Plus de 500 adhérents de la CGFP étaient venus lundi soir à la manifestation de la confédération. (Photo: Nader Ghavami)

Plus de 500 adhérents de la CGFP étaient venus lundi soir à la manifestation de la confédération. (Photo: Nader Ghavami)

Ouvrir davantage la fonction publique aux non-Luxembourgeois «ne résout pas les problèmes, mais en crée d’autres», déclarait le président de la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), Romain Wolff, lors d’une manifestation «de protestation» ce lundi soir.

Devant plus de 500 adhérents des différentes sous-organisations de la confédération rassemblés au Parc Hôtel Alvisse à Dommeldange, il s’interrogeait si la politique, «majorité et opposition», n’avait donc pas déjà oublié les leçons du référendum de 2015, lorsque 80% des électeurs rejetaient le droit de vote pour les résidents non-luxembourgeois. Il se demandait aussi «comment les partis peuvent être si loin des citoyens à un an des élections». Les déclarations étaient suivies d’acclamations.

Romain Wolff réagissait ainsi aux propositions formulées par le ministre en charge de la Fonction publique, Dan Kersch (LSAP), le 16 novembre sur RTL. Ce dernier estime que face aux difficultés de recrutement de fonctionnaires pour un service public qui doit servir 900.000 personnes alors que l’État ne peut que puiser dans un «réservoir» de 300.000, la fonction publique devrait être ouverte davantage aux non-Luxembourgeois pour certaines tâches.

Si j’ai le choix entre un médecin luxembourgeois et un médecin français, alors mon choix est relativement simple.

Dan Kersch, ministre de la Fonction publique

Même si le taux d’échec à l’examen-concours tourne autour des 80%, le gouvernement estime que les difficultés de recrutement ne peuvent être réglées en réduisant les exigences. La CGFP, elle, plaide pour une révision des questionnaires des examens-concours et une meilleure préparation des candidats.

Invité lundi soir chez RTL Télé, Dan Kersch relativisait sa proposition: après tout, entre 6 et 7% des fonctionnaires publics seraient d’ores et déjà des étrangers et il faudrait désormais évaluer secteur par secteur où l’embauche d’étrangers serait censée. Avant d’ajouter que «si j’ai le choix entre un médecin luxembourgeois et un médecin français, alors mon choix est relativement simple, mais si j’ai le choix entre un médecin français et aucun médecin, alors il est tout aussi clair que je prends le médecin français».

À la corbeille, la réforme?

En fait, la CGFP, un syndicat «responsable» et avant tout au service de l’intérêt général, selon Romain Wolff, avait invité ses adhérents à Dommeldange pour rappeler ses revendications, en l’occurrence une réforme de la réforme, qui en fait représente une remise en question de la quasi-totalité de la réforme de la fonction publique initiée lors de la dernière mandature, en 2010, par le ministre François Biltgen (CSV), signée en 2011 et votée en 2015.

Pour commencer, la CGFP veut l’abolition du régime dit «80/80/90», correspondant à des salaires à hauteur de 80% du traitement de base lors des deux premières années de stage et 90% lors de la troisième et dernière année du stage. Ce régime n’aurait été accepté par la CGFP que parce qu’en contrepartie, le stage aurait dû être fondamentalement réformé. Or, selon le secrétaire général de la confédération, Steve Heiliger, cette réforme fait défaut.

Outre la question de la rémunération des stages, la CGFP demande l’abolition des systèmes d’évaluation introduits en 2015, après avoir été allégés par le nouveau gouvernement, car «tant qu’il y a un risque minimal d’arbitraire», un tel système d’évaluation n’aurait aucune raison d’être.

Par ailleurs, la CGFP revendique la fin de la surcharge des fonctionnaires et la fin des inégalités de traitement entre les différentes carrières, à l’image d’une différence de 100 points de base entre certaines carrières en début de carrière. Pour finir, elle juge «inacceptable» les tentatives de la politique de jouer les sous-organisations de la CGFP les unes contre les autres: «qui s’attaque à l’un d’entre nous s’attaque à nous tous».

Ultimatum à la politique

Tandis qu’il serait conscient qu’«il ne faut pas jeter l’argent par la fenêtre», le président de la CGFP qualifiait néanmoins les projections du Conseil national des finances publiques de «catastrophisme» (l’institution estime qu’à politique inchangée, la dette atteindrait entre 161 et 206% du PIB d’ici 2060).

Alors que Romain Wolff estimait que les tentatives, du patronat notamment, de diviser les salariés du secteur privé et les fonctionnaires, il rappelait que ni les salariés, ni les fonctionnaires n’auraient été responsables de la crise financière et économique qui avait demandé des sacrifices de part et d’autre. Plutôt que s’attaquer aux salaires, la politique ferait mieux d’abolir le régime des stock-options.

Pour conclure leurs discours respectifs, Steve Heiliger et Romain Wolff lançaient cet appel aux différents partis, y compris, sans le citer par le nom, le CSV: «C’est maintenant qu’il faut se positionner». Dans deux semaines, la CGFP veut faire le point sur les réponses des partis à ses revendications lors d’une conférence des comités. S’ils ne sont pas satisfaits, les fonctionnaires envisagent des actions syndicales qui iront plus loin que la manifestation de lundi soir.