Pour promouvoir le Ceta auprès des entreprises, Olivier Nicoloff, ambassadeur canadien en Belgique et au Luxembourg, multiplie les rencontres avec les chambres de commerce, comme ici avec Carlo Thelen. (Photo: Ambassade canadienne en Belgique et au Luxembourg)

Pour promouvoir le Ceta auprès des entreprises, Olivier Nicoloff, ambassadeur canadien en Belgique et au Luxembourg, multiplie les rencontres avec les chambres de commerce, comme ici avec Carlo Thelen. (Photo: Ambassade canadienne en Belgique et au Luxembourg)

Monsieur Nicoloff, le Ceta a finalement été voté au Parlement européen pour une entrée en vigueur provisoire en avril. Qu’est-ce que cela va changer concrètement?

«Le Canada s’est bien évidemment félicité de ce vote, car nous avons travaillé pendant presque sept années pour ce résultat. Ce que l’accord économique va changer des deux côtés de l’Atlantique, c’est, d’une part, d’apporter des opportunités supplémentaires pour les entreprises pour faire du commerce et, d’autre part, pour les consommateurs de bénéficier d’une plus large variété de produits, à des prix plus avantageux. Sans compter que le Parlement a également validé un accord stratégique qui confirme notamment le fait que nous partageons les mêmes valeurs.

Lors de son discours devant les eurodéputés, le Premier ministre Trudeau a indiqué que ce texte devait avant tout «profiter à tout le monde et pas bénéficier qu’aux seules grandes entreprises»…

«Oui, car ce qui compte pour nous actuellement, c’est de bien faire connaître cet accord économique et commercial qui est un outil, un instrument dont il faut pouvoir profiter. La parole est désormais vraiment au milieu des affaires et chez nous, cela concerne beaucoup les moyennes et petites entreprises qui pourraient majoritairement en profiter. Celles qui, par exemple, font face à des tarifs à l’exportation de 12 à 18% et qui n’ont pas la marge suffisante pour leur permettre d’être compétitives sur le marché. Ce sont elles qui ont le plus besoin de ce type d’accord, et non les grandes sociétés. Il faut donc qu’elles soient informées des possibilités qui existent.

Au travers de quels moyens cette communication va-t-elle se faire?

«Nous sommes en contact très régulier avec les chambres de commerce, pour promouvoir le Ceta. C’est dans ce cadre que j’étais il y a quelques jours au Luxembourg. Nous passons à la prochaine étape maintenant, qui consiste à faire en sorte que l’accord devienne réel, concret et qu’on puisse, des deux côtés de l’Atlantique, en profiter.

Parmi les craintes exprimées par les opposants au Ceta figurait la question de la hausse des quotas de denrées alimentaires canadiennes vers l’Europe. Se dirige-t-on vers une arrivée massive de bœuf sur le marché européen, par exemple?

«Certains chiffres ont effectivement été avancés, mais il faut garder en tête la taille du Canada et celle du marché européen qui représente 500 millions d’habitants. Si certaines possibilités par rapport au bœuf voient le jour, cela concernera l’ensemble du marché européen. Et l’application de cette mesure, comme d’autres d’ailleurs, se fera de manière progressive. Nous ne nous attendons donc pas à des bouleversements.

Qu’en est-il des tribunaux d’arbitrage, le point le plus sensible de l’accord, qui doivent permettre aux entreprises de contester certaines décisions des États?

«Cet aspect ne fera pas partie des points qui entreront en vigueur lors de la mise en application provisoire du texte. Ce que nous voulons, c’est profiter de ce délai supplémentaire pour poursuivre nos échanges avec nos partenaires européens sur l’établissement de ce nouveau mécanisme d’arbitrage. Il faut garder en tête que, pour nous les Canadiens, l’idée d’être capables d’établir un nouveau système qui soit vraiment indépendant, neutre était très importante.

Les craintes qui ont été exprimées dans plusieurs pays européens étaient aussi nos préoccupations. Nous avons encore du temps désormais pour nous pencher sur des aspects plus précis, comme la manière dont seront nommés les juges des tribunaux d'arbitrage pour assurer leur indépendance. Du temps donc pour peaufiner ce système et veiller à ce qu’il réponde aux craintes légitimes et importantes qui ont été exprimées ici en Europe, mais aussi au Canada.

Le Ceta pourrait devenir une norme.

Olivier Nicoloff, ambassadeur canadien en Belgique et au Luxembourg

Cet accord est avant tout un accord commercial, destiné à favoriser le libre-échange. Cela n’est-il pas en contradiction avec les objectifs environnementaux pris lors de la COP21?

«Non, car c’est vraiment ce qu’on appelle un traité progressiste, dont l’une des premières clauses rappelle que les États ont toujours plein pouvoir pour assurer leur objectif en matière de droit du travail ou d’environnement. Le gouvernement du Premier ministre canadien s’est engagé dans les travaux entamés à Paris et tient à ce sujet comme l’une de ses priorités.

Pour le Canada, le Ceta doit être une base pour d’autres accords. Qu’en est-il de la conclusion d’un partenariat privilégié avec les États-Unis?

«Nous n’avons, à ce jour, rien reçu de la part du gouvernement américain concernant ce sujet précis. Ce que nous croyons, c’est effectivement que le Ceta pourrait devenir une norme, car c’est le premier accord qui intègre les préoccupations liées à l’environnement et aux droits des travailleurs. Ce qui compte pour nous est avant tout de le faire fonctionner et d’en faire un succès.

Selon Justin Trudeau, cet accord doit être un modèle pour permettre de «créer des emplois bien rémunérés pour la classe moyenne». Comment cela va-t-il se traduire au Luxembourg, selon vous?

«Je n’ai pas d’exemples concrets pour le moment, mais au Canada, il a été très bien démontré que les emplois liés aux exportations sont des emplois de qualité bien rémunérés. C’est dans ce sens que nous croyons que le Ceta va bénéficier à la classe moyenne.»