.

En ce qui concerne les rumeurs selon lesquelles des épreuves auraient déjà fuité par le passé, Claude Meisch a, comme Lex Folscheid lundi, déclaré qu’il en aurait entendu parler, mais qu’aucune de ces rumeurs n'avait pu être vérifiée.

Le procès SchoolLeaks qui devait se terminer mercredi sera prolongé.

Ce mercredi, les inculpés, trois enseignantes et le mari d'une d'entre elles, donneront leurs versions des faits. Suivront jeudi les plaidoiries, sauf celle de l’avocat Me Gaston Vogel, qui a exprimé son désaccord en fin d’audience mardi et annoncé qu’il plaiderait mercredi. Le procureur d’État Jean-Paul Frising a quant à lui taquiné la Défense qui, lors des deux premières audiences, a ajouté quelques commentaires à ses questions: «Avec tout ce qu’on a déjà entendu, tout le monde aura terminé en peu de temps.»