Natacha F., Tatiana K., Danielle H. et son époux Christian S. comparaîtront les 9, 10 et 11 janvier à la reprise du procès ajourné en raison de l'absence de témoins cruciaux, en l'occurrence les agents du ministère de l'Éducation nationale. (Photo: Sven Becker)

Natacha F., Tatiana K., Danielle H. et son époux Christian S. comparaîtront les 9, 10 et 11 janvier à la reprise du procès ajourné en raison de l'absence de témoins cruciaux, en l'occurrence les agents du ministère de l'Éducation nationale. (Photo: Sven Becker)

La deuxième audience du procès a été levée après une nouvelle matinée de joutes entre le procureur, le président de la 18e Chambre et les avocats. La première audience avait déjà été émaillée d’éclats de voix – principalement de Me Vogel – et de dissensions entre le ministère public et la défense. Me Rollinger avait également tenté d’extraire son client, Christian S., époux de l’une des prévenues, de la procédure en invoquant des irrégularités survenues lors de son premier interrogatoire par la police de Grevenmacher le 31 mars 2015. Une demande jugée non fondée par le tribunal à l’ouverture de l’audience jeudi.

Les avocats de la défense se sont ensuite succédé à la barre afin de réclamer la comparution des témoins cités. Et en premier lieu celle du ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch. «J’ai envoyé une lettre en recommandé le 14 septembre 2016», précise Me Vogel, qui souhaite voir le ministre s’exprimer sur un point: «À quel moment précis a-t-il appris pour la première fois que des copies circulaient de manière sauvage?» L’avocat soutient que cette prise de connaissance est en effet antérieure aux faits reprochés à sa cliente, Danielle H.. Il enjoint même le tribunal à condamner Claude Meisch pour défaillance puisque le ministre ne s’est pas présenté malgré sa citation comme témoin.

Les autres avocats de la défense se pressent ensuite pour dénoncer l’absence de Claude Meisch mais aussi celle des agents de son ministère, à même d’éclairer les circonstances de la distribution et de la divulgation des épreuves de français et d’allemand du cycle 4.2 en mars 2015. Comme la veille, ils ont dû croiser le fer avec le procureur d’État, Jean-Paul Frising, tellement convaincu que le dossier parle de lui-même qu’il n’a pas cité les enquêteurs comme témoins – la défense l’a fait. «Les témoins ont été entendus à charge, les prévenus sont donc en droit de les entendre à décharge», précise Me Kasel, défenseur de Natacha F., rappelant que «le but du procès est la manifestation de la vérité».

Dans une justice démocratique, les procès durent aussi longtemps qu’il le faut!

Me Gaston Vogel, défenseur de Danielle Hoffelt

La défense argue encore que le tribunal doit insister afin que les témoins se présentent à la barre. Face au procureur d’État qui évoque les contraintes de temps du tribunal, Me Vogel éructe. «Dans une justice fasciste, les audiences commencent à 9h et se terminent à midi; dans une justice démocratique, les procès durent aussi longtemps qu’il le faut!» Il réclame au ministère public une citation à comparaître délivrée aux témoins par un huissier de justice, dénonçant les économies réalisées en n’envoyant qu’une lettre recommandée.

«Le tribunal doit décider s’il est absolument nécessaire d’entendre les témoins», estime le procureur d’État. Les trois juges se retirent pour délibérer. «Il n’y a pas lieu de donner droit à la condamnation des témoins pour défaillance», prononce le président de la Chambre après 10 minutes de discussion. Mais rien sur la citation de Claude Meisch réclamée par Me Vogel. Deuxième suspension d’audience: «le tribunal se déclare incompétent pour demander au procureur d’État d’ordonner la citation d’un témoin», indique le juge Becker. «Je fais appel hic et nunc (ici et maintenant, ndlr) et je demande la suspension de l’audience», surgit Me Vogel. Qui quitte la salle devant le refus des juges d’accéder à sa demande. Son assistante, Me Emmanuelle Rudloff, devra insister pour obtenir que cette demande soit inscrite au plumitif.

Place enfin au fond avec la déposition de l’enquêteur Marc Weis. Il détaille les perquisitions menées aux domiciles de Danielle H. et de Tatiana K., ainsi que celle intervenue dans les locaux du ministère de l’Éducation nationale. Il s’agissait surtout de récupérer le dossier déjà préparé par les services de l’administration. «Les fonctionnaires responsables de l’envoi des épreuves ont indiqué avoir envoyé les épreuves aux membres du conseil d’orientation», rapporte l’enquêteur. Or ce conseil compte pas moins de 236 membres. «Au final, 800 personnes ont eu ces épreuves en main», estime-t-il. Manifestement les copies n’ont pas été envoyées à tous les membres du conseil d’orientation, mais parmi les récipiendaires se trouvaient dix professeurs du lycée classique d’Echternach.

Trop de questions en suspens

Rapidement, les interrogations fusent. Quand les épreuves ont-elles été envoyées? À qui précisément? La déposition des agents du ministère s’avère indispensable pour tirer au clair le contexte dans lequel se sont déroulés les faits reprochés aux prévenus. Les ramifications de cette affaire mènent loin, entre des agents qui distribuent des sujets bien avant les épreuves communes du cycle 4.2, des enseignants qui reçoivent les copies sous enveloppe simple dans leur casier, sans aucune précaution de confidentialité, et des personnes extérieures informées des fuites mais qui gardent le silence. «Il y aurait déjà eu des fuites avant le 15 mars alors que les faits reprochés aux prévenus remontent au 16 mars», souligne Me Ries, défenseur de Tatiana K..

La cacophonie reprend et les juges se retirent une nouvelle fois pour délibérer au sujet des témoins, le procureur ayant finalement donné son assentiment à leur audition. Résultat: le procès est ajourné afin de permettre une citation en bonne et due forme des témoins. Les parties s’accordent pour se retrouver les 9, 10 et 11 janvier 2017. Avec la promesse de révélations surprenantes sur le fonctionnement du ministère de l’Éducation nationale.