La justice luxembourgeoise renvoie les victimes vers la France et l'Espagne. (Photo: DR)

La justice luxembourgeoise renvoie les victimes vers la France et l'Espagne. (Photo: DR)

Le collectif des victimes de la banque islandaise Landsbanki a essuyé un nouveau revers de la part de la justice luxembourgeoise à quelques jours de Noël.

Le 17 décembre, la Chambre du conseil de la Cour d’appel a jugé non fondé son appel contre une ordonnance d’irrecevabilité du juge d’instruction Stéphane Maas datée du 21 octobre dernier refusant de donner suite à leur plainte pour faux bilans et association de malfaiteurs.

La plainte avec constitution de parties civiles (106 au total) visait les membres du réseau bancaire Landsbanki, les intermédiaires qui avaient écumé les côtes méditerranéennes de France et d’Espagne en quête de retraités propriétaires de biens immobiliers à hypothéquer contre des prêts toxiques de type equity release. La plainte touchait aussi la liquidatrice de la banque, l’avocate Yvette Hamilius.

En juillet dernier, la Cour d’appel avait demandé l’ouverture d’une enquête pour blanchiment estimant qu’il y avait assez d’indices pour croire que la commercialisation des produits equity release avait été opérée au moyen de procédés malhonnêtes susceptibles de recevoir la qualification d’escroquerie. Et en cherchant à récupérer ces actifs, la liquidatrice serait susceptible de blanchiment.

Pas de raison de révoquer la liquidatrice

En dépit de cette décision de la Cour tombée le 10 juillet 2014, le Parquet s’est refusé à incriminer Me Yvette Hamilius et a pris «un réquisitoire de non informer», apprend-on dans un jugement commercial du 14 novembre dernier, déboutant le collectif de leur demande de révocation de la liquidatrice. «La suspicion jetée sur la liquidatrice en rapport avec un éventuel blanchiment ne justifie pas de mesure de révocation à son encontre», ont assuré les juges.

Quant aux accusations de faux bilans et association de malfaiteurs à charge des commerciaux et intermédiaires de la Landsbanki, l’arrêt du 17 décembre n’est pas non plus une bonne nouvelle pour la centaine de victimes regroupées dans le collectif. La Cour d’appel a en effet confirmé l’ordonnance rendue par le juge Maas. Le magistrat avait déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles «en ce qui concerne les infractions de faux bilans et d’association de malfaiteurs au vu du défaut d’intérêt personnel des parties civiles à voir poursuivre les faits».

Les victimes, précisait le juge d’instruction, n’ont pas subi de préjudice personnel en relation causale directe avec les infractions de faux bilans et d’association de malfaiteurs. Stéphane Maas confirmait les vues du procureur d’État qui le 20 octobre 2014 concluait que les parties civiles n’avaient justifié «d’aucun préjudice personnel ni même d’une simple possibilité de préjudice». 

Tromperie sur le triple A

Les victimes avaient fait valoir que la falsification des comptes et les faux bilans avaient créé une apparence trompeuse de solvabilité et de stabilité financière de la banque et les avaient mis en confiance pour contracter des prêts de type equity release. Si, avançaient-elles encore, les manipulations du cours de bourse des actions de la banque et la fragilité des garanties offertes aux banques centrales islandaise et luxembourgeoise pour obtenir des emprunts et maintenir une note triple A leur avaient été connues, elles se seraient bien gardées de contracter de tels prêts.

Mais tout en reconnaissant qu’une notation financière constitue «un critère clé» pour les investisseurs dans l’estimation d’un risque et que le triple A de Landsbanki a «contribué à mettre (les victimes) en confiance», la Chambre du conseil de la Cour d’appel estime toutefois «qu’il n’est pas prouvé qu’elle eut été le facteur déterminant pour (les) inciter à souscrire à l’equity release scheme».

Sa commercialisation, soutiennent les juges dans un langage politiquement correct, s’expliquait par des raisons de taux de rendement et de fiscalité, la banque ayant fait «miroiter aux parties civiles de bénéficier d’un rendement exceptionnellement élevé tout en investissant dans des placements sûrs et d’échapper à l’impôt espagnol sur la succession immobilière». Bref, la banque incitait à la fraude fiscale, mais la responsabilité est à imputer aux clients.

Renvoi vers les justices française et espagnole

L’apparence de solidité financière dont se vantait la banque luxembourgeoise dans ses publicités en Espagne est, pour la Cour, «seulement un élément parmi d’autres qui peuvent caractériser les manœuvres frauduleuses de l’escroquerie reprochée à Landsbanki Luxembourg et dont le dossier pénal renferme des indices».

Pour autant et même à admettre que les fraudes commises par la banque pour maintenir artificiellement son cours de bourse à un niveau élevé et faire croire à sa solvabilité pour tromper les banques centrales, leur emprunter de l’argent et avoir par la suite des répercussions sur la régularité des bilans, «les faux dont les bilans pourraient être affectés n’ont pas pu causer un préjudice direct et personnel aux parties civiles», relèvent les juges qui renvoient les plaignants vers les justices française et espagnole.

«Le préjudice économique et moral (…) a uniquement pu été (sic) causé directement par les faits qualifiés d’escroquerie poursuivis par les autorités judiciaires française et espagnole internationalement compétentes», estime la Cour d’appel.

Quant à l’infraction d’association de malfaiteurs lancée par le collectif à l’encontre des dirigeants et commerciaux de Landsbanki, le raisonnement des juges reprend encore le même couplet, maintes fois entendu au Luxembourg: cette infraction par elle-même n’a pas pu être à l’origine d’un «préjudice direct et personnel».

Le collectif n’a plus rien à attendre de la part de la justice luxembourgeoise, à moins d’une surprise sur le volet du blanchiment qui reste toujours en suspens, et c’est sur les terrains en France et en Espagne que le match devrait désormais se jouer, alors que la banque était luxembourgeoise.