Les victimes n'ont pas démontré de préjudice lié aux faux bilans ou l'association de malfaiteurs, a tranché le nouveau juge d'instruction. (Photo: Visir.is)

Les victimes n'ont pas démontré de préjudice lié aux faux bilans ou l'association de malfaiteurs, a tranché le nouveau juge d'instruction. (Photo: Visir.is)

Le collectif des victimes de Landsbanki Luxembourg, que la liquidatrice de la banque Me Yvette Hamilius décrit comme des retraités désœuvrés noyant leur désarroi à coup de rosé de Provence, est sous le choc. Le juge d’instruction Stéphane Maas leur a signifié le 21 octobre que son enquête se limitera à la prévention de blanchiment et qu’il laisserait de côté les préventions de faux bilan et association de malfaiteurs que la Cour d’appel avait pourtant retenues en lui demandant d’ouvrir une instruction dans le dossier Landsbanki.

Le juge Maas, en s’appuyant sur le réquisitoire du Procureur d’État, reçu la veille de son ordonnance, a estimé qu’il ne pouvait pas retenir les infractions de faux bilans et d’association de malfaiteurs. Raison invoquée: les parties civiles, à l’origine de la plainte (qui remonte à novembre 2012) contre les membres du réseau bancaire de Landsbanki et la liquidatrice, n’ont justifié «d’aucun préjudice personnel ni même d’une simple possibilité de préjudice qui leur aurait été causé par l’infraction de faux bilan de Landsbanki Luxembourg». Le magistrat indique que les victimes n’ont pas avancé non plus «une possibilité de préjudice», matériel ou moral, pour l’infraction d’association de malfaiteurs.

Bref, sur les trois préventions que la Cour d’appel avait retenues, il n’en reste plus qu’une, le blanchiment.

Appel relevé

L’avocat luxembourgeois du collectif, Me Benjamin Bodig, a aussitôt relevé appel de l’ordonnance d’irrecevabilité.

Après l’euphorie qu’avait suscitée chez eux en juillet dernier la décision de la Cour d’appel d’ouvrir une enquête pour blanchiment, faux bilans et association de malfaiteurs à la suite des pratiques commerciales de la banque qui leur avait vendu des prêts toxiques pour renflouer sa trésorerie, les victimes déchantent, mais ne se résignent pas, espérant toujours que la justice soit faite sur cette affaire qui, dans d’autres juridictions (France, Espagne et Islande), a débouché sur l’inculpation d’anciens cadres et dirigeants de la banque luxembourgeoise.

Le collectif espère toujours placer la liquidatrice de Landsbanki, Me Yvette Hamilius, devant ses responsabilités et lui faire admettre le caractère frauduleux des agissements de l’établissement financier. Mais la liquidatrice, intraitable, assure ne pas avoir trouvé le moindre indice de fraude dans le dossier et retourne commodément la faute contre les clients de la banque qui s’étaient laissés séduire par les prêts toxiques en gageant leurs maisons.

Dans un arrêt du 10 juillet, les magistrats de la Cour d’appel, siégeant à huis clos, avaient estimé qu’il y avait assez d’indices pour croire que la commercialisation de ces produits toxiques dits «equity release» a été «opérée au moyen de procédés malhonnêtes susceptibles de revêtir la qualification d’escroquerie» et qu’il convenait d’ouvrir une enquête au Luxembourg. Ce à quoi la justice luxembourgeoise ne s’était pas résolue jusqu’à présent, considérant que la fraude avait été commise à l’étranger.

Deux ans après la plainte des victimes, et alors qu’en France le juge d’instruction Renaud van Ruymbeke a bouclé son enquête, on n’est donc pas très avancé. Les victimes parlent de déni de justice et ne comptent pas en rester là.

Même si l’appel du collectif n’aboutit pas au résultat escompté, il faudra que le juge Maas instruise du chef de blanchiment, ce à quoi un premier juge s’était refusé, jusqu’à ce que la Cour d’appel retoque cet été son refus et exige qu’un autre magistrat reprenne le dossier en main.