Danièle Martin: «Nous nous battons contre toute forme d’exclusion de la femme et, malheureusement, c’est encore parfois le cas aujourd’hui.» (Photo: DR)

Danièle Martin: «Nous nous battons contre toute forme d’exclusion de la femme et, malheureusement, c’est encore parfois le cas aujourd’hui.» (Photo: DR)

Madame Martin, en cette Journée internationale des femmes, quel regard le Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL) jette-t-il sur la situation des femmes au Grand-Duché?

«Je dirais que la situation des femmes au Grand-Duché n’est pas trop mal, même s’il reste toujours des choses à faire. On n’est jamais au bout de nos peines!

Comme vous l’a confié Marie-Josée Jacobs, les mentalités doivent encore évoluer. Il y a des progrès à faire, notamment en matière d’égalité des salaires, même si j’ai lu que cet écart pourrait être comblé au Luxembourg d’ici 2020.

Au niveau managérial, comme vous l’avez écrit également, il reste encore des progrès à accomplir puisque les femmes ne sont pas encore arrivées là où elles devraient être. Il faut donc continuer à agir dans ce sens.

Ce constat en matière de différence de salaires ou concernant les postes décisionnels ne date pas d’hier et les choses n’évoluent que lentement. Que pourrait-il être fait pour accélérer les choses?

«Je n’ai pas de solution miracle. Il y a cette idée de longue date d’introduire des quotas. S’il faut passer par là, pourquoi pas. Mais une nouvelle fois, même si nous sommes sur la bonne voie, c’est d’abord au niveau des mentalités qu’il faut agir.

Nous sommes pour le partage obligatoire des droits à la pension

Danièle Martin (CNFL)

Ne pensez-vous pas qu’il faudrait peut-être légiférer?

«Beaucoup de choses ont déjà été faites du côté de la législation, notamment depuis les années 90. Et puis, légiférer dans quel but? À poste égal, salaire égal? Mettre en place des contrôles et définir d’éventuelles sanctions? S’il fallait vraiment passer par là, oui, même si ce n’est pas la première solution que j’envisagerais.

Quelle serait alors cette première solution que vous envisageriez?

«Il n’y a pas de solution toute faite, je me répète. Mais l’engagement des femmes est important. C’est à elles de faire valoir et de revendiquer leurs droits même si, concernant les salaires et les écarts observés dans le privé, beaucoup d’entre elles ignorent sans doute qu’elles sont moins bien payées que leurs homologues.

Cela dit, cette question n’est pas la seule sur laquelle il convient de se pencher. Il y a d’autres problèmes qui se posent toujours aux femmes aujourd’hui dans leur vie de tous les jours.

Les chantiers sont encore nombreux. Je pense notamment au congé parental qui améliore déjà sensiblement la situation des femmes, sauf que les hommes devraient eux aussi s’investir un peu plus dans cette voie.

Aux yeux du CNFL, quel est le principal problème qui se pose aux femmes aujourd’hui?

«Il n’y a pas de principal problème, mais plusieurs revendications dont nous nous occupons depuis de nombreuses années. Je pense notamment aux droits liés à la pension des femmes. Nous avons toujours revendiqué une imposition individuelle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous sommes aussi pour le partage obligatoire des droits à la pension qui sont acquis pendant le mariage ou le partenariat.  

Ce sont des revendications de plus de 40 ans qui n’ont pas encore été obtenues alors qu’elles sont importantes pour celui ou celle qui a arrêté de travailler durant un certain temps et qui ne retrouve plus son travail après ou n’arrive plus à compenser ce temps d’arrêt parce qu’il ou elle n’a pas cotisé.

L’important est de continuer à appuyer là où ça fait mal et de ne jamais abandonner

Danièle Martin (CNFL)

Vous sous-entendez donc qu’un organe comme le CNFL a toujours sa place au Luxembourg en 2017…

«Oh oui, certainement! Ne fut-ce que pour produire des avis sur tous les projets de loi touchant aux droits des femmes. Nous en avons rédigé sur le congé parental, la réforme du divorce, la prostitution, etc.

Nous nous battons contre toute forme d’exclusion de la femme et, malheureusement, c’est encore parfois le cas aujourd’hui. D’où notre pleine utilité!

Aujourd’hui, dans le cadre de la Journée internationale des femmes, nous avons par exemple assisté ce midi à une réunion organisée avec des femmes réfugiées ici au Luxembourg.

Et la situation de ces femmes fait qu’elles sont vulnérables. Elles sont – dans leur périple – souvent livrées à des violences.

Nous agissons donc aussi dans ce sens-là et insistons pour que le gouvernement luxembourgeois ratifie enfin la convention d’Istanbul qui prône la protection des femmes contre toute forme de violence. Et ce quand bien même nous avons ici au Luxembourg une législation contre les violences domestiques qui est très bien faite et qui assure une grande protection de ces femmes.

Vous dites produire des avis… qui sont écoutés!?

«Parfois, ils sont pris en compte et parfois, ils ne le sont pas. Mais l’important est de continuer à appuyer là où ça fait mal et de ne jamais abandonner.

Simone de Beauvoir a dit, il y a très longtemps, que toutes les crises politiques, économiques ou religieuses remettaient à chaque fois en cause les droits des femmes. En jetant un œil sur l’actualité dans le monde, on observe aujourd’hui une certaine régression qui veut que plus que jamais les droits des femmes ne sont jamais acquis.

Raison de plus pour que le Conseil national des femmes du Luxembourg agisse et continue de s’engager pour les droits des femmes.»