Pour la Fedil et Nicolas Buck, 2018 est une année durant laquelle il faudra être entendu par les candidats aux élections. (Photo: Gaël Lesure / archives)

Pour la Fedil et Nicolas Buck, 2018 est une année durant laquelle il faudra être entendu par les candidats aux élections. (Photo: Gaël Lesure / archives)

Monsieur Buck, quel bilan tirez-vous de l’année 2017?

«On peut parler d’une bonne année. La zone euro a connu une croissance d’environ 2,5%, ce qui est bénéfique pour notre économie, vu que la grande majorité de nos entreprises est dans l’exportation. Elles ont été tirées par la croissance mondiale, mais aussi par celle des pays proches de nous, où elles exportent en priorité et ont développé des activités.

Il y a eu beaucoup d’annonces ces 18 derniers mois au Luxembourg: implantation d’entreprises, gros investissements et créations d’emplois à la clé. Tous ces projets sont-ils désormais en cours de réalisation?

«La plupart des dossiers avancent. Ils suivent le cours classique de ce genre de projets. C’est clair que nous avons vécu en 2016 et 2017 des années exceptionnelles en termes d’investissements. Tout ça suit son cours.

On n’est donc pas face à des effets d’annonces sans suite, on verra bientôt un producteur grec de yaourt au Grand-Duché?

«Non, ce ne sont pas des effets d’annonces. Mais le cas d’une société comme le producteur de yaourt grec Fage (qui a annoncé la création d’une usine au Luxembourg en juillet 2016, ndlr) est très intéressant. Il est venu s’immiscer dans le récent débat politique autour du mode de croissance souhaité dans le pays. L’unité prévue par Fage nécessitera une forte consommation d’eau. Certains s’interrogent donc sur la nécessité de ce type de projet.

À la Fedil, nous ne souhaitons pas que l’on en arrive à un discours qui réclame moins de croissance ou un autre type de croissance et finisse par admettre ne plus souhaiter ce genre d’usine. Elle a tout à fait sa place dans notre écosystème luxembourgeois. Une usine a toujours des contraintes de matières premières – ici, de l’eau – ou d’énergie comme dans le cas de Google. Les politiques se sont emparés du débat très compliqué sur le modèle de croissance pour le pays. Je tire donc la sonnette d’alarme: un message qui dit ‘je veux moins de croissance’ pourra très vite être compris comme ‘je ne veux plus de croissance’. C’est dangereux par rapport aux investisseurs qui souhaiteraient venir au Luxembourg. L’industrie, c’est l’avenir, c’est la haute technologie. Si on ne mise pas sur ces secteurs d’activité, comment va-t-on se développer?

Le cas de Google montre qu’il faut exiger un stock de terrains.

Nicolas Buck, président de la Fedil

Le dossier Google montre que ce n’est peut-être pas si facile pour une entreprise de s’implanter au Luxembourg…

«La question de Google n’est pas simple. Il faut redévelopper, au niveau des décideurs politiques, la compréhension que l’industrie et la technologie sont des secteurs de grand avenir. C’est notre constat au niveau de la Fedil: l’industrie est le seul secteur qui invente de la technologie. Tous les autres secteurs de l’économie ne font que l’utiliser. Or, la technologie, c’est la croissance, la productivité… Si j’admets ça, alors je développe une politique volontariste pour disposer de terrains.

Le dossier Google montre que, sur les 20 dernières années, la politique luxembourgeoise ne s’est pas totalement rendu compte de l’opportunité industrielle qui existe en Europe aujourd’hui, surtout par rapport aux changements technologiques ou aux défis environnementaux. Elle n’a donc pas fait en sorte de disposer de terrains pour de nouvelles activités. Le cas de Google montre donc qu’il faut exiger un stock de terrains, pour permettre à des gens comme Google, qui font de la très haute technologie, de s’implanter chez nous. Vous ne pouvez pas vous mettre à chercher du terrain lorsqu’un investisseur souhaite s’implanter. Vous devez pouvoir directement lui montrer les possibilités d’implantation qui existent.

Quels seront les grands chantiers de la Fedil pour 2018?

«Mon travail consiste à rapprocher la Fedil des attentes concrètes de ses membres. Il faut repositionner l’industrie en tant que secteur d’activité de grand avenir – c’est notamment important face aux grands défis climatiques – et prendre conscience des besoins de l’entreprise aujourd’hui. Il faut donc attirer et développer les talents, revaloriser l’apprentissage des métiers techniques, mettre en exergue les filières scientifiques auprès des jeunes.

Ensuite, il faut tenir compte de la diversité des gens qui travaillent dans nos entreprises et régler le manque d’harmonisation entre la fiscalité ou la sécurité sociale du Luxembourg et des régions environnantes ou encore les problèmes liés au détachement de personnel. La Fedil se donne pour mission de conscientiser le monde politique de l’enjeu de ces sujets. Enfin, il faut aussi gérer les enjeux de la digitalisation: les nouvelles formes de travail, la conciliation entre vie privée et professionnelle dans un monde digital et l’organisation de l’entreprise dans son ensemble.

Il faudra réfléchir aux outils à mettre en place pour déployer une économie hautement productive.

Nicolas Buck, président de la Fedil

2018 est une année électorale. Que demanderez-vous au futur gouvernement?

«D’abord, d’être écouté. Ensuite, de percevoir l’industrie, la technologie comme le grand secteur d’avenir du pays. Une fois qu’on s’accorde sur ce constat, il devient possible de discuter sur les moyens à mettre en œuvre pour y arriver. Ensuite, il faudra réfléchir aux outils à mettre en place pour déployer une économie hautement productive: quel cadre fiscal pour les entreprises et les personnes physiques peut nous entraîner dans une économie à haute productivité? Comment harmoniser le cadre dans les entreprises (télétravail, voyages à l’étranger, etc.) par rapport à des travailleurs frontaliers qui dépendent en partie d’autres législations?

Qu’est-ce qu’un dossier comme le «space mining» peut réellement apporter au pays?

«Les trois premières révolutions industrielles ont pu se faire parce que nous avons augmenté nos connaissances par rapport aux lois de la nature. Le ‘space mining’ n’est que la poursuite de cette révolution industrielle. Depuis cinq ou six décennies, nous avons accumulé énormément de connaissances par rapport à l’espace. À partir d’un moment, des débouchés commerciaux peuvent se développer. C’est exactement le même schéma que pour la première révolution industrielle. C’est la suite de l’histoire. Le ‘space mining’ va nous prendre 50 ans, mais c’est important au niveau de l’entrepreneuriat. On attire des sociétés, on développe des synergies avec les centres de recherche… Mais le premier vrai bilan se fera dans 30 ans.»